De 1970 à ce jour, le Bénin a connu plusieurs catégories d’enseignants : engagés directs, Jeunes Instituteurs Révolutionnaires (JIR), Instituteurs Adjoints Suppléants (IAS), étudiants en mission, enseignants communautaires, vacataires. Aujourd’hui et ce depuis l’année scolaire 2019-2020, une nouvelle catégorie a vu le jour : les Aspirants au Métier d’Enseignant. Pour cette deuxième année d’opérationnalisation de cette réforme, le gouvernement du Président Patrice Talon est passé au recrutement de 13.900 AME afin de combler le déficit en enseignant dans les établissements secondaires. Le sous-secteur primaire a également bénéficié de cette attention gouvernementale. Une réforme majeure qui appelle à des engagements que le pouvoir exécutif s’emploie avec méthode à honorer pour le mieux-être des aspirants, eux, qui veulent voir concrétiser leur inscription à la sécurité sociale et le relèvement de leur salaire.
Un nouveau corps d’enseignants qui appelle à des sacrifices, des efforts pour la bonne santé de l’école, en l’occurrence les sous-secteurs primaire et secondaire. Le gouvernement, sensible et responsable, a donc déféré à des obligations pour améliorer les conditions des aspirants déployés dans les collèges d’enseignement général. Au nombre de 13.900 pour cette année scolaire, les Aspirants au Métier d’Enseignant (AME) ont bénéficié du clin d’œil du pouvoir exécutif. Bienvenu Blassou, Directeur des Systèmes d’Information au Ministère des Enseignements Secondaire, Technique et de la Formation Professionnelle (MESTFP), en donne les précisions : « Cette année (2020-2021, ndr), le gouvernement a décidé d’améliorer les conditions de travail et de vie des aspirants en leur faisant signer un contrat comme ce fût le cas l’année dernière. Ensuite, cette année, les aspirants ont reçu une fiche de paie ; ils ont également eu une prime d’éloignement qui est de l’ordre de 5% ou de 10% selon le département. 5% si vous allez dans les Collines ou dans la Donga. Puis 10% s’il s’agit des départements de l’Alibori, l’Atacora et le Borgou. Les aspirants vont également cotiser à la sécurité sociale pour préparer leur retraite ». Sur ce dernier point, ‘‘l’aspiranat’’ se différencie de la vacation, selon le DSI. « La différence avec la vacation, c’est qu’il y a des aspirants qui ont été vacataires pendant 10 ans, 12 ans et qui n’ont jamais cotisé à la sécurité sociale. Si on leur avait fait une fiche de paie et qu’ils avaient cotisé normalement, ceux qui ont déjà fait 12 ans auraient cotisé pendant 12 ans et il ne leur resterait que 03 ans pour avoir les 15 ans minimum… », a-t-il dit à Educ’Action dans les locaux de son bureau au Ministère le vendredi 05 février 2021. S’agissant de la pénurie d’enseignants, une problématique vieille de plusieurs années déjà, le cadre du ministère clarifie que la situation ne peut être résolue en une année. « Je suis sûr que d’ici deux, trois ou quatre ans, on aura complètement résolu tous les problèmes qui restent pour que dès la rentrée, les élèves puissent commencer les cours avec leurs enseignants », rassure le DSI, Bienvenu Blassou.
‘‘L’aspiranat’’ : Une initiative salvatrice mais exigeante
De l’avis de certains enseignants titulaires et aspirants rencontrés dans le cadre de ce troisième numéro de la thématisation du mois de février, ‘’l’aspiranat’’ demeure une formule appropriée en termes d’approche et de réforme éducative pour non seulement pourvoir les salles de classes non encore couvertes dans le primaire et le secondaire d’enseignants, mais également du fait de la bancarisation des salaires des aspirants, la sédentarisation des enseignants, la promotion des compétences et la fin de certaines pratiques autrefois en vogue dans les établissements publics. Mais pour d’autres qui n’ont d’ailleurs pas nié la pertinence de la réforme, ‘’l’aspiranat’’ est intellectuellement et physiquement trop exigeant. Ces derniers veulent bien troquer leur titre d’aspirant contre celui du vacataire. «La vacation n’était pas trop bonne, mais il faut oser dire que ‘’l’aspiranat’’ n’est pas aussi la panacée. C’est très difficile », confie à Educ’Action Gédéon, enseignant pré-inséré en service dans un établissement à Cotonou. Il loue toutefois les efforts en cours pour améliorer la situation des aspirants, en l’occurrence dans le sous-secteur secondaire. Son collègue, enseignant la Physique-Chimie et Technologie (PCT) dans un collège public d’Abomey-Calavi s’est voulu plus concret en termes d’émolument par rapport à son quota horaire. « Je pense sincèrement que je suis mieux payé quand j’étais vacataire. Que le gouvernement revoit notre traitement salarial », a-t-il précisé.
Du revenu salarial de l’aspirant
«Pendant la vacation, nous étions pour la plupart à 18 heures voire 20 heures de cours par semaine. Aujourd’hui avec ‘’l’aspiranat’’, l’heure a considérablement augmenté. Nous sommes à 26 heures pour certains et 28 heures pour d’autres et cette fois-ci, la rémunération n’a pas été améliorée », informe Joachim, un autre aspirant rencontré sur son lieu de travail à Cotonou. A l’en croire, l’heure était payée à 1.500 francs Cfa quand il était vacataire ; ce qui a baissé jusqu’à 1.000 francs Cfa avec l’aspiranat. « Je suis allé dans le corps avec la maîtrise, et je suis payé actuellement à 105.000 francs Cfa. Avec 26 heures de cours par semaine, le total me fait 104 heures de cours par mois. Si l’on divise mon salaire 105.000 francs Cfa par les 104 heures de cours par mois, cela me donne à peine 1.009 francs Cfa par heure », détaille Joachim, enseignant pré-inséré. Tout en reconnaissant les efforts du gouvernement, il plaide pour l’augmentation du salaire.
De l’inscription à la sécurité sociale
La trentaine à peine, Abdel (prénom attribué), enseignant pré-inséré, se réjouit de la démarche du gouvernement d’inscrire les aspirants à la sécurité sociale. Fraîchement géniteur d’une petite fille, il veut bien avoir les preuves de la souscription avant de décerner ses satisfécits au pouvoir exécutif. « Si vraiment, le gouvernement parvenait à le faire aux aspirants, ce serait une bonne chose, surtout pour notre carrière », a-t-il ajouté avant d’inviter les autorités compétentes à poursuivre les efforts pour davantage inciter les enseignants pré-insérés. Pour l’heure, poursuit-il, « je continue à arrondir la fin du mois avec les cours de répétition ».
Les assurances du chef de l’Etat aux aspirants
C’est en pleine crise des trente heures affectées aux AME que le Président de la République a rencontré les responsables des confédérations syndicales auxquelles sont affiliés les regroupements et syndicats d’Aspirants au Métier d’Enseignant. Ce fût le 8 octobre 2020. Cet extrait de son intervention face à ces hôtes, au Palais de la Marina, renseigne à suffire sur l’engagement du premier d’entre nous à améliorer les conditions de vie et de travail des aspirants. Bref rappel donc !
«Les aspirants enseignants, que jusque-là, on appelait vacataires et pour lesquels nous sommes en train de changer d’appellation parce que la dynamique change, sont dans la précarité. Ce sont des gens dont nous avons besoin, dont le pays a besoin, qui ont un minimum de connaissances, de compétences, mais depuis une dizaine d’années, sont employés, déployés, sans avoir la chance de bénéficier d’une carrière d’enseignant.
Ils peuvent travailler ainsi pendant dix, quinze, vingt ans et finir sans avoir un minimum de retraite. Cette qualité ne peut pas être entretenue par l’État. Si dans le pays, nous avons des gens qui ont le minimum, capable d’enseigner, et que nous les déployons pour donner des enseignements aux enfants, il faut aussi qu’ils aient un minimum de condition de travail afin que, de par leur métier, ils trouvent également satisfaction à leurs besoins matériels.
Nous avons décidé également de régler le problème de qualité et de nombre, et de régler tout doucement le problème de condition de travail de ceux-ci pour qu’ils sortent de la précarité.
Nous avons constaté que les gens sont utilisés et ils ne cotisent même pas à une caisse de retraite. Et ça ne gêne personne ! Tous les ans, on reprend les mêmes, on les déploie pendant neuf mois, on leur paie quelque chose. Celui qui est dans ce cycle-là, au bout de dix, quinze, vingt ans, il peut finir sa carrière comme ça et ne pas avoir un sous à la fin comme retraite.
Notre rôle est de régler l’ensemble des problèmes avec nos moyens en tenant compte des exigences, des besoins pour les uns et les autres, et trouver le bon arbitrage.
C’est ainsi qu’au titre de cette rentrée [2020-2021, Ndr] et pour finir de régler le problème, nous avons examiné le nombre dont nous disposons, le besoin en termes d’heures de cours, et l’arbitrage a donné une quantité d’heures de cours à affecter par enseignant aspirant qui est de trente (30) heures. Ce qui effectivement, il faut le constater, est largement au-dessus des normes dans lesquelles nous sommes.
Aujourd’hui, c’est à peu près vingt heures qu’il est convenable de donner à un enseignant pour qu’il assume convenablement sa charge pour que lui et les enfants soient dans les conditions optimum de succès.
Donc, si on passe de vingt heures à trente heures, c’est lui demander pratiquement l’impossible. C’est pour cela que n’ayant pas le choix, nous avons dit que nous allons demander, à ceux qui veulent bien, parce que ce n’est pas obligatoire, d’accepter d’aller jusqu’à trente heures de cours pour que tous les enfants aient la chance d’avoir un professeur dans chaque matière…
Quand on fait le point des heures supplémentaires, on observe que beaucoup d’enseignants prennent des heures supplémentaires et quand on fait le cumul, on observe que les enseignants font plus de trente heures de cours par semaine. Si physiquement, les uns et les autres sont capables d’aller jusqu’à trente heures de cours avec vingt heures standard et dix heures supplémentaires, cela veut dire que c’est possible. C’est vrai qu’il y a une compensation suffisante…
Ce qui veut dire que quand il y a une compensation financière, les gens sont capables d’aller au-delà de vingt heures, donc nous pouvons trouver un accord. Nous offrons de vous donner des contrats et au même moment, nous allons apporter une certaine compensation, dans la mesure de nos moyens. Au lieu que ce soit des heures supplémentaires, nous allons rentrer dans une dynamique de vous sortir de la précarité.
Je préfère en tant que responsable au plus haut niveau, en matière de sécurité au travail et de confort de vie, promouvoir un modèle dans lequel la personne qui travaille a droit aux prestations sociales, à une retraite, même si la personne n’a pas un emploi permanent…
Nous avons proposé, et même pour l’intérêt de nos concitoyens qui sont concernés, et qui sont intéressés par l’enseignement et qui n’ont pas encore un contrat définitif, avant d’y aller puisque nous allons le faire, nous allons leur proposer quelque chose en compensation des efforts supplémentaires que nous allons leur demander, quelque chose qui les rapproche de l’idéal, qui est que s’ils travaillent pendant neuf mois, pendant dix mois, qu’ils cotisent à une caisse de retraite et que l’État les prendrait en charge. Donc que ce soit un emploi véritable qui a un coût pour l’État mais qui a un coût pour eux qui est que c’est un effort supplémentaire.
Notre souhait est que dans les années à venir, l’année prochaine ou dans deux ans, pouvoir leur donner un contrat définitif. Au lieu de renouveler un contrat du genre pendant dix, quinze ans, pourquoi ne pas en faire des enseignants à plein temps pour stabiliser leur vie professionnelle et pouvoir compter sur eux indéfiniment, au lieu que ce soit chaque fois en recommencement.
Nous sommes dans une dynamique évolutive qui doit avoir comme conséquence la satisfaction de notre besoin, des besoins du Bénin en matière d’enseignants pour nos enfants dans les collèges.
La Rédaction