La création d’établissement privé d’enseignements maternel et primaire est régie par le décret N° 2007-279 du 16 juin 2007. Il dispose des critères à remplir pour implanter une école privée en République du Bénin. Cependant, force est de constater que des écoles sans autorisation exercent en toute illégalité sur le territoire national. Votre journal Educ’Action, à travers ce reportage, lève le voile sur les conditions de création d’établissement privé d’enseignements maternel et primaire et fait l’état des lieux dans la sphère scolaire.
«Mon école n’a pas encore d’autorisation. J’ai pris la liste des dossiers à fournir que j’ai constitués. Je suis dans ma deuxième année de dépôt. Cela fait deux (2) ans avant de sortir. J’attends ainsi mon autorisation pour cette rentrée ». Ces propos de dame Françoise, promotrice d’un établissement privé d’enseignement maternel sis dans la ville de Cotonou, relance le débat sur la légalité ou non des écoles maternelles voire primaires du privé, mises à la disposition des communautés. Cette situation n’est pas un cas isolé. Des écoles privées de la maternelle, du primaire comme celle de dame Françoise sont légion et exercent dans la clandestinité, sans autorisation de création ou sans respect des normes en vigueur.
Selon les informations reçues du Service de la Gestion du Système Information (SGSI) de la Direction de la Programmation et de la Prospective (DPP) du Ministère des Enseignements Maternel et Primaire (MEMP), il existe plus de quatre mille cinq cents (4.500) établissements privés d’enseignements maternel et primaire en République du Bénin pour le compte de l’année scolaire 2020-2021. Parmi ces établissements, se trouvent ceux qui exercent sans autorisation. Pourtant, les conditions de création de ces types d’établissements sont bien définies par le législateur.
Les critères de création d’un établissement privé
La création d’établissement privé d’enseignements maternel et primaire repose sur la qualité des infrastructures et des enseignants. Du moins, le lieu d’implantation de l’établissement, le nombre de classes, la capacité d’accueil de chaque classe, le plan des bâtiments, le plan de l’aire de jeux, l’autorisation de diriger couplée à celle d’enseigner sont, entre autres, les exigences auxquelles doit se soumettre toute personne désireuse de créer un établissement privé dans le sous-secteur des enseignements maternel et primaire. Blaise Agossa, Directeur de l’Enseignement Primaire (DEP) du MEMP, sourire aux lèvres, témoigne avec déclamation : « pour créer une école privée, il faut d’abord adresser une demande au MEMP. Cette demande doit comporter, entre autres, la dénomination et l’adresse exacte de l’établissement, l’ordre d’enseignement et la vocation de l’établissement, la capacité d’accueil de chaque classe, le lieu d’implantation de l’établissement, le statut juridique de l’établissement, que cela soit un statut individuel ou associatif ». Ces éléments constitutifs liés à la demande d’autorisation de création adressée à l’autorité ministérielle doivent être conformes aux normes en vigueur pour permettre aux acteurs de ces établissements de travailler dans la quiétude. Ainsi, l’espace devant abriter le futur établissement privé doit répondre à des critères bien définis.
Le vice-président du Patronat des Etablissements Scolaires Privés du Bénin (PESPB), Raphaël Tamadaho, rencontré dans son bureau sis au Complexe d’Enseignement Technique et Général BETHESDA, se veut précis. « Il faut que le cadre, les salles de classe répondent aux normes éducatives. Il ne faut pas créer une école à n’importe quel endroit et en faire une école. Elle doit avoir un espace assez vaste. On doit présenter un plan de situation de masse des bâtiments pour montrer à l’autorité qu’on a de l’espace », fait-il savoir.
Approché sur le même sujet à la place publique du Codiam, dans une tenue traditionnelle d’origine nigériane communément appelée ‘‘Good Luck’’, Thomas Cossi Cakpo, président du Conseil d’administration de la Coalition Béninoise des Organisations pour l’Education Pour Tous (CBO-EPT), fait savoir, sans fioritures, que : « quand quelqu’un a l’intention de créer une école dans une localité, on fait d’abord le sondage d’opinion, la politique de l’environnement. Si on crée une école, cela veut dire qu’un besoin se fait sentir. Mais on tient compte de la densité de la population dans cette zone ».
En plus de celles-là, d’autres conditions existent. Il s’agit de la disponibilité d’une convention de vente, d’un permis d’occupation, le plan de financement à terme pour la réalisation des infrastructures, l’engagement légalisé du demandeur, l’extrait de casier judiciaire datant de moins de trois (3) mois des enseignants et du directeur, pour ne citer que ces critères. Par ailleurs, le niveau d’étude et de formation des enseignants doit être celui du baccalauréat avec, à la clef, un diplôme professionnel de l’Ecole Normale des Instituteurs. A tout cela, s’ajoute la somme de 100.000 Francs CFA pour la création de l’école. Et pourtant, la réalité est tout autre dans de nombreuses écoles, notamment à cause du « temps mort » observé avant la tenue du Conseil Consultatif National (CCN).
Le Conseil Consultatif National, garant du respect des normes de création
C’est désormais chaque deux (02) ans que se tient le Conseil Consultatif National (CCN), en présence des partenaires sociaux et des cadres à divers niveaux, dont l’objectif est d’étudier les dossiers et donner l’autorisation d’exercer aux écoles privées, selon les propos du DEP, Blaise Agossa.
« Si les écoles sont créées chaque 2 ans, cela veut dire qu’une école qui est créée alors qu’il n’y a pas eu de CCN, peut être pénalisée parce que le besoin ne signifie pas l’attente, les populations peuvent ne pas se retrouver dans le besoin », lâche Thomas Cossi Cakpo, SG du Syndicat National des Professeurs des Lycées et Collèges (SYNPOLYC). Cependant, ces écoles doivent être en phase avec les normes qui régissent une Ecole de Qualité Fondamentale (EQF). « Il faudrait que même les infrastructures soient accessibles aux handicapés. Il faut un environnement sain en général. On ne construit plus n’importe quoi maintenant. Le respect du ratio élève-maître qui avoisine 50 aujourd’hui dans notre pays, est nécessaire. Il faut aussi des enseignants de qualité », a laissé entendre Blaise Agossa, renseignant ainsi sur quelques fondamentaux pour la création d’une école de qualité.
Avant que l’autorisation d’exercer ne soit validée par un arrêté signé du MEMP, une commission va sur le site pour vérifier le respect ou non des critères sus-cités. Malgré cela, quelques établissements privés d’enseignements maternel et primaire végètent dans l’illégalité, hypothéquant ainsi l’avenir de leurs apprenants. Des écoles sont mitoyennes et sans aires de jeux et d’autres avec des enseignants non qualifiés. Le constat est amer empiétant, du reste, sur la qualité de l’offre éducative. « C’est vrai qu’on doit avoir un terrain de sport, mais la réalité est tout autre. Même si les écoles n’ont pas de terrains de sport, elles s’arrangent pour que les enfants fassent le sport. Souvent, c’est sur le terrain de sport et de jeu des jeunes du quartier ou c’est dans une école publique qui a de l’espace qu’elles vont négocier pour que les enfants fassent les activités sportives », argue Raphaël Tamadaho, avant de préciser que le patronat dont il est aussi le coordonnateur du Littoral, n’encourage pas la clandestinité. Il soutient, par ailleurs, que le primaire n’est pas concerné par cette irrégularité en raison des autorisations qui sont données régulièrement. « Si des écoles exercent sans autorisation, cela veut dire qu’il y a un laxisme quelque part et à côté de cela, il faut noter l’irresponsabilité des parents. Il y a aussi le fait que les fondateurs sont de mèche avec des autorités qui les couvrent », dira le syndicaliste Thomas Cossi Cakpo, imputant ainsi le tort aux acteurs des écoles privées, notamment les parents d’élèves. Conscientes de l’irrégularité dans laquelle baignent les établissements privés d’enseignements maternel et primaire, les autorités compétentes multiplient les mesures et dispositions pour un retour à la normale.
De la fermeture à la régularisation des écoles clandestines…
Pas de complaisance, ni de népotisme dans la prise des sanctions contre les établissements privés illégaux. Mais avant d’en arriver là, l’option de la sensibilisation est d’abord envisagée. « Lorsque nous constatons sur le terrain qu’une école ne dispose pas d’une autorisation de création, d’une aire de jeu digne du nom, nous passons à la phase de sensibilisation », confie, tout sincère le DEP, avant de souligner que si les dispositions ne sont pas prises conformément aux normes, les écoles concernées sont fermées avec l’aide des forces de l’ordre. Car, soutient-il, l’Etat ne peut pas permettre à n’importe qui de créer des cuisines ou des écoles dans un environnement insalubre.
« Il y a beaucoup qui exercent dans la clandestinité, l’illégalité. Lorsque nous identifions des écoles clandestines, nous les encourageons à régulariser leur situation en suivant le processus approprié », rassure le vice-président du PSEPB pour montrer les efforts déployés par le patronat. « Si les conditions ne sont pas réunies, nous ne pouvons pas accepter l’ouverture. Lorsque les autorités vont se rendre compte que l’école n’est pas autorisée et vont décider de la fermer, que vont devenir les enfants ? Les parents auraient investi inutilement ?», s’interroge, à son tour, Thomas Cossi Cakpo, invitant les services techniques des circonscriptions scolaires à jouer le rôle de contrôle et d’inspection sur le terrain.
La non-disponibilité de la cartographie des établissements privés exerçant en République du Bénin, les problèmes de lotissement participent également, selon les acteurs approchés, aux irrégularités observées sur le terrain.
Enock GUIDJIME