A l’instar de l’Université d’Abomey-Calavi, l’Université de Parakou fait son petit bonhomme de chemin dans l’expérimentation des cours en ligne institués par les autorités. Educ’Action a effectué une descente dans la cité des Kobourous pour s’imprégner des conditions de déroulement des cours en ligne dans la deuxième université publique pluridisciplinaire du Bénin. Reportage !
Jardin bondé, étudiants têtes plongées dans les portables ou ordinateurs portatifs dans une cour clairsemée qui se vide progressivement. Au moment où les uns pressent les pas pour sortir, les autres, étudiants de la Faculté des Science Economiques et de Gestion (FASEG) font un jogging sous le soleil brûlant pour rejoindre un autre amphithéâtre de l’université pour la poursuite des cours de la journée, entraînant avec eux une colonne de poussière sous les regards des autres étudiants qui se bouchent les narines. C’est l’aspect que présente l’Université de Parakou (UP), ce mercredi 9 décembre 2020 aux alentours de midi. En cette reprise timide des activités académiques, les apprenants de l’UP se posent encore une question : Comment vont se dérouler les cours ? S’il y a un point sur lequel les étudiants sont tous d’accord, au regard de leurs expériences des cours en ligne, comme l’affirme Wenceslas Dègla, président de la Fédération Nationale des Etudiants de l’Université de Parakou (FNEUP), c’est : « quelque chose a été fait, mais cela n’a pas été ce que cela devrait être ».
Cours en ligne dans les Facultés à gros effectifs, une expérience à vite oublier
Dans les universités publiques, les Facultés accueillent la grande majorité des étudiants tandis que les écoles et instituts tamisent l’accès, dispensant ainsi la connaissance à un effectif d’étudiants plus ou moins raisonnable. Les expériences de cours en ligne n’ont donc pas été les mêmes d’une catégorie à une autre. « Pour un premier essai, c’était vraiment décourageant et catastrophique », s’exclame un étudiant qui a requis l’anonymat. Se pressant les pas pour sortir de l’université, il n’est pas allé du dos de la cuillère pour tirer à boulets rouge sur cette initiative, pointant du doigt les difficultés rencontrées. « Nous n’avons pas une bonne connexion à l’Université de Parakou, le débit de la connexion est vraiment faible. Même quand vous achetez votre propre forfait et que vous entrez à l’université, vous commencez à avoir un problème de connexion », fustige le jeune homme, vêtu d’une tenue locale bohoumba. Cette expérience, Jean-Luc Ezin l’a aussi vécue. Tout en faisant siennes les observations de son proche camarade déçu, l’étudiant en deuxième année des Lettres Modernes raconte l’expérience d’une Faculté où les cours sont dispensés sur Whatsapp, avec des répercussions sur la qualité des apprentissages. « L’enseignant envoie des enregistrements audios dans le groupe principal et les responsables sont chargés de les partager dans les autres groupes. Il y a donc plusieurs groupes qui ont été créés. Quand un étudiant a envie de poser une question, il doit nécessairement prendre par un responsable qui doit la transmettre à l’enseignant », fait savoir l’étudiant dans sa chemise blanche, avant de mettre ensuite l’accent sur les conséquences de cette méthode d’enseignement : « procéder ainsi ne permet pas à l’étudiant d’avoir une bonne compréhension du cours. Cela remet en cause la formation qui est donnée dans cette Faculté ».
Assise sur un banc du jardin de l’université, le pied gauche posé sur le banc, pendant que l’autre est posé sur le sol, la tête plongée dans son petit téléphone, Dado Yérima Bio profite de l’ombrage fourni par les arbres. A propos des cours en ligne, l’étudiante en 3ème année de sociologie est formelle :
« Je ne souhaite plus qu’on revive cette expérience. Je préfère les cours en présentiel ».
Ces difficultés rencontrées, dont la principale est liée à la qualité de la connexion qui entrave l’expérience des utilisateurs des diverses plateformes, sont pourtant au centre des préoccupations des autorités qui ont fait installer des bornes wifi sur les campus, garantissant la gratuité de la connexion.
Malgré la gratuité de la connexion internet, des problèmes persistent
« Les wifi de l’université sont difficilement utilisables parce que tout est codifié. S’ils ne sont pas codifiés, c’est que vous avez des problèmes à les utiliser parce qu’il y a un grand nombre d’étudiants connectés, donc cela ne fonctionne pas comme il faut. Cette année, des points de connexion wifi ont été installés mais ils ne sont pas encore fonctionnels et je ne sais pour quelle raison », éclaire Jean-Luc Ezin, peignant en quelques mots le tableau de l’accès à internet. Comme lui, la majorité des étudiants rencontrés ont soulevé les mêmes difficultés. Pour mieux comprendre les raisons de la non- disponibilité de l’accès à internet, à travers ces appareils installés au frais du contribuable, les responsables étudiants sont allés à la rencontre de l’autorité en charge de la question. « Nous avons tenu une séance de travail avec le point focal chargé des cours en ligne. Un état des lieux nous a été fait et nous avons fait des propositions », rapporte Wenceslas Dègla, président de la FNEUP. Mais la conclusion pour lui est sans ambages : « Aujourd’hui, nous ne sommes pas encore prêts à faire des cours en ligne ». De l’autre côté, concernant la gratuité de la connexion, elle est bien effective ; c’est le même responsable étudiant qui le confirme :« la gratuité de la connexion est effective. Les amis arrivent à se connecter au wifi de la scolarité centrale ou du rectorat avec leurs portables et ordinateurs ». Cela dit, le problème persiste car la connexion est gratuite mais la qualité n’est pas bonne, martèle Jérémie Bodji, étudiant en 1ère année à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FASEG). Si pour les étudiants des Facultés à gros effectifs, cela a été la croix et la bannière de pouvoir suivre les cours en ligne, les étudiants des instituts et écoles s’en sont pratiquement bien sortis.
Ecoles et instituts, les grands gagnants des cours en ligne
« Les cours en ligne ont été effectifs surtout dans les écoles comme l’IUT, l’IFSIO, la médecine. Les Facultés à grands effectifs n’ont pas été impactés », indique Wenceslas Dègla. Prospère Agbakou, étudiant en agronomie, fait aussi le même constat : « Les étudiants de médecine suivent très bien les cours en ligne ». Sac au dos, dans un tee-shirt rouge, Jérémie partage l’expérience de son frère qui a salué l’avènement des cours en ligne à l’université car cela lui évite de faire des allers et retours. Vu ce point positif, Jérémie milite pour que l’expérience soit reconduite. Assis sur un banc public, à l’ombre du soleil en face du restaurant universitaire, il soutient : « personnellement, je préfère que les cours soient en ligne vu l’effectif que nous faisons dans les amphis. Chez nous à la FASEG par exemple, il faut quitter la maison à 5 heures 30 minutes afin de trouver une place en amphi. Alors que si on est à la maison, on peut aisément suivre ses cours ». Planchant devant la commission budgétaire de l’Assemblée nationale en novembre dernier, Eléonore Yayi Ladékan, ministre en charge de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, a annoncé que, du budget exercice 2021 évalué à hauteur de 75 milliards 246 millions 966 mille Francs CFA, une cagnotte considérable va être consacrée à la résolution des difficultés de connexion à internet. Les attentes des étudiants sont grandes, mais pour l’heure, les cours en présentiel ont démarré dans les Facultés à grands effectifs de l’Université de Parakou. C’est le cas des étudiants de la 1ère année de Sciences Economiques et de Sociologie.
Adjéi KPONON