Le catalogue des éditons Légende s’est enrichi d’un nouveau titre : « Dossier du Jour ». C’est un recueil de 6 récits cousu en 136 pages. Dans ce livre, Fousseni Tanko Bana-Korodji, gestionnaire des ressources humaines, revisite les pratiques ancestrales et les dépoussière dans une société très urbaine.
« Les pratiques ancestrales qui se faisaient sous nos arbres à palabres ont passé la main à une version urbaine, nouvelle, raffinée, libertaire avec cette touche particulière que le droit d’ainesse a cédé sa place au droit de pouvoirs financiers : le nouveau Fofo (grand-frère, ndr), c’est le jeune frère qui a du pognon. Ce n’est donc pas surprenant de voir autour d’un accident de circulation, d’une bagarre ou autres, des attroupements ». Ce pan de l’avant-propos de l’auteur raisonne comme un cri d’alarme. Le bafouement des pratiques ancestrales en est une raison.
L’ouvrage s’ouvre sur un récit intitulé : « Le bon samaritain ». Alayè Edroomi, un jeune marié sentant son foyer en perte de repères, s’offre chaque fois à la nuit opaque. Ses réflexions vespérales ne lui permettent pas de trouver une solution à la fissure de son tissu conjugal. Allons à la page 20 : « Pour ma mère, la cuisine, c’est l’affaire de la femme. Mais le temps a évolué et faire la cuisine avec sa femme m’a toujours émerveillé, la solidarité du couple est un gage de progrès et de meilleure complicité. Papa ! Imaginez-vous un peu, après une journée de travail acharné, le temps de récupérer pour être en bonne forme le matin, mon épouse me sollicite pour un autre devoir conjugal. C’est la bagarre toute la nuit, et si je mets de l’entrain pour la satisfaire, une heure de temps après, elle me réveille à nouveau ». C’est donc les raisons qui militent en faveur du projet de divorce de Alayè Edroomi. Seul au milieu de la nuit, il nourrit ce profond désir. Ceci, à cause de son incapacité notoire à satisfaire convenablement le plaisir sexuel de son épouse. Alayè Edroomi, dans son expédition nocturne et sa quête de solution, a eu l’opportunité de rencontrer un sage, le fameux bon samaritain. Ce dernier n’a pas manqué de l’abreuver à la source ancestrale pour sauvegarder son foyer. Lisons cet extrait de la page 25 : « Les progrès de la civilisation ne sont pas à confondre avec ce qui fait notre essence, et chez la femme, les aptitudes innées n’ont pas encore connu d’avancées technologiques. A partir de demain, surprends ta femme avec un nouveau planning. Ne lui laisse pas le temps de dormir depuis 23h jusqu’à 2h du matin, et tu maintiendras ce rythme à chaque jour ouvrable. Tu es jeune, robuste, mais si tu as besoin de nos recettes ancestrales pour t’aider, je serai là dans les trois jours et nous pourrions en discuter ».
Au regard de ces deux extraits, on retient que Fousseni Tanko Bana-Korodji aborde les problèmes de couple et propose des outils pour renforcer le lien conjugal.
Dossier du Jour : Un saut dans les tares de la société ?
Le livre comporte d’autres récits, notamment : « Le triomphe du médiocre » ; « vol et rédemption » ; « la nouvelle dimension ». Ces récits abordent, d’une manière ou d’une autre, des thèmes que sont l’esprit de partie, la convoitise, la médisance, la jalousie, le vol, l’analphabétisme.
Dans « Le triomphe du médiocre », l’auteur explore la fidélité du disciple Kaltoum à son maître religieux Nassamou. Ce dernier s’est forgé une bonne renommée qui résonne au-delà de son territoire. Avant sa mort, il a pris le soin de prodiguer des conseils à ce disciple dévoué et discipliné. L’un des conseils en vue, est de quitter le village pour ne pas devenir le serviteur de ses enfants après son décès. Un conseil que Kaltoum a pris à cœur. Embrassant l’aventure, il s’est retrouvé à Bahisso dans le palais d’un roi vomi par ses sujets. Lisons cet extrait de la page 36 : « Mon fils, il sera difficile de te dire qui dirige la destinée de notre cité. Au lieu d’un roi aimé et choisi par tous, ils nous ont imposés un fainéant… mais que vaut un roi s’il n’a pas l’onction de son peuple ? Depuis qu’il a mis pied au palais, plus personne ne s’aventure de ce côté-là. On verra bien qui il pourra diriger ». Néanmoins, Kaltoum s’y est rendu aux fins de devenir premier conseiller du roi grâce à ses connaissances ancestrales. Il a préparé, comme son maître lui avait montré, un talisman qui a su rabibocher le roi et ses sujets. Une prouesse que Kourri, le fils aîné du défunt Nassamou, trouve illusoire et abusive au point de jeter du discrédit sur Kaltoum. « Kourri prit le talisman et assura Sa Majesté de l’abus et de l’illusion dont il a été objet par le médiocre disciple de son père », à lire à la page 46. Ce talisman, Kourri l’a éventré et un oiseau blanc en est sorti, refusant d’y retourner malgré les subterfuges de l’instigateur. Le Palais, autrefois lieu d’attraction à cause de ce talisman, a commencé à se vider de ses hommes aux compte-gouttes.
Dans ces extraits, on notera que l’auteur explore la réaction de l’homme contre des phénomènes paranormaux. Il emploie différentes figures de styles comme la personnification, la métaphore, la comparaison pour mettre le lecteur au cœur des faits qui érodent le bien-être des hommes dans la société.
Dans un style libre et dépourvu de contorsions scripturales, l’auteur donne un goût accrocheur à ces récits avec, en toile de fond, une forte dose de leçons de vie. Par ailleurs, il faut toutefois déplorer des coquilles par endroits, des mots qui sont de trop. Tout ceci égratigné par des omissions remarquables de virgules. Aussi y a-t-il un déphasage entre le contenu et le titre de quelques récits, écrits juste après la tranche de tête. Les pages 20, 36, 49, 54, 59, 66, 67, 69 en sont une parfaite illustration.
Enock GUIDJIME