En accord avec les réformes en cours dans le sous-secteur de l’enseignement supérieur, les demandes d’attribution de résidences universitaires vont se faire désormais en ligne. C’est l’information portée à l’attention de la communauté estudiantine par Ghislaine Fagbohoun, directrice du Centre des Œuvres Universitaires et Sociales d’Abomey-Calavi (COUS-AC), dans son intervention sur la radio universitaire. Cette décision ne manque pas de susciter des réactions dans le rang des responsables d’organisations estudiantines. Educ’Action s’est penché sur les motifs de cette réforme.
Jusqu’à la dernière année académique, les demandes de cabines universitaires se faisaient par dépôt de dossiers physiques des étudiants dans les Universités Nationales du Bénin. Avec la nouvelle donne pour la prochaine rentrée académique, la demande d’obtention de résidence universitaire va subir une modification. Il s’agit de la mise en place d’une plateforme qui va permettre aux étudiants d’effectuer leurs demandes de cabines en ligne. Approchée, la directrice du Centre des Œuvres Universitaires et Sociales d’Abomey-Calavi (D/COUS-AC), Ghislaine Fagbohoun, explique le bien-fondé de cette décision : «Nous sommes dans les réformes et c’est pour réformer toutes nos procédures que nous avons décidé de prendre cette décision sur instruction de madame la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique. Nous avons analysé et nous avons voulu démarrer les demandes d’hébergement en ligne, en attendant de digitaliser également tous les autres services du COUS-AC». Poursuivant ses explications, elle ajoute qu’à l’heure actuelle, «tous les services publics sont en train d’être dématérialisés pour éviter au maximum, le contact avec le public et pour faciliter également les opérations au public».
En attendant l’opérationnalisation effective de ce site, prévue pour la prochaine rentrée universitaire, selon les propos de la directrice du COUS-AC, de nombreuses questions demeurent quant à son fonctionnement.
Une plateforme en cours de test…
Comme toute plateforme digitale, celle destinée à enregistrer les demandes de résidences a un fonctionnement sur lequel il est utile de lever le voile. Quelle est la configuration du site ? Comment procéder à la demande et au paiement en ligne ? Ce sont des questions que se posent les étudiants. A ces préoccupations, la directrice du COUS-AC répond que des tests du site internet se font progressivement afin de permettre sa mise en place et son fonctionnement effectif. «Quand on va finir les tests, nous allons vous faire la présentation. Toutes ces questions trouveront des réponses», a-t-elle souligné avant de mettre l’accent sur les critères de sélection, suite au dépôt des dossiers en ligne. «Il y a toujours eu des critères de sélection. Les mêmes critères prévalent. Il n’y a pas de critères complémentaires. D’abord, les nouveaux venus, c’est-à-dire ceux de la première année sont prioritaires, de mêmes que les handicapés et les filles. C’est après ceux-là qu’on voit les autres. Les deuxièmes années suivent et ensuite les troisièmes années. On suppose que ceux qui ont quitté leurs villages et les zones lointaines pour venir étudier ici, ne savent pas où rester. Donc, il faut qu’on puisse les loger prioritairement».
Face au bouleversement créé par cette réforme dans la vie des étudiants, il est utile de savoir ce qu’ils en pensent à travers leurs organisations faîtières.
Organisations estudiantines sur le carreau
Pour la Fédération Nationale des Etudiants du Bénin (FNEB), l’effectivité de cette mesure qui touche tous les étudiants nécessite impérativement l’avis des responsables étudiants et surtout ceux de la FNEB, organisation la plus représentative. «Nous avons suivi à travers les médias que désormais une plateforme sera opérationnelle pour que les étudiants puissent faire leurs demandes de résidences universitaires en ligne. Nous pensons que c’est une belle initiative qui vient résoudre quelques problèmes et quelques difficultés que les camarades étudiants rencontrent dans ce sens. Néanmoins, avant d’aller à une telle réforme, il est important qu’on puisse faire appel aux responsables étudiants, à la seule organisation la plus représentative, la FNEB, pour discuter sur les possibilités d’apporter quelques solutions aux difficultés rencontrées par les étudiants. Ce qui n’a pas été fait», a martelé Igor Rodolphe Tossou, président de la FNEB.
Selon lui, il urge que les responsables des organisations estudiantines soient associés à cette mesure afin de penser à des solutions qui cadrent avec les intérêts de tous et facilitent l’effectivité des demandes à travers cette plateforme. Il évoque, en effet, de nombreux points d’ombre qui les laissent perplexes, mais sur lesquels ils n’auront d’amples éclairages qu’après la mise en service effective du site internet, comme indiqué par la directrice du COUS-AC.
Ainsi, «pour n’avoir pas associé la FNEB et les responsables étudiants, nous autres, ne sommes pas dans la dynamique d’accompagner cette initiative quand bien même nous savons que cela vient résoudre un certain nombre de problèmes», martèle le président de la FNEB. Pour ce dernier, associer la FNEB et les autres responsables permettrait d’apporter des solutions pour rendre encore plus opérationnelle, crédible et accessible cette plateforme. Ghislaine Fagbohoun, directrice du Cous-AC, a toutefois tenté de rassurer les responsables d’étudiants en indiquant qu’à «l’opérationnalisation, ils seront associés».
Face à toutes ces interrogations, la question de la plus-value de cette plateforme, en phase de test se pose avec acuité.
Une plus-value remise en question
L’opérationnalisation de la plateforme de demande d’hébergement en ligne a un avantage certain pour la directrice du COUS-AC, car elle constitue un portail pour le COUS et lui permet d’être présent sur le site internet du ministère. «Cela permet à l’étudiant, en voulant s’inscrire, de demander en même temps sa cabine. Il y a un gain de temps énorme pour tout le monde», souligne-t-elle tout en rappelant que pour le dépôt physique des dossiers dans le cas d’espèces, il est observé beaucoup d’attroupements, de même que certains étudiants s’offrent le plaisir de déchirer parfois les listes affichées. De l’avis de la FNEB, cette décision vient mettre fin à de nombreux problèmes liés aux dépôts de dossiers physiques rencontrés par les étudiants au moment de faire leurs demandes. De ce fait, précise Igor Rodolphe Tossou, «les étudiants rencontrent tellement de difficultés pour la plupart en période de vacances. Au moment où les demandes de résidences sont lancées, ces derniers sont encore chez eux, d’autres au village et ont du mal à se déplacer pour faire leur demande. Il y a parfois de longues files d’attente dans les lieux de dépôt des dossiers. Il y a aussi parfois des camarades qui déposent leurs dossiers et ne retrouvent pas leurs noms puisque leurs dossiers auraient été mal classés ou des pièces auraient manqué. Des fois aussi, on note le manque de vigilance des agents qui collectent les dossiers et d’autres irrégularités. Si on pense aller à une dématérialisation, cela pourrait permettre de résoudre les problèmes de déplacement des étudiants, d’éviter de rester dans les longues files d’attente pour effectuer leurs demandes», a-t-il expliqué sans pour autant épargner les conséquences éventuelles de la dématérialisation de ce service. En plus des responsables, les étudiants ont aussi donné leurs avis au sujet de cette réforme qui va impacter leurs activités universitaires.
Le point de vue des étudiants
La dématérialisation du service de demande des hébergements universitaires pour la communauté estudiantine, quels que soit les avantages, ne reste pas sans conséquences. Cette décision suscite des remous dans le rang de la cible concernée. Pour Richard Adjagba, cette mesure est la bienvenue pour remédier aux files d’attente et limiter la propagation de la Covid-19. Cependant, «est-elle appropriée pour faciliter les réclamations ?», questionne-il. Bienvenu Adeleye, par contre, se veut catégorique, estimant que ce moyen n’est pas le meilleur pour freiner la propagation de la Covid-19 et ne peut en aucun cas être à l’avantage de tous les étudiants. Et pour cause, a-t-il martelé, «en réalité, ce n’est que le dépôt de dossiers physiques qui peut avantager les étudiants, surtout les nouveaux bacheliers, que savent-ils par rapport à ces histoires pour aller s’inscrire ? Ce n’est pas normal». Pour sa part, Steven Sonounameto affirme que cette plateforme n’aura de plus-value que lorsqu’elle va mettre fin aux différentes magouilles observées lors de la demande des résidences. Quant à Euloge Assiongbon, étudiant vivant avec le handicap, l’inscription pour la demande des résidences en ligne est un problème de plus créé par l’administration universitaire. «On a constaté que pour la gestion des dossiers, il y a déjà beaucoup d’irrégularités. Les étudiants déposent les dossiers et ne les retrouvent pas. Si je prends l’exemple des personnes handicapées, les étudiants handicapés déposent leurs dossiers avec leurs guides et si c’est un handicapé visuel, il faut toujours que quelqu’un l’accompagne », a-t-il affirmé avant de poursuivre : «si on nous demande de déposer un dossier en ligne et qu’on ne consulte pas toutes les parties prenantes, cela veut dire qu’on a fait un travail qui va engendrer d’autres problèmes encore. Est-ce qu’ils vont créer sur la plateforme une section réservée aux handicapés afin de prévoir le nombre de cabines à leur attribuer. Je pense que s’ils restent entre leurs quatre murs comme ils le font souvent, ils vont innover mais sans pouvoir changer grand-chose », conclut Euloge Assiongbon.
Organisations estudiantines, entre inquiétudes et propositions
Pour la Fédération Nationale des Etudiants du Bénin (FNEB), cette dématérialisation ne sera pas sans conséquences. «Nous avons fait autant d’expériences avec les plateformes mises à notre disposition, que ce soit la plateforme de ‘’e-learning’’ pour faire les cours en ligne, que ce soit celle pour faire le dépôt des demandes d’allocations universitaires, ou même celle du choix de filières après le BAC. Ces plateformes ont toujours des insuffisances, toujours des limites et ces limites, lorsqu’on fait l’expérience, pénalisent plus d’un», souligne Igor Rodolphe Tossou, président de la FNEB. Par ailleurs, il ne manque pas de préciser que c’est en raison de cela que les responsables étudiants doivent être associés à cette réforme. Outre ce premier point abordé, la FNEB souligne que les étudiants, pour la plupart, ne disposent pas d’une connexion internet, encore moins de smartphones. S’agissant des nouveaux bacheliers, il ajoute qu’ils ne savent pratiquement rien aux inscriptions sur les plateformes, car «nous autres, qui sommes déjà anciens, nous n’avons pas manqué d’éprouver des difficultés pour nous inscrire». Pour finir, Igor Rodolphe Tossou suggère une solution mixte : celle d’un dépôt des dossiers physiques et en ligne pour la phase expérimentale l’année prochaine. «Nous profitons donc de l’occasion pour demander aux autorités compétentes de nous faire appel afin d’échanger sur le sujet sans quoi, nous ne pouvons accompagner une telle initiative, ni faciliter l’utilisation de cette plateforme aux étudiants», a-t-il plaidé. Demande à laquelle Ghislaine Fagbohoun, D/COUS-AC, a été favorable en martelant qu’à «l’opérationnalisation, ils seront associés». Pour finir, la directrice du COUS-AC a rassuré qu’il sera question d’expérimenter cette plateforme à la prochaine rentrée universitaire. «Nous allons l’expérimenter à partir de la rentrée prochaine et nous ferons une évaluation ainsi que le point avec l’autorité de tutelle», a-t-elle conclu.
Gloria ADJIVESSODE