Diversité et inclusion dans la société : Nécessité d’une éducation à la tolérance

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Dans la société béninoise, les propos de certains citoyens laissent ressentir de la haine envers certaines régions. Le cas le plus perceptible est le traitement réservé aux hommes du Couffo connus sous le vocable ‘‘Adjanou’’. Ces derniers subissent des propos haineux et désagréables qui ne sont pas de nature à promouvoir la diversité et l’inclusion sociale.

Roan, un jeune garçon de 13 ans a subi pour la première fois, lors d’une fête, les propos haineux que subissent ses ainés de la même région que lui.
En effet, il a suffi que le DJ occasionnel de la fête lance une musique au rythme Gogohoun, spécialité de la région du Couffo (Adja) pour que le jeune Roan essuie des propos très peu courtois venant de ses camarades. « Ah ! Adjanou, la chanson là est pour toi, va danser », laisse entendre un camarade visiblement imprégné de l’origine de Roan. Ceux d’entre eux qui ignoraient cette information, se mirent aussitôt à l’injurier. « Toi tu étais même un villageois parmi nous, les rois du frelaté, « Je comprends pourquoi il n’est pas civilisé ». Autant de commentaires très peu aimables et blessants encaissés en un laps de temps, par le jeune enfant.
Tout comme Roan, ils sont nombreux ces hommes et femmes à vivre de telles situations compte tenu de leur origine. Ces propos désobligeants ne favorisent aucunement l’épanouissement et l’inclusion de ces derniers dans la communauté. Au contraire, ils peuvent entraîner de graves conséquences.

Manque de confiance en soi et division comme conséquences

Cela reste une réalité que les peuples de certaines régions, notamment les Adja subissent des mépris et des violences verbales venant de plusieurs autres régions. Selon le sociologue Maoudi Johnson, cette stigmatisation est peut-être due à des histoires anciennes. « Beaucoup pensent qu’ils ont une manière d’être qui paraît assez difficile. Ils subissent les exclusions qui sont basées sur certains faits de référence qui peut-être, auraient pu être gérés par la paix mais qui malheureusement perdurent à travers les hommes à cause de certains intérêts égoïstes », a situé le sociologue. Quoi qu’il en soit, ces propos injurieux portent atteinte à l’estime de ceux qui les subissent.
Gestionnaire des ressources humaines, Aurelie Klélé porte aujourd’hui, fièrement son titre de ‘‘Adjanou’’ (d’origine Adja en fon). Mais pour en arriver là, elle a dû subir par le passé, des injures, des propos agressifs comme c’est le cas de Roan. « C’est très difficile de supporter lorsque les gens s’en prennent à nous à cause de nos origines. Parce que premièrement, nous n’avons choisi ni nos origines, ni nos parents. Deuxièmement, parce qu’ils le font généralement pour nous embêter, nous rabaisser. Parfois même, ça va loin et ces propos nous font perdre la confiance en soi », a-t-elle confié l’air pensif. Donald Kokou, lui aussi Adja, n’est pas toujours à l’abri des injures du fait de son origine. D’ailleurs, il ne comprend pas ce qui leur est réellement reproché. « Il m’arrive de demander à certains, les raisons de leur mépris pour les Hommes du Couffo. La plupart n’ont aucune raison bien fondée. Alors pourquoi détester ou s’en prendre à quelqu’un à cause de ses origines ? On n’est pas obligé d’aimer tout le monde certes, mais on doit au moins s’accepter les uns les autres », s’étonne Donald, la trentaine et comptable dans un centre de santé de la place. A en croire ce dernier, s’en prendre aux gens de certaines régions, peut avoir des conséquences. « Cela peut entraîner de la discorde, des disputes sur plusieurs années et sur plusieurs générations. Dans ces conditions, il n’y aura pas la quiétude et la paix », a-t-il fait observer. Tout à fait vrai ! s’exclame Aurelie Klélé qui renchérit : « Ces comportements peuvent créer des préjugés, des divisions dans la société, et même entraîner des tensions et diminuer l’harmonie sociale ». Malgré les humiliations et les injures qu’elle reçoit, elle a adopté une attitude de paix qui lui a valu le titre d’ambassadrice de la paix en 2019.

La diversité, un avantage pour la société

Si certaines personnes des origines pour la plupart mal vues, accueillent les propos de leurs détracteurs comme des injures, ce n’est plus le cas de l’ambassadrice de la paix, Aurelie Klélé. Elle les considère plutôt comme de l’ignorance de la part de leurs détracteurs. « Ces gens ne perçoivent pas cette diversité culturelle que nous avons et qui constitue une richesse en ce sens que ça permet d’avoir plusieurs variétés de point de vue, d’idées et de perspectives qui peuvent favoriser l’innovation et la créativité. Qu’on soit d’Adja ou d’Abomey, du Nord ou d’ailleurs, quand nous allons nous mettre ensemble pour enrichir les débats d’idées, on va parler en tenant compte de nos réalités, de nos contextes et ça, c’est une richesse pour notre société. C’est pour ça que chaque personne mérite d’être respectée peu importe ses origines », a-t-elle exposé. Elle reste convaincue que l’appartenance à diverses origines est une diversité qui doit être normalement célébrée au lieu d’être critiquée. « On ne peut pas être tous pareils. Il faut être différent pour se compléter, pour faire un ensemble et pour apprendre l’un de l’autre. C’est ainsi que notre pays peut véritablement avancer. », estime Donald Kokou. Reconnaissant que le Bénin est caractérisé par une multitude de diversités sur plusieurs plans, Maoudi Johnson, en sa qualité de sociologue, pense cependant que cela ne devrait pas empêcher une solidarité et une cohésion sociale. « La société, dans sa dynamique, est toujours plurielle, diverse. Il nous appartient donc de comprendre qu’il faut avoir la conscience de faire autre chose que cette tendance à critiquer et à dénigrer. Cela n’apporte rien d’ailleurs. », insiste-t-il.

Une éducation à la tolérance et à l’inclusion s’impose

Appolinaire Yèbè, d’origine Xwla pense sincèrement que c’est la méconnaissance de l’histoire qui amène à ce qui est constaté de jour en jour. « Je pense que si les gens maîtrisaient vraiment leur passé, ils ne seraient pas là à se moquer et à injurier les autres. Tous les béninois sont d’origine Adja. Nous avons tous quitté ‘‘Adja Tado’’ pour des horizons divers. Il faut ramener les gens à la source, il faut les éduquer sur leur histoire pour qu’ils arrêtent de se ridiculiser », conseille Appolinaire. Un autre dira : « Je n’aime pas qu’on dénigre les gens. Personne n’a choisi ses origines. Il faut qu’on arrive à comprendre cela et à se mettre parfois à la place des autres. »
Se mettre à la place de l’autre implique selon Donald Kokou, le respect de la différence de chacun. Pour ce faire, il est important à l’en croire, d’éduquer les gens à un certain nombre de comportement. « Il faut qu’on apprenne à vivre ensemble malgré nos différences de régions. Il faut accepter les autres avec leurs origines, leurs défauts pour pouvoir construire ensemble », exhorte Donald Kokou. Pour sa part, Aurelie pense que l’éducation à la tolérance, le respect mutuel des uns et des autres sont indispensables pour une société inclusive. « Pour un monde inclusif dans lequel la diversité de chacun est respectée, il faut éduquer, sensibiliser sur les comportements de paix, renforcer les brassages interculturels et favoriser le dialogue. Cela va permettre aux uns et aux autres de se connaître davantage et de connaître les cultures des autres sans porter de jugement et sans discriminer. », préconise Aurelie Klélé. « L’un des éléments qui nous rassemblent le plus et qui permet de comprendre qu’il faut être ensemble, c’est la religion. Par delà la diversité, par delà les problèmes, on peut aspirer à l’expression religieuse, à la divinité en tant que source de recueillement et de partage », conseille le sociologue Johnson.

Estelle DJIGRI

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