« J’ai mal au dos… J’ai mal aux reins ». Ce sont autant de paroles qui sortent de la bouche de certaines personnes pour exprimer une douleur que l’on appelle communément lombalgie. Ainsi, cette douleur se sent chez la plupart de nos compatriotes. La lombalgie, en elle-même, n’est pas une maladie en soi, mais un signe qui peut cacher bien d’autres maladies. Elle constitue d’ailleurs l’un des plus grands motifs de consultation les plus fréquentes en rhumatologie et en neurochirurgie. Le Docteur Hilaire Dossou-Yovo, rhumatologue en service au CNHU de Cotonou accepte volontiers à travers cet entretien, de nous donner un aperçu général de la lombalgie !
Educ’Action : Qu’est-ce que la lombalgie ?
Dr Hilaire Dossou-Yovo : La lombalgie est un terme relativement très simple mais qui est compliqué dans son entité. Pour la définir, il faut dire que c’est l’ensemble des douleurs que l’on ressent au niveau de la partie basse du dos (lombaire). Et dans cet ensemble, il y a la douleur afférente au niveau de la colonne vertébrale lombaire qu’on appelle la rachialgie lombaire. Il y a les autres douleurs de la grande partie basse du dos qu’on appelle communément lombalgie sans distinction. Mais en général ce qu’on considère comme lombalgie, c’est la douleur rachidienne du bas du dos situé entre la dernière vertèbre du dos et la dernière vertèbre de la colonne qu’on appelle la colonne lombaire.
Quelles sont les causes de cette rachialgie lombaire ?
Avant de parler des causes, il y a les facteurs de risques qu’il faut énumérer. Nous avons entre les facteurs sociodémographiques (le nombre de grossesses portées par une femme peut être une cause de la lombalgie) ; les facteurs anthropométriques (la taille et le poids : être très élancé ou trop gros constitue une cause de lombalgie) ; les facteurs comportementaux (plus vous êtes sédentaires, plus vous êtes appelés à souffrir de ce mal) et les facteurs professionnels (les professions qui obligent l’individu à rester longtemps assis ou debout constituent également des causes de ce mal). Pour bien cerner les causes, ce serait bien de cerner les différentes parties de la colonne vertébrale. Il y a la vertèbre. Dans le dos, il y a des morceaux d’os qui sont empilés les uns sur les autres pour donner la colonne vertébrale. Donc, un morceau d’os s’appelle vertèbre. Entre deux morceaux d’os, il y a la structure qu’on appelle le disque intervertébral. Donc, il faut dire que les causes, en général, peuvent être dues soit à une atteinte des vertèbres soit à une atteinte du disque intervertébral. Au niveau du disque, avec l’âge souvent ou pour une raison ou une autre, le disque peut se fissurer et là, c’est une source qui peut générer des douleurs. Après la fissuration du disque, il y a l’étape suivante qui va être ce qu’on appelle la hernie discale (l’atteinte pure du disque). A cette étape, quand il y a fissuration, il y a une substance qu’on appelle le noyau au niveau du disque qui migre à travers la fissure et qui sort dans une zone qu’on appelle le canal vertébral pour générer la douleur. Il y a aussi la dégénérescence du disque, qui peut donner la douleur dans la colonne. Il peut s’agir d’un accident mécanique, d’un dérèglement ou d’une secousse qui peuvent donner des douleurs vertébrales postérieures. L’arthrose qui est une sorte de vieillissement de la partie postérieure du disque est une cause de la lombalgie. Le déplacement des morceaux d’os les uns par rapport aux autres ; le rétrécissement du canal lombaire constituent aussi des causes. Dans la vie courante, on distingue les causes de douleurs mécaniques et les causes de douleurs inflammatoires. Si nous prenons les douleurs mécaniques, l’arthrose (logbozo en langue fon, connue beaucoup plus au niveau des genoux mais qui peut exister partout où il y a des articulations sur le corps) est la première cause que l’on rencontre. Après cette cause, il y a bien évidemment la hernie discale. Les douleurs inflammatoires sont des douleurs ressenties tout le temps, de jour comme de nuit, qui peuvent être aggravées par les mouvements et ces douleurs peuvent s’accompagner d’autres signes comme la fièvre, l’amaigrissement qui vont permettre de rechercher maintenant les causes. C’est-à-dire que c’est des lombalgies symptomatiques dont la cause première provient d’un autre organe affecté. Par exemple, quelqu’un qui a un problème gynécologique, un problème au niveau de son utérus, une infection ou un cancer, ce problème peut se propager et attaquer secondairement la colonne et provoquer ainsi des douleurs.
Quelles sont les manifestations de cette maladie ?
Les manifestations ne sont pas forcément nombreuses, puisque, en réalité, le sujet en lui-même n’est pas une maladie. Ce sujet n’est qu’un signe qui ne présente que des douleurs. Maintenant, cette douleur peut se présenter sous deux aspects : l’aspect mécanique qui est généré lorsque c’est des efforts que vous faites et ce sont des douleurs habituellement qui viennent à l’effort et qui disparaissent quand vous êtes au repos. Les douleurs de type inflammatoire, quand vous êtes au repos ou non, vous avez mal, la nuit comme le jour, vous avez mal et c’est justement aussi aggravé quand vous faites d’effort.
Quelles sont les conséquences de ce signe sur la vie de celui qui en souffre ?
En général, les lombalgies constituent les causes d’absentéisme au travail parce que ça fait que beaucoup de gens sont handicapés temporairement pour aller au travail. Donc, première gêne, ça vous empêche de vaquer à vos occupations. Maintenant, ça peut devenir plus compliqué et vous aliter au point de vous empêcher de faire quoi que ce soit. Vous pouvez avoir d’autres manifestations comme la paralysie et là, vous perdez l’usage de vos sphincters et vous ne contrôlez plus les urines et les selles. Hormis ces conséquences, il y a celles socio-économiques. Votre entourage est affecté et au travail, vous êtes moins rentables. Ça a forcément des conséquences économiques aussi bien sur la vie de l’individu que sur la vie de la société.
Combien de temps peut prendre le traitement d’une lombalgie ?
En matière de traitement, cela varie parce que derrière ce signe-là, peuvent se cacher plusieurs maladies. Et c’est en fonction du type de maladie cachée que le traitement va durer. Vous pouvez avoir mal sans être obligés de rester à la maison. Si ce sont les lombalgies de cause mécanique aigue, en une ou deux semaines avec un traitement bien suivi, on peut en finir. Maintenant, si c’est les lombalgies symptomatiques, c’est en fonction des causes que nous allons dire combien de temps le traitement va durer.
Qu’en est-il donc du coût du traitement ?
Si la lombalgie cache une maladie, le coût du traitement sera en fait le coût du traitement de la maladie cachée sous ce signe-là. Mais il faut dire que quand c’est des causes inflammatoires, ça rentre dans plusieurs millions. Si c’est une cause liée au cancer par exemple, vous voyez ce que ça peut prendre.
Quels conseils à nos lecteurs pour prévenir ce signe ?
Les préventions concernent beaucoup plus les lombalgies mécaniques. Il faut l’hygiène du dos, il faut savoir protéger son dos. Vous ne devrez pas vous courber pour aller chercher des choses au sol, c’est des postures qui peuvent fragiliser davantage la colonne lombaire. Eviter de soulever les charges lourdes ; savoir se tenir dans son fauteuil. La bonne manière, c’est de bien rapprocher la chaise de votre table et que votre dos soit caler au dossier de la chaise. Quand vous êtes en voiture, vous ne devrez pas utiliser des sièges trop bas pour vous. C’est en fonction de votre taille, que vous réglez votre siège. Eviter de rouler tout le temps sur des voies jonchées de trous ou sur des pavés. Ce n’est pas conseiller de trainer un seul sceau d’eau dans une main, ça penche la colonne vertébrale de côté. Il ne faut pas se courber pour lasser les souliers. Le mieux, c’est de s’asseoir sur une chaise et relever le pied jusqu’à hauteur de la main pour pouvoir lasser son soulier. Voilà de petits gestes qu’il faut faire dans la vie courante pour éviter ces douleurs.
Réalisation : Estelle DJIGRI