Carole Avandé Houndjo, à propos de l’Education Transformatrice : « On a besoin de préparer les élèves à agir »

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Du 22 au 26 avril de chaque année, la communauté éducative internationale célèbre la Semaine Mondiale d’Action pour l’éducation. Cette année, les réflexions ont tourné autour du thème ‘‘Education Transformatrice’’. Que comprendre de cette éducation et qu’implique-t-elle ? Carole Avandé Houndjo, la coordonnatrice du réseau Pamoja Education, nous en parle.

Educ’Action : Qu’est-ce que l’éducation transformatrice ?

Carole Avandé Houndjo : L’éducation transformatrice est une approche éducative qui implique la reconstruction de la réalité sociale à travers un dialogue. L’éducation est transformatrice lorsqu’elle aide à façonner les conditions pour les individus ainsi que l’épanouissement de la société. Elle considère les relations entre les individus comme importantes, la compréhension des différentes valeurs de culture comme la clé de l’apprentissage. Elle contribue surtout au développement de la pensée critique et permet aux citoyens d’être actifs dans leur communauté et d’être des artisans de paix. Nous pouvons dire que l’éducation transformatrice est en lien avec la cible 7 de l’ODD4 qui vise à ce que les élèves puissent développer des aptitudes de paix, du vivre-ensemble et puissent être des partisans respectueux des droits de l’homme œuvrant pour un monde plus juste et équitable. L’Unesco a voulu cette forme d’éducation parce que nous sommes dans un monde en pleine mutation et pour survivre dans ce monde, il faut avoir non seulement la capacité de s’adapter, mais aussi d’être autonome. Malheureusement, ce que nous apprenons à l’école aujourd’hui, ne nous permet pas de faire face aux défis auxquels nous sommes confrontés. Nous avons besoin d’une éducation transformatrice pour transformer les personnes capables de transformer des sociétés et de construire un avenir meilleur.

Quels sont les axes sur lesquels doit reposer cette éducation ?

Il faut dans un premier temps agir sur les compétences transversales, des compétences de vie pouvant permettre aux apprenants d’être des citoyens à part entière afin de prendre soin des uns et des autres ainsi que de la planète. Aujourd’hui, les effets des changements climatiques sont de plus en plus visibles. On a donc besoin de préparer les élèves à agir sur leur société en ayant un certain nombre d’aptitudes. Ensuite, nous devons agir pour avoir des sociétés plus pacifiques. Des compétences par rapport à la paix sont essentielles pour un monde meilleur. Nous avons aussi les compétences sociales, comment vivre ensemble. Nous devons cultiver un certain nombre de valeurs que nous sommes en train de perdre. L’éducation transformatrice nous retourne à nos sources pour nous permettre de puiser dans ce qui est bien pour bâtir sur les idées novatrices que le monde nous propose. Malheureusement, nous constatons que nous sommes en train de former des générations hybrides qui n’ont aucune racine par rapport à nos cultures et qui s’assimilent à l’occident. Nous avons besoin de faire l’équilibre pour avoir des citoyens complets.

Cette éducation accorde-t-elle aussi une place de choix à la culture ?

Absolument ! C’est pourquoi nous insistons sur le fait que les programmes d’éducation soient adaptés à nos réalités culturelles. Nous sommes dans une société qui a des règles. Sans connaître ces règles, nous ne pouvons pas transformer, changer cette société. C’est absolument important de nous focaliser sur nos réalités culturelles, et aussi favoriser l’apprentissage intergénérationnel. Les pays asiatiques ont compris cela et développent des programmes où des personnes de plusieurs générations sont ensemble. Cela permet aux plus jeunes d’apprendre par l’exemple. Mais aujourd’hui, c’est comme si tout ce qui est culturel ou qui relève du social est mis de côté au détriment de cette pseudo modernité qu’on nous vend. Nos enfants connaissent plus les réalités occidentales que nos propres réalités. C’est justement ce qui fait que le jeune ne rêve que de partir comme s’il n’y a pas d’universités ici au Bénin. Nos enfants pensent que le système éducatif actuel n’est pas apte à leur fournir les qualités pour être compétitifs sur le terrain. Donc nous sommes en train de construire un système éducatif qui n’est plus attractif pour la nouvelle génération.

Que faire pour transformer l’éducation au Bénin ?

Il est important de faire un diagnostic afin d’avoir la situation réelle des différents pays. Les pays se sont dotés de plans sectoriels de l’éducation qui vont jusqu’en 2030. Dans ces plans, des diagnostics ont été faits et il est important de les revisiter périodiquement, de faire le bilan et d’ajuster aussi les objectifs fixés en tenant compte des changements auxquels nous faisons face. Il y a beaucoup d’efforts consentis par le Gouvernement à travers la réforme curriculaire en cours. Mais nous voulons plaider afin que ce processus de réforme puisse impliquer toutes les parties prenantes à savoir les enseignants, les élèves et les parents d’élèves. On ne peut pas faire une réforme curriculaire entre les techniciens, les inspecteurs, les enseignants et les membres du cabinet ministériel. Nous avons besoin d’impliquer tout le monde pour que, une énième fois, nous ne nous rendons pas compte à la fin du processus, que nous sommes passés à côté. Lors de la Semaine Mondiale d’Action pour l’Education, les acteurs du système éducatif ont souligné la nécessité de mettre les nouveaux curricula en lien avec nos réalités culturelles et de commencer à voir l’éducation comme un tout, il faut favoriser cette vision holistique de l’éducation. Toutes les composantes de l’éducation sont essentielles et nous ne pouvons pas avoir de résultats probants si on ne traite pas les différentes composantes de façon équilibrée. C’est aussi essentiel que nous puissions intégrer le numérique dans le système éducatif parce que cela constitue l’attraction chez nos jeunes aujourd’hui. De l’autre côté, le Gouvernement a fait beaucoup d’efforts pour revoir la situation des enseignants mais avec tous les changements auxquels nous faisons face, il faut encore faire des efforts supplémentaires pour les mettre à l’aise. Les études ont révélé que pour avoir la qualité et les résultats escomptés, les enseignants jouent un véritable rôle, le rôle de premier plan. Mais si l’enseignant n’est pas motivé, s’il n’est pas à l’aise, on ne peut pas avoir les résultats. Au plan international, les gens s’accordent à dire qu’il faut mettre en place des cantines scolaires pour aider les apprenants à être focus sur l’apprentissage. C’est le lieu de saluer les efforts que font nos Etats particulièrement les gouvernants du Bénin par rapport aux cantines scolaires. Mais ce n’est pas encore suffisant, il y a beaucoup d’écoles qui manquent de cantines scolaires. Il faut aussi faire le plaidoyer pour les écoles privées qui viennent combler le gap. Nous plaidons pour que l’Etat leur accorde certaines facilités.

Comment le Pamoja Education entend-t-il accompagner ces gouvernants africains qui agissent pour l’éducation ?
Le réseau Pamoja fait essentiellement le plaidoyer pour rappeler aux dirigeants, les engagements pris au niveau international. Ce réseau œuvre, fait le suivi rapproché pour que les Etats puissent respecter leurs engagements. En dehors de ça, nous nous mettons aussi ensemble en consortium avec d’autres structures pour agir aux niveaux local et national. C’est pourquoi nous sommes actifs dans le Programme Régional d’Appui à la Qualité de l’Education (PRAQE) soutenu par la Coopération Suisse afin que les cadres et les parties prenantes des systèmes éducatifs en Afrique soient formés. Par ailleurs, Pamoja fait beaucoup la promotion du réseautage afin que les acteurs de l’éducation puissent se mettre ensemble pour vite atteindre les résultats.

Quel est votre mot de la fin ?

Je tiens à rappeler les cinq pistes thématiques sur lesquelles les Etats ont convenu de se focaliser pour transformer les systèmes éducatifs dans tous les pays. Il s’agit d’avoir des écoles inclusives où tout le monde se sent à l’aise, où il y a les infrastructures qu’il faut pour que les apprenants puissent apprendre réellement. La deuxième piste, avoir des systèmes d’apprentissage tout au long de la vie partout. Ce n’est pas à l’école seulement qu’on apprend. Même après l’école, en dehors de l’école, nous continuons à apprendre. La troisième piste est liée à l’épanouissement de toutes les ressources humaines impliquées dans la chaîne éducative afin qu’elles puissent bien délivrer le programme qu’elles ont à leur charge. La quatrième piste a trait à l’équité, à l’égalité de chance pour toutes les personnes qui ont le droit d’apprendre. Et la dernière piste, c’est évidemment le financement. Nous ne pouvons pas atteindre les objectifs si les Etats n’investissent pas de façon intentionnelle dans l’éducation. Au niveau international, il a été démontré que si les Etats n’investissent pas 25% du budget général de l’Etat à l’éducation, nous ne pouvons pas atteindre les objectifs. Donc nous encourageons les Etats à respecter leur engagement et à faire de l’éducation leur priorité.

Propos recueillis par Adjéi Kponon & Estelle DJIGRI

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