Acteurs du secteur de l’éducation et Partenaires Techniques et Financiers (PTF) se sont réunis du 10 au 11 mars 2022, à l’Hôtel Golden Tulip Le Diplomate de Cotonou autour du Forum national pour l’accélération de l’éducation des filles au Bénin. Objectif, passer en revue les facteurs qui plombent les efforts consentis en faveur de la scolarisation des filles au Bénin d’une part, et d’autre part, proposer des pistes de solutions. Marraine de l’événement, Mariam Chabi Talata, vice-présidente de la République du Bénin a délivré un message aux participants et acteurs de l’éducation lors de la cérémonie de clôture. Voici la quintessence de son adresse !
Extrait du message de Mariam Chabi Talata, vice-présidente de la République
Nous voulons tous que ce forum porte les marques d’une rupture, et d’un Nouveau départ, en ce qui concerne l’éducation des filles. Nous voulons tous que l’éducation des filles aille vite, aille bien et loin. C’est pourquoi, j’ai beaucoup aimé la comparaison faite par Aïchatou, la représentante des filles qui a dit que dans le processus d’accélération de l’éducation des filles, il faut fonctionner comme un moteur turbo. J’ai beaucoup apprécié la comparaison avec un moteur puissant pour faire vite, pour aller rapidement au but visé depuis des décennies mais non atteint à ce jour.
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs, chères filles,
Un moteur, c’est un système, un assemblage d’éléments dans lequel le fonctionnement harmonieux de chaque parti concoure, contribue à la réalisation, à l’atteinte d’un but commun. Ainsi, si nous nous considérons tous ici comme les éléments du moteur d’accélération, de l’éducation des filles, il nous faut, pour ne plus travailler dans l’approximation et éviter le retard, redéfinir, repréciser les buts à atteindre, les acteurs qui doivent y contribuer, leurs responsabilités, les stratégies les plus appropriées, les plus pertinentes, les plus réalistes et contextualisées et les moyens et ressources à mobiliser à tous les niveaux.
S’agissant du but, des objectifs, des ambitions ou finalités visés, il importe qu’ils soient non seulement connus de tous, mais aussi partagés par tous. Il faut ici une communion de vues, de perspectives, de visions partagées du futur désirable pour les filles et les femmes de notre pays. Il nous faut agir et faire en sorte que l’accélération de l’éducation des filles ne soit pas l’affaire de l’Etat et des Partenaires Techniques et Financiers seuls. Il faut qu’elle soit voulue et partagée non seulement par l’ensemble de la communauté, mais aussi et surtout par les filles elles-mêmes et par leurs parents. Les pièces maîtresses ou centrales du moteur de l’accélération de l’éducation des filles, ce sont les filles et leurs parents et surtout le sens, la valeur qu’ils donnent à l’éducation. La perception, l’image, la représentation que les filles et leurs parents ont de l’école et de l’éducation, comptent énormément. C’est donc sur ces cibles importantes qu’il nous faut d’abord et surtout travailler car, si l’école n’est pas une priorité pour ces deux (02) cibles, on aura beau créer toutes les conditions facilitatrices sur les plans social, matériel, pédagogique, juridique, rien ne changera. Il n’y a pas de vent favorable, dit-on, pour le navire qui ne connaît pas son port, mais le changement de comportement est malheureusement comme des moteurs diesels. Ils sont plus lents, ils prennent du temps avant d’atteindre leur vitesse maximale. De plus, leur évaluation et leur mesure ne sont pas aisées mais quand ils prennent, c’est pour de bon, c’est pour longtemps. C’est ce vers quoi nous devront pourtant aller car nos vrais obstacles sont dans les pensées, les têtes, les opinions et les préjugés de nos concitoyens sur l’éducation des filles …
Quant aux parents, les papas surtout, leur responsabilité est ici grande. Leur attitude vis-à-vis de l’école a un impact fort sur la réussite ou non de leurs filles. Ils doivent incarner comme je l’ai dit hier, la masculinité positive dans l’éducation de leurs filles. Cela n’a rien à avoir avec leur propre niveau d’instruction. Nous avons vu des parents analphabètes se battre et réussir l’éducation de leurs filles, et des parents intellectuels ratés l’éducation des leurs. C’est une question de volonté, d’ambition, de priorité, de choix de futur que l’on veut pour sa famille et ses filles.
S’agissant des filles elles-mêmes, le gros travail est à leur niveau. Comme leurs parents, on peut absolument ne rien attendre d’elles si l’école ne leur dire rien, si l’école n’a pas de sens pour elles. Il faut alors par diverses stratégies amener nos filles à comprendre qu’elles n’ont pas de vie d’avenir, de dignité possible sans l’éducation, la formation, l’autonomisation. Il faut une véritable conscientisation de nos filles pour faire naître en elles, l’envie, la soif d’éducation et la volonté de s’y engager. Mais il faut dans le même temps aussi faire comprendre aux filles, surtout vulnérables ou de conditions modestes, que l‘éducation exige des efforts partagés quand on n’a pas la chance de naître avec une cuillère en or dans la bouche. L’Etat, les PTF et certains parents même s’ils veulent, ne peuvent immédiatement prendre en charge tous les besoins spécifiques de nos filles qui suivent des parcours de formations. Il n’est possible nulle part au monde, mais c’est un idéal que nous visons tous. En attendant, les filles vulnérables du Bénin comme les garçons qui le sont, doivent consentir des efforts supplémentaires pour mener leurs études en toute responsabilité et dignité. Dans notre pays, nombreux sont d’ailleurs les étudiants qui poursuivent leurs études et qui pendant les vacances, les congés ou les week-ends offrent leurs services à des prestataires pour gagner des ressources nécessaires à la satisfaction de leurs besoins. Les filles de conditions modestes, ne doivent plus attendre que tout leur tombe du ciel. Elles peuvent et doivent mener concomitamment des activités génératrices de revenus ou offrir leur service, leur assistance, leur aide dans les champs, les élevages, les restaurants, le commerce, les ateliers, de petites et moyennes entreprises moyennant rétributions pour une digne et responsable satisfaction de leurs besoins. Si la pauvreté est indexée comme la cause principale du retard dans l’éducation de nos filles, l’autonomisation de ces dernières en est en partie la solution. C’est la droite et noble voie de réduction de décrochage des filles, des grossesses en milieu scolaire, de l’échec des filles. Ce qui est ici proposé n’est pas nouveau. Les filles vulnérables un peu partout dans le monde s’adonnent à ses activités pour pouvoir poursuivre dignement leurs études. Moi-même, en tant que marraine du présent forum, j’ai dû recourir à ces stratégies à divers moments de ma formation pour me maintenir dans le système éducatif.
Croyez-moi, chères filles, il vaut mieux vendre de petits biens de consommation pour satisfaire ses besoins que vendre son corps ou son âme à ses fins. Il faut que ce mouvement gagne notre pays, et qu’il soit encadré par l’étude approfondie des modalités d’admission de nos filles dans les unités de production publique ou privée. Il nous faut beaucoup accompagner nos filles et leurs parents. L’environnement familial chez nous étant parfois inhibiteur pour diverses raisons, il nous faut maintenir le contact et un dialogue permanent avec les filles et leurs parents. Il nous faut conditionner les parents, les groupes, les communautés de manière à développer, augmenter leur foi en école et leur engagement pour l’éducation des filles. Il nous faut œuvrer de sorte que dans un futur proche au Bénin, on aime l’école comme on l’aime dans les Etats d’Asie du Sud Est par exemple où la culture de l’excellence, de la réussite scolaire est une religion nationale, régionale …
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,
Si c’est possible ailleurs, pourquoi pas chez nous. Prenons donc conscience de nos limites, de nos failles, de nos spécificités et engageons-nous sincèrement et résolument pour l’avenir dont nous rêvons pour nos filles dans le Bénin de demain que nous voulons différent.
Réalisation : Edouard KATCHIKPE