Très engagée dans la lutte pour l’hygiène et l’assainissement, Aurore Biokou a, autrefois, mené en tant qu’enseignante, le combat de l’hygiène et de l’eau pour le bien-être des écoliers et élèves dans les écoles et collèges. Aujourd’hui, responsable à la formation et à la communication au Partenariat National de l’Eau du Bénin,son engagement pour le bien-être des enfants en milieu scolaire s’est accentué. Educ’Action, soucieux du bien-être des enfants, a tendu son micro à Aurore Biokou qui partage son point de vue sur la question de l’hygiène et de l’assainissement en milieu scolaire. Interview !
Educ’Action :Quelle est la quintessence de votre combat de l’hygiène en milieu scolaire ?
Aurore Biokou : Enseignante ayant déjà connu ce monde scolaire, je me dis que si nous devrons mener une lutte en matière de changement de comportement, c’est à la base qu’il faut commencer. Vouloir changer de comportements, c’est commencer par éduquer le tout-petit qui va grandir avec les bonnes pratiques. Voilà ce que j’avais perçu quand je m’étais lancée dans cette lutte et je n’ai pas arrêté. C’est pour cette raison d’ailleurs que je suis encore ici en tant que membre WSCC, toujours pour continuer la lutte parce que j’ai compris que c’est une lutte de longue durée. Tout ce qui apporte un changement de comportement ne peut pas se faire dans un temps restreint. C’est un travail de longue haleine. L’hygiène dans les comportements, c’est un travail de comportement, de sensibilisation, de transformation des habitudes que l’on avait pour aller vers les bonnes pratiques.
Quand on parle de l’hygiène en milieu scolaire, a quoi doit-on faire allusion ?
Lorsqu’on parle de l’hygiène en milieu scolaire, il faut d’abord voir les pratiques de lavage des mains à l’eau et au savon. Il faut voir la pratique de l’entretien de l’environnement autour de soi, l’utilisation des poubelles pour éviter à l’enfant de jeter n’importe où. Si on indique une poubelle à un enfant et qu’on lui dit que c’est dans la poubelle qu’il faut jeter les ordures, il ne jettera pas l’ordure par terre. L’hygiène en milieu scolaire, c’est également l’entretien des latrines. Lorsque nous luttons contre la Défécation à l’Air Libre (DAL), c’est qu’il faut offrir un endroit où on peut se mettre à l’aise pour éviter d’aller se mettre à l’aise à l’air libre. Mais pour que cet endroit vous attire, il faudrait l’entretenir. Or, dans la plupart de nos écoles publiques, nous savons dans quel état se trouvent les latrines. Je dis public parce que dans le privé il y a un petit effort qui se fait. Alors ce que nous souhaitons, si à l’école on apprend à laisser cet endroit propre, à ne pas laisser le trou de défécation et déféquer sur les marches des latrines ou déféquer à côté, le prochain qui viendra utiliser les latrines ne voudra pas entrer parce que là où il faut déposer les selles, c’est déjà répugnant. Il voit déjà des selles entourées de mouches, cela le répugne, il ne va pas utiliser les latrines. Il ira tout de suite dans la brousse à côté et c’est la DAL. Donc, si nous voulons lutter contre la défécation à l’air libre et que nous allons dans les écoles, c’est d’apprendre à l’enfant à utiliser les latrines et lorsqu’on utilise les latrines, il faut laisser cet endroit propre, attrayant pour que tous puissent avoir envie de venir l’utiliser.
Quelles sont les conséquences de la défécation à l’air libre ?
Comme conséquences, il y a les maladies hydro fécales. Lorsque les matières fécales sont laissées à l’air libre, le vent qui soulève la poussière, soulève les germes, la mouche qui se dépose va quitter là et se poser sur les aliments, la poussière qui est soulevée avec les germes va se déposer sur les aliments non couverts. Cela offre beaucoup de voies de transmission des germes pathogènes qui portent atteinte à la santé. Voilà les conséquences qui sont liées à la défécation à l’air libre. Ainsi, l’eau que nous buvons est souillée, les aliments que nous mangeons seront souillés par les germes parce que les matières fécales ont beaucoup de germes pathogènes en leur sein.
Parlant de l’hygiène en milieu scolaire, à quelles infections ou maladies s’expose une fille qui est en menstrues et qui se voit obligée de faire usage des latrines telles que décrites ?
Dans la période de menstruation, on doit faire l’usage non seulement des latrines, mais aussi des toilettes pour se laver, pour se faire propre. Les élèves viennent passer la journée à l’école et en période de menstrues, il va falloir trouver des endroits pour se mettre à l’aise et changer les couches. A partir du moment où l’école n’offre pas ces endroits, la fille reste à la maison pendant les menstrues. Donc cela fait une cause d’abandon des écoles par les jeunes filles. Dans les écoles, nous devrons nous soucier de pouvoir offrir ces endroits aux élèves pour pouvoir se changer parce que quand nous parlons aussi des menstrues, c’est du sang et le sang aussi à l’air libre, il y a pas mal de germes qui vont pouvoir se développer et ce sont les mouches qui vont aller se déposer sur les aliments des enfants. Là où il n’y a pas la propreté, il y a la maladie. Donc, la relation que nous faisons entre la gestion de l’hygiène menstruelle dans les écoles et les maladies, c’est déjà cela. Lorsque le sang est contaminé, mal géré, sale, ou que la couche n’est pas changée à temps, cela peut être source d’infection génitale chez la fille et c’est là qu’on a plus tard des complications. Elle aurait déjà trainé des infections génitales qui vont avoir des conséquences sur son appareil génital et plus tard, c’est des femmes stériles, c’est des cancers qui vont se développer. L’autre chose aussi, c’est la question des menstrues qui ne doit plus être un sujet tabou. Lorsqu’on n’en parle pas à la jeune fille, à cette période, elle a peur et les filles qui ne sont pas préparées à cela, sont stigmatisées tout de suite parce que parfois elles sont surprises d’avoir leur robe tâchée et n’étant pas préparée, les menstrues sont là, sa robe est tâchée et les camarades se moquent d’elle, elle est stigmatisée. Donc, ce sont des questions qu’il faut commencer à aborder petit à petit dans les écoles.
L’hygiène en milieu scolaire fait appel à l’usage de l’eau.Mais certaines écoles n’ont ni l’eau de forage, ni l’eau de la Soneb, ou parfois de l’eau pas trop propre. Comment peut-on faire usage des latrines sans l’eau ?
Sans l’eau, il n’y a pas l’hygiène dans une école. Vous voulez parler de propreté, mais vous n’avez pas l’eau. Qu’est-ce qui rend propre ? C’est d’abord l’eau. Donc, ce n’est pas du tout une très bonne idée d’avoir à construire des écoles sans penser à comment ces écoles doivent être dotées d’eau. Cela peut être l’eau de forage ou l’eau de la Soneb. En tout cas, il faut qu’il y ait une source d’eau propre parce que si l’eau est souillée, l’enfant se crée encore d’autres problèmes. Donc, nécessité effectivement d’avoir à l’école une source d’eau potable, une source d’eau propre et sûre. Mais comment est-ce qu’on gère l’eau pour que l’eau qu’on a recueillie de la pompe ne soit pas souillée ? C’est encore un autre piège. Si le contenant que l’enfant apporte à la source pour prendre l’eau n’est pas propre, c’est qu’il est déjà souillé, et cela va souiller l’eau. Il faut donc faire attention à cela. Donc première chose, nécessité d’avoir de l’eau dans les écoles. Deuxième chose, veiller à la gestion de l’eau dans les écoles, veiller à ce que l’eau ne soit pas polluée à l’usage et que l’eau soit maintenue potable, propre, de la source jusqu’au lieu d’utilisation. Pour l’hygiène menstruelle, il faut nécessairement cette eau, il faut des toilettes, des douches avec de l’eau même si on n’a pas fait l’adduction directe dans les douches, mais qu’il y ait des seaux d’eau propres, bien fermés pour que l’eau soit maintenue propre pour que la fille qui vient l’utiliser pour sa toilette ne soit pas contaminée.
Propos recueillis par Romuald D. LOGBO