Un fait anodin auparavant, mais qui prend des proportions inquiétantes de nos jours : le caractère éthylique de certains directeurs d’école et enseignants en position de classe. Ils se parfument de ce liquide blanchâtre aux conséquences nuisibles, abandonnant classes et apprenants. Dans le Zou, la situation semble plus préoccupante au point d’amener le Directeur Départemental des Enseignements Maternel et Primaire (DDEMP) de la région, Chellon Pierre Hounkandji, à envisager l’établissement de la liste des enseignants alcooliques. Joint au téléphone par Educ’Action, le mardi 14 janvier, pour une interview exclusive sur le sujet, l’autorité est revenue sur le contexte de la prise de cette mesure, les facteurs qui la motivent, les types d’enseignants indexés, la typologie des sanctions prévues, etc.
Educ’Action : Il circule depuis peu sur les réseaux sociaux que la liste des enseignants éthyliques du département du Zou sera constituée de concert avec les chefs de régions pédagogiques. Est-ce que vous confirmez la note de service ?
DDEMP Zou : Oui je confirme la véracité de la note. C’est moi qui l’ai initiée et c’est suite à un comité de direction que nous avons décidé de faire la liste des enseignants éthyliques.
Pourquoi avoir pris une telle correspondance ?
Vous savez notre souci permanent, c’est d’appuyer les structures déconcentrées sur le plan régional que sont les régions pédagogiques. Lors de nos sorties, nous avons constaté qu’il y a certains enseignants, notamment les directeurs malheureusement qui s’illustrent négativement dans cette vilaine pratique. Ils boivent à longueur de journée et ne s’occupent plus des tâches pédagogiques qui sont les leurs. Comme vous pouvez vous imaginer, ce sont des conduites qui ont des impacts négatifs sur l’encadrement des apprenants. Aucune autorité ne peut rester insensible à cette situation parce que ça agit dangereusement sur les efforts du gouvernement.
Pourquoi avoir jugé opportun donc de prendre cette note de servicecette année scolaire ? Est-ce à dire que l’année dernière, la situation n’était pas si préoccupante ?
Vous vous rappelez que dans un passé récent, le gouvernement même a tiré la sonnette d’alarme et certains enseignants éthyliques ont été punis. Ça ne date pas de maintenant. Même au temps des ministres feu N’Dah et feue Rafiatou Karimou, des enseignants s’illustraient dans cette vilaine pratique. Donc ça ne date pas d’aujourd’hui. Mais la situation prend une ampleur inquiétante et je me suis dit que si on ne fait rien, ça risque de prendre des proportions menaçantes. Ça peut au moins les dissuader et ils peuvent se raviser.
Quelles sont les conséquences que vous craignez en anticipant à travers la prise de cette note de service ?
Les conséquences sont énormes. Elles sont diverses et variées. Un enseignant qui boit, quel modèle il donne à ses apprenants. Il ne donne aucun modèle. Or il doit être, comme le dit notre déontologie, le miroir de la société. Il doit être le référent moral de la société. Mais s’il s’adonne à la consommation de l’alcool et il n’arrive même plus à se tenir debout devant les apprenants, vous voyez que c’est la catastrophe. Donc les conséquences sur le plan pédagogique, il ne pourra pas être régulier. Il va s’absenter et les rares fois qu’il vient à l’école, c’est pour peut-être soumettre les enfants à des sévices corporels parce qu’il ne se maîtrise plus. Il suffit que les enfants lui posent une question banale, il va s’irriter et les soumettre à des atrocités. Or vous savez bien que le châtiment corporel est interdit. En dehors de ça, il va connaître un retard dans l’exécution des tâches pédagogiques. Je veux parler du programme. L’enfant qui est soumis régulièrement à des sévices corporels, il sera psychologiquement atteint et il ne pourra pas donner un bon rendement. Ça veut dire que cet enfant vivra quotidiennement dans une certaine hantise et dans un climat de méfiance totale. Dans cette condition, il ne pourra pas développer toutes ses potentialités.
Qui sont les enseignants visés ?
La note vise principalement les enseignants qui s’adonnent à la consommation abusive d’alcool. Les enseignants qui n’arrivent plus à se tenir debout devant les enfants et qui ont la tremblote. C’est une situation déplorable. En réalité, ce n’est pas la chasse aux sorcières. C’est pour avoir une idée de ceux-là qui, au lieu d’aller régulièrement au cours, refusent de jouer leur partition pour que les enfants aient une éducation de qualité. Ils font autre chose en s’adonnant à l’alcool.
Est-ce que les enseignants concernés ont été sensibilisés ?
Dans les régions pédagogiques, les CRPs ne cessent d’attirer leur attention sur la situation. Et toutes les fois que j’ai l’occasion de les rencontrer je ne tarie pas de conseils. Nous avons fait en amont des séries de sensibilisations mais ils pensent qu’ils peuvent passer inaperçus. Nous avons toute une démarche pédagogique derrière. Dès que la liste sera établie, nous avons prévu une série d’actions afin que ceux-ci puissent revenir véritablement à de meilleurs sentiments.
Quelles sont les sanctions que courent ces enseignants dont la liste sera très prochainement élaborée ?
La loi qui régit la fonction publique est claire là-dessus. Il y a les sanctions de premier degré, de 2ième degré et du troisième degré. Nous allons voir à travers cette liste l’ampleur de la situation et engager des discussions franches, les actions de sensibilisations. Et puis ce sont les récidivistes qui seront dans le collimateur de l’administration.
Comment va se passer le processus pour l’établissement de la liste ?
Permettez que je ne puisse pas dévoiler de cette manière au public. C’est une mesure administrative et elle se prend suivant des principes et des règles bien déterminés. Je sais que les chefs de régions pédagogiques vont entourer la chose d’une certaine confidentialité pour que l’on puisse faire un travail de fond afin que les concernés puissent changer positivement de comportements. En réalité, c’est l’objectif que nous poursuivons. Ce n’est pas les sanctions notre premier souci mais c’est pour corriger le tir. C’est pour que les gens puissent se remettre en cause et savent qu’ils ont en charge des âmes innocentes qui ont besoin d’être éduquées pour participer au développement de notre pays.
Est-ce que l’autorité ministérielle est informée de la situation ?
L’autorité ministérielle sait bien. Lors des sorties, elle constate ce que nous disons. Maintenant nous avons aussi des écrits. L’autorité a des écrits. Par exemple, cette année j’ai eu des écrits et j’ai même adressé des demandes d’explication à des enseignants qui sont dans le cas.
Que dire pour conclure cet entretien ?
Je dois d’abord vous remercier pour cette opportunité que vous m’avez offerte. Je voudrais dire que cette note est prise pour d’abord permettre aux chefs de régions pédagogiques d’avoir une idée de ceux-là qui s’adonnent à de telle pratique. Maintenant engager des séances de sensibilisation pour que les enseignants puissent changer positivement de comportements. Quand nous allons constater qu’il y aura des gens qui vont tenter de défier l’administration, nous allons taper du poing sur la table.
Propos recueillis par Enock GUIDJIME