Autrefois entourées d’une tradition : Les premières règles bafouées aujourd’hui

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L’apparition des premières menstruations chez la jeune fille ne reçoit plus l’attention qui lui est autrefois réservée. S’il est vrai que les filles subissent son arrivée sans information aucune au préalable, il est important de préciser aussi que les parents n’apportent plus toujours le soin qu’il faut.

Avez-vous eu des informations sur les menstrues, avant qu’elles n’apparaissent pour la première fois sur vous ? Cette question a été posée à plus d’une dizaine de filles rencontrées dans la ville de Cotonou. La réponse varie selon une génération à une autre ou selon qu’elles sont filles ainées ou cadettes. « Non, je n’avais jamais été informée avant d’en avoir. Je me rappelle les avoir eues un beau matin à 12 ans. J’ai couru vers ma mère qui a fini par m’expliquer cela », se prononce Prisca, la vingtaine. « C’est à l’école que j’ai eu pour moi. Les camarades se sont bien moqués de moi. C’était la honte de ma vie. J’avais du mal à retourner en classe les jours d’après », confie dame Clotilde, la trentaine et mère de 3 enfants. De son côté, Anita a eu l’information auprès de sa sœur ainée bien avant d’en avoir. « Ma sœur les a eues bien avant moi. Et puisque nous partagions la même chambre, je la voyais faire et c’était l’occasion pour moi d’être préparée », dira-t-elle. La situation n’a pas changé quand une comparaison est faite entre l’ancienne génération et la nouvelle. « Est-ce que ce sont des choses qu’on dit même. En notre temps, cela ne se disait pas non plus, tu tombes dedans. Mais quand tu as la chance d’avoir des devancières, c’est autre chose », renseigne dame Victoire la soixantaine. Ces propos confirment les affirmations du gynécologue accoucheur, le Dr François Lahamy qui dit que « La plus belle femme au monde ne peut donner que ce qu’elle a reçu. Tout dépend donc de l’éducation. » Mais bien que cette ancienne génération n’en parlait pas, elle entourait quand même ce moment, d’une sorte de cérémonie observée par toutes les mamans d’alors.

Les menstrues, une occasion de fête autrefois

Les femmes de l’ancienne génération peuvent avoir de la difficulté à éduquer leurs filles sur l’apparition des premières règles, mais elles savent cependant respecter la tradition qui s’impose dans ces conditions. Car, les premières menstrues sont pour la famille, une occasion de célébrer la nouvelle femme. Pour avoir été plusieurs fois témoin de cela, le gynécologue François Lahamy est en mesure d’affirmer que l’apparition des règles est un moment important qui se célèbre différemment dans chaque partie du Bénin. « Quand les règles apparaissent, la jeune fille va en parler à sa maman ou sa grande sœur. On réunit toute la famille pour dire que désormais notre fille est devenue une femme parce qu’elle a eu ses règles. Dès lors, tout le regard de la famille sera pointé sur elle, pour la surveiller, afin que quelque chose de bizarre n’arrive pas », conte le Dr. C’est d’ailleurs ce que ce dernier a fait pour sa benjamine lors de l’apparition de ses premières règles à ses 11 ans.
De son côté, dame Odette Azon Agbessi est restée aussi fidèle à l’une des traditions ancestrale. « Quand la jeune fille a ses menstrues, on lui offre un panier contenant des pommades, des parfums, des savons parfumés, de la poudre, etc. pour lui notifier qu’elle doit désormais prendre autrement soin de son corps. C’est comme une dot que les parents donnaient à la fille, une cérémonie qu’on fait à son endroit et les ainées l’ayant devancée, viennent vers elle pour lui prodiguer des conseils et voir si elle a bien laver ses couches, si elle s’est bien lavée, etc. », renseigne-t-elle tout en précisant avoir observé cette tradition avec ses filles. Dame Agnès témoigne avoir été témoin de cela même si personnellement, elle n’en a pas reçue. « Pour la première fois que j’ai vu cela, c’est avec l’unique fille de ma tante. C’est son papa même qui lui a offert une valise toute entière de tout le nécessaire dont la femme a besoin pour prendre soin de son corps. » Elle explique que tout cela se fait dans le but d’éviter à la fille, une mauvaise gestion de son corps. Car, à en croire dame Odette Azon Agbessi, la mauvaise gestion de cette période, pourrait engendrer des conséquences sur la santé sexuelle de la fille.
Au Dr Lahamy d’ajouter : « C’est à ce moment qu’on donne des conseils à la fille, sur sa manière de se comporter désormais dans la société, à l’école, dans la rue, à la maison. Si elle n’était pas propre, elle va devenir plus propre et on va lui montrer comment cela se fait. On va lui enseigner progressivement comment placer ses couches, changer ses sous-vêtements, etc. » Au regard du caractère très délicat de cette période, il est essentiel d’en parler avec les filles afin de leur éviter des situations comme celle connue par Adjokè.
Malheureusement, nous sommes en mesure d’affirmer que cette tradition relève désormais du passé, car, à entendre beaucoup de jeunes filles, les mamans se contentent juste de leur montrer comment les couches doivent se mettre en cette période.

Odette Azon Agbessi

La nécessité d’en parler

Aussi difficile que cela puisse paraître, il est inutile de préciser l’importance de parler de cette phase avec les filles. Pour maman Odette, l’information relative aux menstruations, ne doit pas venir de la télévision ni même du dehors. « C’est au sein de la famille que la jeune fille doit être informée de cette étape indispensable pour sa vie de femme. C’est surtout le rôle de la maman ou des grandes sœurs de préparer la jeune fille à cette réalité avant même qu’elle n’y soit confrontée. Si la famille laisse cela à la charge de la télévision ou des conseillers de la rue, les enfants pourraient ne pas avoir les bonnes informations », avertit-t-elle. « Tout à faire vrai ! » s’exclame le spécialiste gynécologue, le Dr Lahamy. « C’est le rôle de la maman, de la grande sœur, des cousines aînées, d’aider la fille à devenir une femme entière et parfaite », a-t-il dit pour situer les responsabilités. En tant que mère, dame Odette apporte quelques précisions pour lesquelles c’est important de préparer la fille en amont. « L’apparition mensuelle des menstrues peut ne pas intervenir aux mêmes dates durant les mois. Mieux, les règles peuvent venir avec des douleurs, des maux de ventre, la fièvre. Si la fille en est à ses débuts, il faut forcément attirer son attention, la sensibiliser sur ces jours ainsi que sur les conséquences que la mauvaise gestion de cette période peut engendrer », laisse-t-elle entendre.

Dr François Lahamy, gynécologue accoucheur

Conseils à l’endroit des mères et sœurs ainées

Les personnes à conseiller dans ce cas de figure sont les mères et sœurs ainées de l’avis des personnes ressources. Car, elles sont les personnes appropriées pour mener à bien cette mission. « La découverte par la jeune fille des informations sur les réseaux sociaux a ceci de mal qu’elle peut mal les interpréter. Donc les parents, surtout les mamans et sœurs aînées, doivent changer de paradigme. Il faut qu’elles enseignent ces choses à leur jeune sœur, à leur fille. Nous ne pouvons plus rien cacher aux enfants. Si elle ne découvre pas la maison, elle va le découvrir au dehors », met en garde le Dr François Lahamy, le gynécologue accoucheur. Même son de cloche du côté de dame Odette Azon Agbessi. « En tant que devancière, il faut que les mamans que nous sommes et les sœurs préviennent les jeunes filles qu’un jour ou l’autre, elles vont franchir cette étape. C’est une période importante dans la vie de toute femme qui mérite qu’on y accorde de l’intérêt. Les informer, c’est leur éviter certaines situations, c’est former des femmes bien accomplies », conseille-t-elle. Toutefois, les papas pourraient aussi jouer ce rôle, s’il est vrai que l’éducation des enfants concerne aussi bien le père que la mère.

Estelle DJIGRI

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