J’ai mangé un peu partout à travers le Bénin et dans le monde. Je me souviens de ces fufu (igname pilée) au Togo à la sortie du laboko sans oublier une chère cousine (honni qui mal y pense !) qui m’obligeait à me déplacer du Bénin à Lomé la belle pour un adémè mille pièces. Je me souvins d’un plat de couscous au Maroc que j’ai dû recommander tant la saveur onctueuse m’a raidi sur ma chaise. C’est vrai qu’en occident, ils savent aussi préparer et je n’hésitais pas à m’empiffrer des plats de choucroute agrémenté de toutes ces charcuteries qui ont laissé des traces de rondeur sur mon ventre. Je pourrais continuer en Asie, où j’ai travaillé quelques cochons de lait des plus croustillants ! Bref, j’ai connu des repas. Mais, comme le disait l’autre, « le meilleur est toujours à venir ».
Rien ne me prédisposait à trouver mon bonheur gastronomique en ce jour où les amis Mahi festoyaient avec leur plat national que j’aime tant. J’avais essayé timidement la veille de souhaiter « bonne fête » à quelques-uns sans réponse. De guerre lasse, je me suis rabattu sur un ami fidèle à qui une charmante amie de la région accordait ses faveurs. Avec lui, c’était toujours sûr, même à la dernière minute. Hélas me dit-il ! La dame avait jugé ses résultats globalement insuffisants et s’était tournée vers un valeureux militaire de force et de décision, qui semble t- il avait même combattu les djihadistes au nord du pays. Bref, c’est râpé !
Comment faire face à ce jour merveilleux où des tonnes d’ignames se pilaient pendant que j’étais à la maison ? Le logis était encore plus morose dans la mesure où la bonne était partie et maman était sortie. Mes enfants, étudiants studieux mais cuisiniers médiocres sinon quasi inexistants, tapotaient déjà à cette heure leurs satanés phones. Que faire ? Que manger ; moi qui avais eu la chance de grandir dans les jupes d’une maman mina qui ne tolérait pas deux choses : ne pas savoir préparer et ne pas aller diligemment à l’école.
Pour me consoler, je me surpris à me rappeler de quelques repas où je n’avais pas trouvé mon compte. Un de mes anciens élèves voulant me faire plaisir m’amena dans un restaurant où on vendait cette horreur gastronomique qu’on appelle Chawarma. Je me résolu à mastiquer un mets où il n’y avait ni piment, ni légumes adéquats. Pendant que je machais avec soin la deuxième bouchée, le Seigneur installa devant moi, de l’autre côté de la route, une dame accorte qui ouvrit une marmite pleine de Djongoli. Ma troisième bouchée resta coincée dans mon gosier lorsque je compris que, si je n’allais pas voir ce qui se passait dehors, la horde des gourmands et impolis agglutinés devant la vendeuse ne laisserai rien bientôt ! Je me levai machinalement et couru récupérer ce véritable repas. J’en pris seulement trois fois tandis que l’élève amusé, compris que la vieillesse s’accommodait peu de ces mets modernes qui rendait les enfants impolis et débiles.
Il y a eu pire dans un pays occidental au demeurant fort sympathique qui jouxtait notre éternel colonisateur. On avait pensé que la quantité de notre cheptel et la qualité de notre élevage devraient nous avoir habitué à une mentalité de chèvre broutant sans cesse. Je n’avais jamais vu autant de laitues et autres herbes diverses et inconnus sur une table. On se demandait où était la viande ! Vache folle nous dit-on ! Mais alors les poulets et autres volailles était devenues cinglées aussi ? Nous africains, repartîmes chez nous en hoquetant, notre hôte ayant oublié que nous n’avions pas de panse pour ruminer.
J’avais toujours faim et je me résolus, tout seul comme un grand à faire un feu de charbon pour préparer le mets qui me plaisait et qu’un seul des enfants aimait beaucoup, un autre assez et le dernier pas du tout. Ne pensez surtout pas que c’est une occasion pour qu’ils puissent aider. Vous n’obtiendrez aucune réponse et c’est la colère qui suit qui travaille votre tension et vous amène à l’hôpital. Soyons zen mes frères face à la jeunesse ! Donc, je me mis au charbon et je décidai à fêter le 15 aout à ma manière. Les enfants me virent aller et venir, trimballant les ingrédients. Je me mis à l’ouvrage et, timidement, une tête apparue pour s’assurer de ma présence aux fourneaux. Etonnée, elle disparue après une photo de son paternel en transe. Ensuite, tout ce petit monde vint me voir par curiosité et enfin, me tendit une cuillère, arrangea et touilla la casserole sur le feu, coupa des oignons et gouta le piment noir et la sauce. Miracle : on avait préparé ensemble et lorsque le repas fut prêt, nous mangeâmes ensemble, avec appétit ce délicieux mets qu’on appelait KOM. Avais-je perdu au change en gagnant mes enfants au moins une fois ? Bon appétit à toutes et tous !
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe