Diplômée en Transit et Secrétariat :Sandrine troque 07 ans de carrière dans l’administration contre la coiffure (Patronne d’atelier, elle plaide pour le retour des activités parascolaires)

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Des fonctions administratives aux métiers artisanaux, il n’y a qu’un pas. Ce pas, Sandrine Agbéssi l’a vite franchi après ses études et quelques années passées dans l’administration comme commis. Elle s’est résout, un jour, à troquer ses diplômes éducatifs contre la coiffure, un métier qui la passionne par ailleurs. Séduit par le profil de cette combattante, Educ’Action est allé à sa découverte, un modèle qui devrait inspirer bien des jeunes diplômés en quête de leur premier emploi. Le portrait de Sandrine Agbéssi, maîtresse coiffeuse et cheffe d’entreprise d’un autre niveau, c’est ici et tout de suite !

L’entrepreneuriat réussi au féminin, cette jeune dame, dans la trentaine, en donne la preuve. Nous sommes au quartier Gakomey, jouxtant l’échangeur de Godomey, commune d’Abomey-Calavi. Dans l’une des ruelles qui tombe sur la grande voie inter Etat, est construite une maison modeste ceinturée par des boutiques où s’exercent diverses activités. Alors qu’il sonnait au-delà de 11 heures, cette matinée du dimanche 07 mars 2021, le profil d’une femme entrepreneure besognant dans la quiétude, à cet endroit, force l’admiration et le déplacement de l’équipe de reporters de Educ’Action. Entre jeunes filles et femmes responsables, ça discute pêle-mêle. Le sujet central au cœur des échanges entre Hommes du sexe feminin, c’est bien les relations sentimentales. Pendant que certaines d’entre elles s’en sortent bien avec leurs petits copains, d’autres, visiblement, semblent être dégoûtées, dépitées par les contraintes et les sauts d’humeur qu’imposent leurs relations. La plus âgée du groupe, expérimentée, tente de persuader et de conseiller par ailleurs, les déçues de cette épreuve d’amour. Une autre, pas loin, avec charisme déclare : « Il n’y a rien de plus beau que d’avoir son travail, peu importe si cela rapporte gros ou pas ! Les hommes ne pourront jamais et intégralement satisfaire les femmes comme nous le souhaitons. L’idéal est de faire de son travail, son premier mari ou copain. Regardez ! Ici, nous sommes dans un atelier de coiffure appartenant à une femme qui en est la première responsable. Ceci valorise plus la femme que les histoires de cœur. » Des propos qui pointent les capacités des femmes à s’auto-employer, à être des cheffes d’entreprises. D’ailleurs, dans cet atelier de tresses et coiffures décoré au goût de son propriétaire, se vendent également les accessoires de beauté pour femme : mèches, vernis à ongles, séchoirs, produits et huiles de cheveux, outils de make-up, etc. Loin de Educ’Action l’idée de vous faire découvrir le métier de coiffure. Ce qui charme, plutôt ici, dans ce travail journalistique, est le profil ainsi que le parcours de dame Sandrine Agbéssi épouse Gbènonzan. A l’instar de plusieurs petites filles, elle a été à l’école, progressé dans son cursus scolaire dans le secondaire avant d’être, plus tard, diplômée en Transit et Secrétariat. Mieux, elle a été fonctionnaire dans l’administration sept (07) ans durant avant de décider de nourrir sa passion, devenir coiffeuse. Un métier qu’elle exerce avec dévouement depuis quatre (04) ans déjà. Pour dame Sandrine rencontrée dans son atelier, sur son lieu de travail, « la coiffure m’apporte tout le confort dont j’ai besoin ».

De l’administration à un atelier de coiffure, un choix bien pensé

« Pour ma petite histoire, j’ai eu la chance d’aller à l’école comme la plupart des filles de ma génération. De la maternelle au collège, j’ai eu un parcours sans faute, gage d’une vie professionnelle réussie. J’ai renoncé, par contre, aux longues études en allant faire une formation technique en Transit-Secrétariat pour vite me prendre en charge, parce que je ne veux pas être dépendante de quelqu’un. J’ai travaillé comme secrétaire pendant sept (07) ans dans deux (02) différentes structures de la place où je gagnais un salaire. Mais aujourd’hui, la coiffure est le métier qui me nourrit. Je tiens à préciser que je suis allée à ce métier, non pas parce que j’ai été obligée, mais parce que c’est un choix toujours voulu et ce, dès le bas âge », confie Sandrine, d’une forte corpulence soutenue par une taille de 1,58m. Ainsi donc, la jeune dame a fait l’option volontaire d’aller à la coiffure pour mieux s’épanouir, donner sens à sa passion. Un choix qui, cependant, n’a pas été approuvé et épousé par ses parents, eux qui craignaient pour Sandrine le pire.

Le rêve trop beau des parents de Sandrine

Le rêve des géniteurs de dame Sandrine est d’offrir à leur fille chérie un statut de commis dans l’administration publique ou privée ; une fonctionnaire donc au col bien dressé. Un rêve plaisant, tout beau, qui hélas achoppe sur la volonté de la désormais patronne de coiffure. « Je me rappelle encore comme si c’était hier, la première fois où ma fille a exprimé son envie d’aller à la coiffure alors qu’elle était en classe de CE1. Un souhait qui, d’ailleurs, n’a pas plus à son papa qui a opposé un refus catégorique. Pour lui, l’école est le chemin qui pourra garantir à Sandrine le meilleur lendemain. Moi sa maman, je n’avais pas mon mot à dire parce que c’est papa qui payait la scolarité. En bonne épouse, je l’ai soutenu », a confié à Educ’Action maman Dossou-Yovo, génitrice de dame Sandrine.
A l’époque, Sandrine ne semble pas être démotivée, ni affectée par l’opposition de son géniteur. « Après ce premier refus, j’ai continué les études jusqu’en classe de 3ième avant de ramener, à nouveau, ce sujet sur le tapis. Mais les réactions ont été les mêmes. Mon père faisait partie de ceux qui croyaient que les métiers artisanaux sont réservés aux enfants qui ont échoué dans leurs études, et même dans leur plan de vie », a-t-elle relaté. Pour son père donc, autrefois comptable dans un grand hôpital de la place, seule l’école permettrait à ses enfants de réussir leur vie. La sœur aînée de la maîtresse-coiffeuse, donne aussi son témoignage. « le choix de la filière qu’on doit faire, revient à papa. Certes, il se basait sur les matières dans lesquelles on excellait à l’école pour nous faire un choix, mais les formations que nous avons faites, étaient voulues par lui. Aujourd’hui, la réalité est là et lui-même en a bonne conscience. Quand on aborde aujourd’hui le problème du chômage dans nos discussions avec papa, sa réaction est carrément toute autre. Il a compris désormais que la réalité après les études scolaires, est autre », a dit la sœur aînée, femme au foyer ; elle qui aujourd’hui est confrontée au problème du chômage en dépit de son diplôme de Brevet de Technicien Supérieur (BTS) décroché en Côte d’Ivoire. Comme sa sœur Sandrine, elle a aussi essuyé le refus des parents pour refaire sa carrière dans la cuisine. On décèle à travers ces propos, que la perception selon laquelle l’école garantit un avenir meilleur aux enfants est totalement caduque.

Les premiers pas de Sandrine vers la coiffure

Sans être un produit des coopératives scolaires du temps de la révolution, une approche éducative qui initiait déjà les jeunes apprenants à une activité, un métier de demain, Sandrine s’intéressait et même s’essayait déjà au collège, à la coiffure comme activité connexe aux études. « J’ai eu la chance d’avoir une sœur aînée, la première de la famille, qui est coiffeuse. On était donc contraint à travailler avec elle, si nous voulons être sûrs de dîner à temps. Alors, garçons comme filles l’aidaient du mieux qu’ils pouvaient pour qu’elle finisse avec ses clientes afin de s’occuper de la cuisine, et donc de la famille. J’ai donc pris goût à la chose à partir de ce moment », a témoigné Sandrine pour ainsi faire la genèse de son amour pour la coiffure. A l’en croire, chaque minute passée aux côtés de sa sœur aînée pour l’aider était bénéfique pour elle puisqu’elle a commencé à bénéficier des fruits de cet effort plus tôt. « Avec ce que j’ai appris auprès de ma sœur, je gagnais déjà de petits sous à l’école. Je coiffais ou tressais mes camarades moyennant de petites sommes de 100 francs CFA voire de 150 francs CFA. Je leur nattais facilement les cheveux. Pour celles qui avaient des cheveux plus ou moins longs, je pouvais déjà faire les « Aféfé » ou des « yoss » avec leurs propres cheveux. Quand j’ai du mal à satisfaire aux choix de coiffure imposés par les camarades filles, je fais alors recours à ma sœur qui m’aidait à mieux comprendre. Je me suis achetée des peignes que je traînais dans mon sac parce que je ne voulais rater aucune occasion de gagner de l’argent », a renseigné la maîtresse coiffeuse, dame Sandrine, qui martèle qu’elle gagnait à l’époque jusqu’à 500 francs CFA voire 700 francs CFA par semaine malgré son statut d’élève au collège. Cette expérience, sans égards, a profité à la jeune dame. « Avec le peu que j’ai appris aux côtés de ma sœur, c’était plus facile pour moi, une fois en apprentissage. Au moment où d’autres camarades au sein de l’atelier sont obligées de faire trois (03) à quatre (04) ans d’apprentissage, j’en ai fait à peine deux », a-t-elle témoigné.
Pour la maman de Sandrine, la coiffure, pour sa fille, est un acte du destin. « Je peux dire que la coiffure est un peu comme un métier de destin pour ma fille. Elle était destinée pour la coiffure, peut-on dire, parce que malgré les refus opposés très tôt par son père, elle a fini coiffeuse et a ainsi rangé ses diplômes au placard », avoue sa maman, dame Dossou-Yovo. Le nom donné à cet atelier de coiffure, « Inspiration Divine », explique mieux les propos de la maman de Sandra, même si cette dernière affirme n’avoir pas fait le rapprochement entre ce nom et sa détermination à faire de la coiffure une carrière professionnelle. Pour avoir fréquenté, Sandrine met efficacement son intellectualisme au service de sa profession de coiffeuse. D’ailleurs, l’une de ses clientes en témoigne.
La coiffure, une carrière bien vécue grâce à l’intellectualisme

Cliente de Sandrine depuis un moment, maman Fina, comme elle préfère se faire appeler, semble satisfaite de la prestation de la maîtresse-coiffeuse, bien que cette dernière n’ait qu’une seule apprentie. « Parfois, je quitte ma maison pour venir simplement m’asseoir ici dans ce salon à cause de l’accueil réservé aux clientes. Bien que l’atelier ne soit pas trop grand, il y a de la propreté et du soin. J’ai de la facilité à discuter avec elle en français. Mieux, elle est disposée à vous faire une nouvelle tresse, même quand elle ne l’a jamais vue. Il suffit de lui expliquer le modèle, qu’elle te donne satisfaction avec une grande qualité. Parfois, elle fait recours à l’internet pour apprendre quelque chose de nouveau pour la satisfaction de ses clientes », a témoigné, enthousiaste, à Educ’Action maman Fina. Une autre cliente, Immaculée Tossou dira, quant à elle, que l’accueil est la chose qu’elle apprécie le mieux dans cet atelier. « Moi quand je viens, je me sens comme chez moi. Je n’ai aucun complexe à être dans ce salon et c’est avec plaisir que je mange le repas qu’elle m’offre gracieusement parfois », a-t-elle déclaré, avant d’ajouter : « Je n’ai pas souvenance de ce qu’elle m’ait déjà déçue dans ses prestations ». Assise dans le fauteuil qui accueille ses clientes, dame Sandrine, teint d’ébène, vêtue d’une robe qui fait ressortir sa forte poitrine, dira elle aussi que c’est une chance d’avoir été à l’école. « Le fait d’être instruite, vous apporte toujours quelque chose de plus dans votre travail, face à des gens qui n’ont jamais mis pieds à l’école », a-t-elle humblement dit, sans se prendre la tête. Ayant connaissance du parcours de cette patronne d’atelier, la cliente Immaculée Tossou estime qu’elle doit avoir de bonnes raisons de revenir à la coiffure malgré ses études. La patronne va le confirmer un peu plus tard en faisant observer, par ailleurs, que son choix lui offre plus qu’il n’en faut.

La réussite de l’éducation des enfants : un avantage énorme offert par ce choix

Mère de deux (02) enfants et femme au foyer, dame Sandrine Gbènonzan tire profit de son nouveau travail et n’a rien à envier à quelqu’un. C’est ce qu’on retient de ses propos. « J’aime l’argent parce que j’ai commencé à en gagner très tôt et j’aime aussi la liberté. Mais ce qui m’a poussée à renoncer à mes diplômes pour aller à la coiffure, c’est la réussite de l’éducation de mes enfants », a confié la jeune maman à l’équipe de Educ’Action. Elle s’explique à travers l’expérience qu’elle vit. « Pendant les sept (07) ans que j’ai travaillé pour d’autres personnes, je ne me rappelle pas être rentrée chez moi avant 21 heures. C’est vrai qu’en ce temps, je n’avais pas encore d’enfants. Mais maintenant, j’ai une famille et l’expérience a prouvé que les enfants dont les parents sont tous deux fonctionnaires, sont laissés soit à eux-mêmes du point de vue de l’éducation, soit leur éducation est confiée à une domestique », a-t-elle relevé. Elle fait savoir ensuite qu’avec sa présente carrière de coiffeuse, elle a du temps pour ses enfants. « J’ai le temps pour aider mon aîné dans ses devoirs d’école, leur papa étant toujours absent. Je veille personnellement sur leur éducation, j’ai les yeux sur eux à chaque instant et je fais ce que je peux avec l’aide de Dieu pour réussir leur éducation, parce que les enfants sont les hommes de demain et sans une bonne éducation assurée d’abord par la famille, l’homme de demain ne sera pas un atout pour la société. Je sors donc du travail quand je veux sans la pression d’un super chef au dos », a-t-elle détaillé exposant ainsi les avantages tirés de son métier.

Le retour des activités parascolaires dans le secondaire comme l’une des pistes de solutions contre le chômage

Face au récurrent problème de chômage que rencontrent les jeunes gens à la sortie des écoles et universités, Sandrine Gbènonzan propose le retour des activités parallèles ou parascolaires dans les écoles. « L’expérience de la coiffure m’a été utile. Je pense fortement que si l’Etat peut penser à réintroduire les activités comme la coiffure, la couture, la cuisine, les petites activités génératrices de revenus dans les écoles, beaucoup s’investiront dans ces choses le temps de trouver un emploi et cela va régler les problèmes de déviances que nous constatons dans le rang des apprenants, surtout des filles. Moi, je n’ai pas eu besoin que quelqu’un m’aide à prendre conscience. Si l’Etat ainsi que les parents peuvent commencer à sensibiliser les jeunes écoliers à ce propos, cela aidera plus d’un », pense vraiment Sandrine. Selon elle, l’école ne saurait être une garantie pour les nombreux diplômés qui en sortent chaque année.
Pour la maman de Sandrine, dame Dossou-Yovo, il serait préférable que les parents apprennent à laisser les enfants opérer leur propre choix de carrière. « L’enfant est bien placé pour savoir ce dans quoi il pourra prospérer. Si l’enfant, lui-même, fait son choix et échoue, le parent pourra lui dire tout ce qu’il veut sous prétexte qu’on ne lui a rien imposé. Mais si c’est toujours les parents qui veulent que l’enfant fasse ci ou ça, ils seront tenus responsables demain de l’échec professionnel de l’enfant et ce sera trop tard de corriger le tir », a conseillé dame Dossou-Yovo, génitrice de Sandrine Gbènonzan, patronne de l’atelier de coiffure « Inspiration Divine » .

Réalisation : Estelle DJIGRI

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