J’ai été surpris par la grande réactivité autour de ma dernière chronique dans laquelle j’invitais les intellectuels de mon pays à faire une cause commune autour de l’éducation béninoise. La majorité des réactions a été dans ce sens et d’autres se sont amusés voire indignés de ces « diktats » de nos partenaires qui nous invitaient, à chaque fois, à retravailler pour une énième fois nos documents, notamment nos TDR. En fait, avec du recul, je me rends compte qu’on se retrouvait avec deux approches différentes qui rendaient compte du souci de perfectibilité et de rigueur des partenaires (qui ont une approche « in vitro ») face à des administrations qui ont besoin à la fois de gérer le quotidien, les planifications et le superflus fait des hommes, des égos, des syndicats et des humeurs !
Notre problème à nous qui écrivons, c’est que malgré tout ce que nous exprimons et soulignons, nous restons beaucoup dans le diagnostic. En même temps, je me rassure en me disant que ce sont des outils d’aide à la décision. La solution essentielle qui nous interpelle lorsqu’on lit donc ma chronique précédente, est que j’invite les acteurs et tout d’abord les spécialistes de l’éducation à une union intellectuelle et à une mutualisation de nos ressources humaines. En même temps, j’insiste sur l’évidence selon laquelle, nous sommes de plus en plus mûrs ; nous avons une masse critique de cadres de qualité pour intervenir dans nos systèmes éducatifs et surtout, il faudrait apprendre à faire et à mieux faire avec les moyens (humains, matériels et financiers) que nous avons.
Il y a déjà beaucoup d’affirmations dans ce que j’avance. En réalité, il n’y a aucune approche exclusive à mettre en place dans cette société de mondialisation. Même s’il faut réfléchir avec le Président du Ghana, Nana Akufo-Addo, qui soutenait que nous devons nous passer de l’aide qui ne nous fait pas évoluer vraiment, je penche plutôt pour une nouvelle approche de partenariat qui, au lieu de s’imposer souvent à nous comme à des enfants indisciplinés, va s’alléger (en documents inutiles et fastidieux) et se restructurer pour des interventions plus rapides et plus efficaces. Sans enlever à la qualité de plusieurs autres, je me souviens, par exemple, d’une coopération danoise (DANIDA) pragmatique, rapide et efficace !
Nos universitaires se devraient d’écrire quelques thèses sur les différents types d’aides dans nos pays pour rendre compte de combien va véritablement à l’éducation de nos enfants. Mieux, ce travail devrait se faire par nos techniciens en éducation afin de renseigner les décideurs politiques sur l’imputabilité, l’efficacité voire l’efficience de ces aides dont, dans bien des cas, une large part retourne dans les pays d’origine à travers les fonctionnements et coaching (consultants, évaluation, etc.) pas toujours évidents. En même temps, la question est de savoir si celui qui donne doit se justifier. J’ai quand même une réponse curieuse à cela : quand tout jeune, ma maman me donnait de l’argent pour quelque achat, je remerciais et ne comptais jamais le don. Invariablement, elle m’arrêtait pour me demander de compter. Ce n’est pas parce que c’est un don qu’il ne faut pas justifier !
Au fait, cette longue digression sur les partenaires a juste pour but de faire prendre conscience que nous avons des gens qui nous aident. En même temps, nous devons faire attention à ce que nous faisons avec eux et mieux nous concerter. Dans un contexte où nous souhaitons fortement la mutualisation des ressources pour une meilleure gestion, il se trouve que nous devons compter avec le type de fonctionnement de nos administrations et institutions qui se présentent comme des systèmes. Autant en Occident et encore plus dans les pays africains, il est difficile de pénétrer ces systèmes, au-delà de la qualité, sans être cooptés par accointance politique, religieuse ou héréditaire. Ces systèmes sont très hiérarchisés et savent se renouveler avec des principes d’allégeance et de redevabilité. Souvent, dans certains pays, plus qu’une classe sociale, ce sont des castes qui constituent ce que Michael VOLENSKY a appelé la nomenklatura dans son livre du même nom. On ne peut nier que c’est cette aristocratie politico-administrative qui détient tout le pouvoir.
Ces éléments sont, à des degrés divers, dans notre pays où le premier des Béninois réclame et utilise ceux qui ont la compétence. Or, ils existent et, en attendant de les identifier et les recenser, il leur appartient de se faire par l’effort, le courage et le désir de s’investir à la manière des spermatozoïdes voulant atteindre et butiner le divin nectar pour se perpétuer. Et nous ajouterons tout simplement, comme dans la parabole des noces (Mt 22 : 14) qu’il y aura « beaucoup d’appelés, mais peu d’élus » !
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe