J’ai une très bonne nouvelle à vous annoncer : je suis devenue enfin femme à part entière. Je viens d’obtenir un poste très convoité dans la grande institution s’occupant des questions féminines. C’est vrai que j’ai beaucoup de diplômes en droit, en sociologie et une bonne connaissance de la psychologie. En même temps, ce n’est pas cela qui m’a permis d’être prise. J’ai dû demander l’intervention d’un de mes oncles de grande influence politique dont j’ai toujours été la nièce préférée. Je fus étonnée de sa première réaction très réticente. Face à mon insistance, il me demanda de venir avec mon mari le voir à la maison. Il posa une seule question s’adressant à mon mari : « c’est vraiment ça que tu veux pour ta femme qui gagne largement sa vie ailleurs » ? Mon homme répondit par l’affirmative, malgré tout plein d’étonnement. En réalité, repris mon oncle, c’est un véritable milieu de justice et d’inclusion mais beaucoup de femmes comprennent le contraire et commencent d’abord à détruire leur foyer pour s’affirmer !
J’obtins le poste et je découvris un monde nouveau fait de haine et de violences diverses ! Je constatai à quel point les femmes semblaient porter tout le poids du monde à travers leurs vies misérables et la plupart du temps, leurs hommes méprisables. Très vite, je découvris qu’en réalité, nous vivons dans un monde machiste d’exclusion où la femme ne représente rien et l’homme tout !
J’avais, dès le départ, eu la chance d’être coachée et soutenue par une femme qu’on dénommait « la dame de fer ». Belle, affable et sainte : les objets saints étaient partout dans son bureau. S’étant extirpée, comme elle se plaît à le dire, d’un mariage toxique, elle représentait l’archétype de la femme battante. Je l’écoutais précieusement et je compris l’essentiel de la mission de la femme sur terre : faire face à l’homme, ce quasi ennemi, avec sagesse et objectivité. Ne vous méprenez surtout pas : ce n’est surtout pas une chasse à l’homme mais un manifeste pour une femme libre. En réalité, j’avais eu du mal à adhérer à cette vision du mâle infect et inutile. Mais ces dames de qualité et d’efficacité me convainquirent.
Je commençais à observer autour de moi à l’aune de mes nouvelles quasi convictions. Mon mari fut évidemment mon sujet d’expérimentation. Nous avions une famille qui n’était pas idyllique, mais qui tenait bien à force de concessions réciproques. Mon homme était très intelligent mais peu ambitieux car il aurait pu prétendre à des sommets dans son travail. Quand je voulais le pousser, il répondait toujours : mon ambition, c’est les enfants et toi. Moi je voulais aller de l’avant. Il me poussait d’ailleurs. D’un autre côté, il était très entreprenant, toujours à courir derrière moi pour me trousser et avoir beaucoup d’enfants.
Avec le prisme de cette belle institution de qualité, je me rendis compte que cet homme avait beaucoup de travers : il était paresseux ; cherchait à me pousser pour vivre à mes crochets, car je gagnais maintenant plus que lui et surtout me considérais comme une machine à faire des enfants ! Vous avez compris ? L’homme type était dans ma maison ! Le combat pour l’égalité et l’équité était d’abord dans ma maison. La plupart de mes nouvelles collègues étaient d’ailleurs sans maris et se prévalaient de cette liberté.
Mon mari constatant mon changement, s’étonna et voulu en discuter au lit. Je refusai ses avances et lui annonçais que le lendemain, je partais en mission pour deux semaines. Il ne dit rien. Je revins d’une tournée dans les confins du Bénin qui acheva de m’édifier : que de brimades, que de viols, que de crimes des hommes. Que de femmes courbées, battues, asservies et donc chosifiées ! Mes collègues remarquèrent, au retour que j’étais vraiment devenue une des leurs : plus de mari qui me dépose les matins ; plus d’enfants dont je m’enquiers à longueur de journée etc.
Pour marquer ma liberté, j’achetai un véhicule et décidai de passer la semaine chez mes parents où il y avait de la place au lieu de ce long périple de Calavi. Mon zèle fut remarquable à tel point que les deux premières responsables que je ne voyais pas souvent m’appelèrent pour me féliciter et me faire comprendre que « nous ne sommes pas en croisade contre l’homme, mais pour la femme. » La nuance est importante et induit l’inclusion et non l’exclusion, gage de l’harmonie de la société.
Je compris peut-être. Mais une chose était sûre : mes activités et mes missions à l’intérieur du pays n’avaient plus besoin de mari, ni d’enfants. Mon mari devenu, pleurnichard et passant de parents à parents pour soi-disant me faire entendre raison, m’insupportait et la cassure, inévitable, survint. J’étais libre !
Mais un fait me traumatisa : au détour d’une mission et pressée de parler à la « dame de fer », j’ouvris la porte de sa chambre d’hôtel pour la trouver à genoux et pleurnichant dans les bras d’un jeune et vigoureux éphèbe qu’elle présentait au bureau comme son neveu et son chauffeur. Je tombai des nues et rebroussai chemin. Je me rendis compte que la plupart de mes collègues qui avaient en réalité créé leur club de « chattes joyeuses » voulaient m’entraîner avec elles.
Bientôt, ce fut l’enfer autour de moi : plus de collègues bienveillantes, plus de mari et d’enfants. Il ne restait que moi qui, pleine d’idées d’envie de tout casser et aujourd’hui, vide de sens et d’orientation ! Je compris que j’avais été manipulée par la plus mauvaise frange de femmes battantes qui avaient la haine contre les hommes, le monde et en réalité elles-mêmes.
Je cherchai à démissionner pour m’en sortir mais ce serait trop facile. Il me fallait redresser la barre au nom de tous les miens : hommes, femmes enfants. En attendant, le plus difficile était là : d’abord conquérir mon mari et mes enfants.
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe