Dans un souci d’amélioration de la qualité de l’enseignement-apprentissage, les promoteurs d’écoles primaires privées ont été appelés à recruter des instituteurs diplômés du Certificat Elémentaire d’Aptitude Professionnelle (CEAP), du Certificat d’Aptitude Pédagogique (CAP) et du Baccalauréat d’enseignement secondaire général pour tenir les classes. Cette injonction leur est faite à travers un communiqué No0103/MEMP/DC/SGM/DEP/SEP/SA en date du 13 janvier 2020 signé de Salimane Karimou, ministre des Enseignements Maternel et Primaire. Deux (02) ans après cette décision, votre journal Educ’Action a pris langue avec quelques acteurs pour s’enquerir de sa mise en œuvre. Reportage !
Nous sommes au Complexe Scolaire Primaire « Jésus-Roi » dans le quartier Yénawa de l’arrondissement de Hêvié, commune d’Abomey-Calavi. Il est 08 heures, tout est calme par ici. De loin, on voit les écoliers dans leurs classes respectives, attentifs aux explications de leurs instituteurs. Quelques minutes plus tard, le directeur de l’école passe dans les classes pour un contrôle matinal afin de s’assurer que chaque instituteur est en situation de classe. Le recrutement des instituteurs de ce complexe respecte des critères bien définis. « Nous recrutons des instituteurs diplômés en les soumettant à une évaluation en mathématiques et en dictée puisque ces deux matières sont les ‘’bêtes noires’’ des apprenants. Puis vient une étude de cas concernant la pédagogie. L’école a recruté un conseiller pédagogique qui se charge de la formation de nos instituteurs. À cela, s’ajoutent les visites de classes », fait savoir Rodrigue Sèhounon, directeur du CSP « Jésus-Roi ». En se fiant aux propos du directeur, on retient que le recrutement dans ce complexe, créé en 2002, est subordonné non seulement à un diplôme requis, mais aussi à un test dans les disciplines citées plus haut.
Après cette école, les reporters de Educ’Action ont rallié le Complexe Scolaire Primaire la « La voix des Anges », toujours dans l’arrondissement de Hêvié mais dans le quartier Tôdo. Il est 10 heures. C’est l’heure de la récréation. Les écoliers sont dans la cour de l’école, précisément à la cantine pour leur repas matinal. Créée en 2005, l’école « La voix des Anges » compte aujourd’hui deux (02) groupes du primaire. Le recrutement des enseignants se fait en tenant compte de leurs diplômes et de leurs expériences de terrain. Ainsi dans cette école, il y a des enseignants titulaires des diplômes de BEPC, du Baccalauréat et d’un diplôme professionnel.
Dans la même commune, est implanté le Complexe Scolaire « Quartier Latin du Bénin », dans l’arrondissement de Godomey, quartier Fandji. Créée le 04 octobre 2008, cette école primaire compte sept (07) instituteurs. Teint d’ébène, vêtu d’une tenue locale brodée, le physique svelte, le maître de la classe de CM2 recopie la leçon d’Education civique qui porte sur la notion suivante : « L’obligation de participer aux élections ». Parmi les enseignants de cette école, trois (03) ont le BEPC, trois (03) ont le BAC et deux (02) ont le CEAP, chacun avec des années d’expériences différentes dans le métier d’enseignement. « Nous demandons un dossier contenant le diplôme ou l’attestation obtenue et le parcours de l’enseignant. C’est après cela que nous les soumettons à une évaluation afin de sélectionner les meilleurs », a affirmé Paul Bel Kahou, directeur du CS « Quartier latin du Bénin », renseignant sur son mode de recrutement. Ce modèle de recrutement des enseignants n’est pas le même partout.
De la tricherie dans le rang des promoteurs …
« Les fondateurs de certaines écoles privées recrutent des enseignants brevetés et leur propose un salaire dérisoire parce qu’ils ne veulent pas payer le maximum », lâche Rodrigue Sèhounon, directeur du CSP « Jésus-Roi », remettant ainsi en cause la qualité des enseignants recrutés dans quelques écoles privées. Cette affirmation est vérifiée au regard des constats et des propos recueillis sur le terrain. Suivant les recoupements, des promoteurs d’écoles embauchent des enseignants titulaires du BEPC en raison de leurs moyens financiers limités. Par contre, d’autres, tenant compte de l’expérience de l’enseignant et l’ancienneté du diplôme de BEPC, le recrute. « Nous ne devons plus observer des dérapages dans le rang des instituteurs du primaire. Mais compte tenu des expériences qu’ils avaient, ceux qui ont eu le BEPC des années 1900 , ont quelque chose de plus que ceux que nous avons maintenant sur le terrain», déclare Oscar Gbadou, directeur du CSP « La voix des Anges » de Hêvié. Il ajoute qu’au-delà du Baccalauréat, l’enseignant doit suivre une formation professionnelle de qualité. « Le diplôme professionnel est bon pour l’enseignement du primaire. Mais celui qui a le diplôme académique connaît peu de choses dans le domaine. Si l’État peut sortir des écoles les titulaires de diplômes académiques qui n’ont pas la maîtrise, encore moins l’expérience dans le domaine de l’enseignement en privilégiant les titulaires du diplôme professionnel, je pense que nous aurons de meilleurs résultats à la fin de chaque année scolaire », dira Rodrigue Sèhounon, directeur du CSP « Jésus-Roi », marquant ainsi sa désolation par rapport à l’état des lieux actuels. « La formation professionnelle ne détermine pas le niveau intellectuel de l’enseignant, c’est-à-dire que l’enseignant qui n’a pas un niveau académique élevé ne peut pas l’avoir après une formation professionnelle. Il faut d’abord avoir un niveau intellectuel élevé avant d’être guidé par la pédagogie que donne la formation professionnelle », a fait savoir Théophile Késsahou, instituteur au CSP « La Main du Christ » sis à Calavi, quartier Djadjo.
L’application de cette décision du cabinet ministériel connaît donc diverses fortunes qu’il importe d’évaluer pour le bien de l’Ecole béninoise.
Gilles-Christ OROBIYI (Stg)