L’épanouissement de la personne adulte résulte de l’accompagnement dont elle a bénéficié depuis son enfance. C’est dire donc que le caractère, la moralité ainsi que le comportement présentés par l’Homme, sont acquis durant les premières années de son existence. Alors, quels actes doit-on poser en tant que parents afin d’assurer un bon développement à l’enfant ? A cette question, des spécialistes ont répondu. Voici ce qu’il en ressort.
«Tout se joue avant 7 ans ! ». Cette expression sonne comme une affirmation, une certitude dans le rang de tous les scientifiques et spécialistes, qu’ils soient du domaine de la santé physique ou psychologique ou même du domaine de l’éducation. Ceci, pour signifier que la nature de l’être humain se forme déjà dans l’intervalle de 0 à 6 voire 7 ans. A en croire les spécialistes reçus un peu plus tôt dans d’autres sujets relatifs à l’enfance, toute l’éducation que l’être humain reçoit et qui fait sa personnalité du point de vue comportemental, affectif et de l’éducation en elle-même, est façonnée, depuis son très jeune âge. Cette affirmation des spécialistes est bien basée sur des études scientifiques. Lesquelles études auraient prouvé que la construction de la personne humaine prend sa base dans cette tranche d’âge et ne fait que se consolider tout le long de la vie. Le développement fait à ce propos par pédiatre, psychologue clinicienne et éducatrice spécialisée renseigne à suffire sur l’importance du rôle parental dans le développement holistique et l’épanouissement intégral de l’enfant qui vient de naître.
Des éléments justificatifs de cette affirmation
Les raisons qui sous-tendent cette affirmation portée trop souvent et à juste titre par les scientifiques sont multiples et de diverses formes, selon qu’on soit dans le domaine psychologique, pédiatrique ou de l’éducation.
Pour Almira Simiclah, éducatrice spécialisée au service psychosocial du Village d’Enfant SOS d’Abomey-Calavi, la raison est toute simple. « Tout le monde s’accorde à dire que tout se joue avant 7 ans, parce que c’est pendant cette période que le développement de l’enfant est très intense », avance-t-elle à son niveau comme justification. Si, la plupart du temps, l’opinion générale pense fortement qu’il faut attendre que l’enfant atteigne un certain niveau de compréhension avant d’apporter l’éducation nécessaire, l’éducatrice spécialisée dira que les parents qui le pensent ainsi, ont déjà raté l’éducation de leur progéniture. « Entre 0 et 6 ans, c’est le moment propice pour inculquer à l’enfant, l’éducation qu’on aimerait lui donner et c’est à partir de 7 ans qu’on commence la rééducation, c’est-à-dire que si on avait manqué d’inculquer certaines valeurs, normes et règles à l’enfant, on essaie maintenant de le rééduquer pour corriger ce qui est déjà installé », a-t-elle précisé au début de son intervention. Ces propos de l’éducatrice spécialisée seront approuvés par Dr Rosalie Aihounzonon Kpadonou, psychologue clinicienne et docteur en psychopathologie et psychothérapie. Faisant allusion à son domaine de compétence qu’est la psychologie, cette dernière va insister sur le fait qu’entre 0 et 6 ans, les grandes structurations, les bases sont déjà établies. « Il y a le développement psychomoteur et affectif qui sont vraiment importants et qui sont déterminants pour l’être humain pendant cette période et qui se répète même à l’âge adulte », a expliqué la psychologue clinicienne.
Bien que la plupart des personnes ressources soient d’avis sur ce fait, la médecine pédiatrique à sa propre lecture de la chose. Pour se référer aux réalités propres à cette spécialité, on déduit aisément dans les propos du pédiatre interrogé que le développement intervient de façon variée chez l’enfant, selon que ce dernier est né prématurément ou sain ou même en surpoids. Tout en écartant l’hypothèse selon laquelle l’enfant est né prématuré ou en surpoids ou sans crier, Dr Constant Marcel Hounmènou, médecin pédiatre en service à l’hôpital Bethesda de Cotonou, se focalise sur le développement au niveau de l’enfant sain. Mais avant, il a tenu à renseigner d’abord sur les conditions pour déclarer un enfant sain. « Un enfant sain, c’est un enfant qui a fait neuf (09) mois ou tout au moins huit (08) mois et demi dans le sein de sa mère. Il faut qu’il naisse avec un poids normal qui tourne autour de 2 kg et demi à 3 kg et demi et doit avoir crié à sa naissance », a-t-il énuméré comme caractéristique d’un enfant sain. Revenant sur le sujet en question, le pédiatre affirme cependant que le développement de l’enfant se fait jusqu’à 5 ans. « Habituellement même, on s’arrête à 5 ans parce que de 0 à 5 ans, c’est la période même où l’enfant est en train d’installer sa croissance, son immunité et de 5 ans à 6 ans, c’est par rapport à son éducation. Il est vrai que l’éducation intervient très tôt mais c’est à cette période que l’enfant comprend ce qu’il fait et il assimile mieux », a-t-il laissé entendre.
En sa qualité de spécialiste de la santé de l’enfant, le pédiatre, affirme que les trois premières années encore appelées les 1000 premiers jours, sont les meilleures années de construction du petit être qu’est l’enfant. Il ne manque pas de s’expliquer afin de mieux se faire comprendre. « De 0 à 3 ans, l’enfant naît avec une certaine immaturité relative de sa physiologie et de son immunité. Tous ses organes étant déjà formés, vont croître au fur et à mesure que lui-même grandit », a fait savoir le pédiatre. S’inscrivant dans la même logique que le pédiatre, l’éducatrice spécialisée informe que c’est au cours de cette période que se fait toute sorte de développement chez l’enfant. « Dans cette période, il y a le développement physique et le développement de la motricité (psychomotricité) notamment la motricité fine, la motricité générale, et ensuite la capacité de comprendre, la mémoire, le langage », a-t-elle énuméré avant d’ajouter le développement cognitif qui n’est rien d’autre que la capacité intellectuelle, la capacité d’analyser, de comprendre, de faire par imitation et de faire comme l’autre. De même, il y a le développement affectif qui s’observe chez l’enfant déjà dans cette tranche d’âge.
Tout en reconnaissant la véracité des propos tenus par ses prédécesseurs, la psychologue clinicienne Rosalie Aïhounzonon Kpadonou a cependant tenu à rendre la liste plus exhaustive en y ajoutant ce qui se fait sur le plan psychologique. « Le développement psychologique se fait dans l’invisible. C’est le fonctionnement de l’être intérieur qui met l’Homme dans sa globalité en relation avec lui-même, en relation avec son environnement et par rapport à tout ce qui est établi dans le physique et dans l’invisible », martèle-t-elle. Elle explique également qu’avant la manifestation physique de l’être sur terre, il a déjà un prérequis. « Il y a déjà des informations intégrées à l’être humain qui se décline tout au long de son développement. Mais quand l’enfant naît maintenant, le reste dépend en grande partie de son environnement. Donc ses informations sont aussi intégrées. Il reçoit ces informations de l’environnement et cela participe à sa structuration sur le plan psychologique », a-t-elle développé en insistant sur le fait que la société a également un rôle à jouer dans le développement de l’enfant.
Quid de la participation de l’environnement dans le développement de l’enfant ?
L’environnement, le milieu dans lequel l’enfant grandit, a un rôle primordial à jouer dans son développement. Il permet à l’enfant d’être sociable et d’apprendre à aller vers les autres, dira Almira Simiclah, éducatrice spécialisée. Aussi, précise la psychologue clinicienne, Dr Rosalie Aïhounzonon Kpadonou, l’environnement permet à l’enfant de prendre le pli qu’on espère pour lui. « Bien que des informations aient été déjà transmises à l’enfant, il a besoin de l’environnement pour se mettre en conformité et intégrer ces informations afin de se construire, de prendre le pli qu’on attend de lui », a-t-elle insisté. C’est d’ailleurs pour cela que l’éducatrice spécialisée a insisté à ce que les parents fassent attention dans tout ce qu’ils disent ou font devant les enfants. « Les gens n’ont pas compris que lorsqu’on devient parent, on a l’obligation de changer ses propres habitudes. L’enfant observe tout et cela a des conséquences négatives sur son comportement par la suite », a fait ressortir l’éducatrice qui préconise que : « les parents fassent très attention, dans leur vie quotidienne, à la manière de parler, de traiter une autre personne, même au langage utilisé, à tout ce qu’il y a comme organisation interne à la famille, les moments que la famille doit passer ensemble, l’attention, l’affectivité et le respect que chaque membre de famille porte vers un autre. Ce sont des éléments de base qui entrent dans la construction de l’identité de la personne ».
« Tout à fait clair ! », lance Constant Marcel Hounmènou, pédiatre. « L’enfant apprend par imitation. Pour parler, c’est en imitant les parents. Les parents disent les mots et il répète. C’est pourquoi, il ne faut pas poser des jurons, des injures parce que, quand le parent fait ça, l’enfant commence à le répéter et lui, il est comme un magnétoscope, il répète sans savoir et il va commencer à le faire au dehors », a-t-il laissé entendre en insistant sur le fait que le mimétisme, c’est surtout par rapport au langage, au comportement et à la conduite. Cela dit, l’alimentation a aussi son mot à dire dans la construction de l’enfant.
Rôle de l’alimentation dans le développement de l’enfant
L’alimentation joue un grand rôle dans le développement de l’enfant aussi bien par rapport à sa croissance physique qu’à son développement psychomoteur, semble dire le pédiatre Constant Marcel Hounmènou. A l’en croire, grâce à l’alimentation, l’enfant acquiert une croissance somatique, c’est-à-dire qu’il croît normalement, son corps, sa taille, son poids évoluent selon des normes données. Mais dans le même temps, on observe également le développement psychomoteur chez l’enfant. « C’est dans cette période que l’enfant commence à s’asseoir, à marcher à quatre pattes et ensuite sur les deux pieds et sa psychologie et son intelligence aussi se développent en considérant que le cerveau est le siège de l’intelligence. C’est là où le cerveau joue un grand rôle et c’est l’alimentation qu’on donne au bébé qui aide son cerveau à bien se développer. Le cerveau commandant tout le corps, c’est là qu’on parle de psychosomatique ou psychomoteur. Les marches se font à temps, le langage intervient à temps », a-t-il dit pour établir le lien entre l’alimentation et le développement de l’enfant.
Il a, à cet effet, insisté sur les aliments que doit consommer l’enfant dans cette tranche d’âge pour sa pleine croissance. Au prime abord, le lait maternel exclusivement jusqu’à 6 mois, tout au moins, pour assurer une bonne immunité au nouveau-né. Au-delà de 6 mois, s’ajouteront les aliments riches en glucides, lipides, protéines comportant les oligoéléments à savoir le fer, le cuivre, le magnésium, le calcium. Outre l’alimentation qui assure le développement physique et celui du cerveau, cette période est également celle au cours de laquelle la personnalité de l’être prend corps.
L’harmonie familiale, facteur déterminant dans le développement de l’enfant
« Il n’y a aucune raison qu’un enfant qui grandisse dans une famille harmonieuse, ne puisse pas se développer normalement ». Sans s’être concertées, cette affirmation revient dans les propos de chacune des personnes ressources. L’amour des deux parents et même l’amour entre frères et sœurs résonnent comme ultime solution pour faire des enfants, des meilleurs hommes et femmes dans le futur. A tour de rôle, chacun s’explique à travers les expériences. « Un enfant qui évolue dans un couple harmonieux, on constate que le développement est aussi harmonieux. Un enfant qui évolue dans un foyer à problème, il y a des non-dits, il y a des choses qu’il enregistre mais qui ne sortent pas sur le champ et qui vont sortir après dans sa conduite », a insisté le pédiatre. Avec exemple à l’appui, il fait observer « qu’un père qui crie tout le temps sur la mère devant son petit enfant, ce n’est pas à 6 ans que l’enfant va commencer à crier. Mais c’est quand il sera plus grand que cela sortira spontanément dans son caractère ».
Si les aliments assurent le développement physique de l’enfant, c’est l’amour qui assure celui psychique. « L’amour est incontournable dans le développement de l’enfant », dira simplement Rosalie Aïhounzonon Kpadonou, psychologue clinicienne. Elle insiste sur le fait que lorsque l’accompagnement n’est pas ce qu’il faut, les dégâts sont perceptibles sur tous les plans. « Le déficit affectif est à la base de l’essentiel des retards que nous voyons jusqu’au retard de croissance physique », a-t-elle dit, invitant les parents à faire plus attention à ces détails dans l’accompagnement de leur progéniture. « Les obligations vis-à-vis d’un enfant ne s’arrêtent pas seulement à assumer ces besoins fondamentaux. C’est aussi de s’occuper de lui, de jouer avec lui, de passer du temps avec lui, d’échanger avec lui sur ce qu’il a fait dans la journée pour tisser réellement ce lien affectif que nous appelons au niveau de l’enfant, le lien d’attachement », préconise Almira Simiclah, éducatrice spécialisée à Village d’Enfants SOS Abomey-Calavi.
Estelle DJIGRI