Défaillance dans l’encadrement pédagogique des enseignants du primaire : Les CRP en sapeurs-pompiers pour sauver les meubles

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Il est courant de voir un Chef de Région Pédagogique (CRP) dit de la « Rupture » partir de son bureau au-delà de 20h voire 21h, pour être le lendemain présent autour de 08 heures, tant le CRP est occupé par des dossiers. Parcourir quatre circonscriptions scolaires, braver les embouteillages, l’eau, les nids de poules et les flaques d’eau pour porter la bonne nouvelle de l’éducation à quatre conseillers pédagogiques, des centaines d’enseignants et de directeurs d’écoles en plus des milliers d’élèves, c’est le traintrain quotidien d’un CRP assisté par une équipe de reportage de votre journal Educ’Action au cours d’une journée d’activités. Pour savoir de quoi retournent les responsabilités et les charges d’un CRP, mettez-vous dans la peau de Blaise Gahou, Chef de la Région pédagogique n°6 d’Abomey-Calavi-Sô-Ava.

«Phillipe, on va à la DDEMP pour déposer un courrier urgent », lance le CRP à son chauffeur. Il est alors 8h20 ce mercredi 5 avril 2017. Le temps de récupérer le véhicule, embarquement immédiat après que Eric ait déposé les deux cartables et la pile de documents de plus de 50 centimètres de hauteur dans le pickup Toyota de couleur blanche. La veille, Blaise Gahou, pour ne pas le citer, est resté au siège de la région pédagogique situé dans la circonscription scolaire de Calavi 1. « J’ai reçu des directeurs qui ont des difficultés particulières dans leurs écoles. Des candidats aux examens professionnels sont aussi passés me voir, car ils ont été omis de la liste des candidats qui va être acheminée à la DEC. J’ai aussi reçu le président de la coordination des associations des parents d’élèves de Calavi 1. Avec lui, nous avons parlé de long en large du système éducatif de cette circonscription scolaire. J’ai aussi mis le temps à profit pour finaliser la programmation des examens professionnels avant que cela ne soit transmis au DDEMP. J’ai également signé de nombreux documents administratifs, des factures notamment pour la commune de So Ava qui est une commune PME, etc. », résume-t-il d’une voix calme et avisée parlant de ses occupations quotidiennes liées à ses fonctions. Pour voir le CRP, on se suit à la queue leu-leu.

    CRP, une fonction sapeur-pompier pour éteindre les feux des défaillances enseignantes …

En créant cette fonction, Salimane Karimou a voulu réduire la saignée face au nombre en chute libre des inspecteurs des enseignements maternel et primaire. En expliquant l’historique de la création de cette fonction, Blaise Gahou révèle qu’à la rentrée scolaire 2016-2017, de nombreux inspecteurs, répartis dans les 85 circonscriptions scolaires que compte le pays, ont fait valoir leurs droits à la retraite. La conséquence est qu’il en reste à peine une cinquantaine en activité. Parmi eux, certains sont affectés à des postes stratégiques aussi bien dans des directions du MEMP (Ministère des Enseignements Maternel et Primaire) qu’à la tête des écoles normales d’instituteurs, d’autres dans les Directions Départementales des Enseignements Maternel et Primaire (DDEMP). Ce qui crée un gap qui pénalise le bon déroulement des activités pédagogiques, selon les explications du CRP Blaise Gahou. Le rôle de l’inspecteur est essentiellement lié à l’encadrement des enseignants et des directeurs d’écoles en plus du fonctionnement administratif de la circonscription scolaire et des écoles qui la composent, informe-t-il. Assis dans son fauteuil bourré noir, le dos dressé, il retrace l’importance de la fonction d’encadrement des inspecteurs avec les mots d’un bon pédagogue. Dans sa peau de CRP, il reconnaît que les encadreurs pédagogiques auraient été une véritable bouffée d’oxygène pour le secteur. Et pour cause, ces derniers ont seulement en charge l’encadrement pédagogique des enseignants dans les écoles avec la possibilité d’être consultés par le CRP si besoin il y a. Ainsi, les Chefs de Région Pédagogique, comme lui, vont s’occuper des tâches administratives qui sont aussi importantes. C’est justement cette importance qui a nécessité qu’il y accorde une journée entière la veille. Long de plus d’un mètre 40, il saisit l’arrêté n°284 du 20 décembre 2016 du MEMP portant création, attributions, organisation et fonctionnement des régions pédagogiques, puis commence à lire les attributions du CRP en attendant la publication officielle du nouvel arrêté conformement à l’un des récent communiqué du Conseil des ministres qui porte le nombre de CRP de 23 à 45.

Le CRP en plein exercice de ses prérogatives …

Il sonne 8h50, heure locale, quand le pickup blanc à l’effigie des initiales du donateur FTI-FCB 2012 s’immobilise devant la DDEMP, nous sommes à Godomey PK14. Une à une, l’homme tout de gris vêtu monte les 32 marches des quatre rampes d’escaliers qui mènent chez le chef du secrétariat de la direction. Une fois les courriers et documents déposés, il se rend chez l’autorité. Une trentaine de minutes plus tard, le cap est mis sur le siège de la Circonscription Scolaire (CS) de Calavi 2 qui couvre Godomey et environs. La cour de la CS est noire de monde. Et pour cause, aujourd’hui c’est la valse des directeurs d’écoles maternelle et primaire pour retirer les épreuves d’évaluation sommative de deuxième étape pour les classes intermédiaires et d’examen blanc pour les classes de CM2. Ici, Blaise Gahou squatte le bureau de l’ex CCS. Dans cette salle peinte en blanc, il attend que ses visiteurs soient annoncés. Pour le moment, il se plonge dans ses dossiers sortis de son cartable noir. 10h25, la réunion commence après que Agossou Sogan Zinsou, le conseiller pédagogique (CP) de la circonscription de Calavi 2, et sa collègue du secrétariat aient installés les chaises. Au menu des échanges de cette rencontre avec les directeurs d’établissement et les responsables syndicaux de la circonscription, diverses questions relatives à la vie des écoles à Calavi 2. Pour Marc Djankaki, Secrétaire Général du Syndicat National des Enseignants du Secteur Privé pour un Enseignement Rénové au Bénin (SNASPER-B), le CRP est bien à la hauteur de la tâche à lui confiée. Dans sa tenue locale, l’homme au teint clair loue les qualités du cinquantenaire avec qui ils étaient en discussions dans cette salle aux ampoules défaillantes. « Nous avons constaté qu’il est endurant. Ce n’est pas facile de gérer des circonscriptions qui ne sont pas les moindres, car il y a beaucoup d’écoles et de problèmes à régler du point de vue administratif et pédagogique », poursuit Marc Djankaki. Petit à petit, la cour se vide de ses occupants de circonstance, les bruits liés aux va-et-vient se sont estompés. Sous le manguier planté au milieu de la cour, certains usagers prennent de l’air. Guillaume Adrienne, l’une des secrétaires de la CS fait oeuvre utile et reprend son balai à manche qu’elle passe dans la salle de conférence puis sur la terrasse après que la vendeuse de «Ablo» ait quitté les lieux le sourire aux lèvres. La réunion est finie pour le CRP, mais c’est le temps de faire le point avec le CP. Une fois de plus, les deux hommes s’enferment dans le bureau.

D’un point à l’autre, entre travail et réconfort …

La 95.20 Mghz Radio frissons, enivre Philippe de la douce et rythmée Salsa d’Africando, un groupe multinational de grands chanteurs africains. Et qui plus est, c’est le fils du pays, Gnonas Pédro, qui chante. Un coup d’œil du côté droit des vitres laisse entrevoir les deux hommes qui s’approchent et le CRP prend de l’avance. Le temps d’ouvrir la portière et de s’installer, sa petite voix calme demande : « Philippe, tu connais l’école Sainte Marcelline ? ». « Oui, c’est à Glo du côté gauche. », répond Philippe. « Non, pas du côté gauche mais du côté droit », rétorque son patron. Il est 14h10 et le chef des trois circonscriptions scolaires de Calavi en plus de celle de So-Ava est attendu dans cette localité pour une cérémonie d’au revoir organisée à l’intention des enseignants admis à faire valoir leurs droits à la retraite. Le CRP a déjà plus d’une heure de retard sur l’événement. Alors une discussion commence entre les deux hommes faisant voir les talents d’orientation de Blaise Gahou. « C’est compris », laisse entendre le chauffeur. « D’ailleurs, le CP de Calavi 3 nous attend sur la voix », conclut le CRP Blaise Gahou. Vous l’auriez compris, le véhicule prend la direction de Calavi 3 plus précisément dans l’arrondissement de Glo-Djigbé. Pendant ces échanges, si l’un a fait preuve de ses talents d’orientation, l’autre est un As du volant. Philippe serpente dans les rues de Godomey comme un poisson dans l’eau. Ici, les ventres sont creux mais la musique qui s’écoule comme un paisible ruisseau fait oublier cette peine qui est parfois quotidienne comme l’avait fait remarquer Philippe. « On va certainement manger en route », a dit le jeune homme dans son jeans bleu délavé qui laisse transparaître sa jeunesse. Le CRP assis à l’arrière du véhicule est déjà au téléphone et cela dure depuis. Les appels se succèdent les uns les autres tel l’agenda d’une personnalité politique. Godomey, Campus, puis Akassato, la voiture avale les kilomètres à 80km/h en moyenne. Dans le véhicule de commandement du CRP, on sent les légères secousses causées par les sillons laissés sur cette grande voie bitumée. Encore très jeune, son état de dégradation est la conséquence du fort trafic de camions en direction du Nord Bénin. La Rav 4 grise du CP est rejointe à Akassato puis le convoi s’ébranle vers Glo Yèkon-Aga. Quelques minutes plus tard, bienvenues au Complexe Scolaire Sainte Marcelline. On ne peut pas s’imaginer qu’un tel trou perdu de Glo abrite un tel joyau éducatif. Car, cette école catholique est d’une architecture rigoureuse. La symétrie des bâtiments ainsi que leurs dispositions n’ont rien à envier aux écoles pompeuses de Cotonou sans charme. L’air frais des lieux s’empare de la délégation qui était fortement attendue, jusqu’au terrain de basket, une autre merveille. C’est un espace couvert relativement comparable pour exagérer au stade Santiago Bernabau du Réal de Madrid mis à part sa petite taille et la localité dans laquelle elle se trouve, sans oublier que c’est un sol dur contrairement au gazon des stades de football. Les convives sont assis sur des chaises disposées sur le terrain de basket, les heureux du jour sont dans les gradins. Salutations faites, les allocutions commencent. Quand vient le tour du CRP, c’est une feuille préparée la veille qu’il fait sortir de la chemise à rabat cartonné verte qu’il portait en mains. Puis, vient la remise des enveloppes suivie des agapes fraternelles offertes aux invités. Cela tombe à pic, puisque Blaise et son fidèle compagnon n’ont encore rien mangé de la journée. Fini Yèkon-Aga, retour sur les pas à la CS de Calavi 1 comme le veut la routine, il est 17h03.Comme le témoigne Dah Cyrille, le Conseiller pédagogique de Calavi 3 « c’est un travail suffisamment éprouvant. Ils sont surchargés ». Tout de blanc vêtu, teint clair, l’homme démontre la pertinence des travaux effectués par le CRP avant de prier l’autorité à bien vouloir faire le redéploiement imminent de ses collègues. De retour à Calavi Kpota dans la ruelle qui mène à la brigade de Gendarmerie, Blaise Gahou s’affaire déjà en allant à la rencontre de sa secrétaire. Il prend des documents et va s’enfermer dans son bureau. Les lectures et signatures recommencent de plus bel. Il est 17h12, la voix a baissé et il annonce « j’ai une réunion avec les partenaires sociaux de la circonscription scolaire de Sô-Ava à 18h puis avec les CP de ma région pédagogique ». Il reprend son petit portable Nokia de couleur bleue bordée de noir pendant que le Smartphone, lui, continue de crépiter par moment à cause des messages qui s’enchaînent. 18h25 passées, les partenaires sociaux ne font pas encore signe de vie, mais les CP de Calavi 3 et de Sô-Ava répondent présents à la séance. Assis dans le bureau, les trois hommes discutent, rient et se taquinent cordialement. C’est reparti pour une réunion sur la vie de l’école dans la région pédagogique Calavi-Sô-Ava. Dans la peau d’un Chef de Région pédagogique, ce n’est pas une sinécure.

Adjéi KPONON

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