Dr Amadou Ali, au sujet de la SMAE 2025 : « Nous avons proposé des pistes pour une riposte efficace »

  • 0
  • 47 views

Le réseau Pamoja Education, partie prenante de la SMAE 2025, n’est pas resté en marge de la célébration de cette semaine. En respect à la célébration de cette semaine, ce réseau a mobilisé toutes les parties prenantes de l’éducation. Intitulé : « L’éducation en situations d’urgence dans le contexte des conflits et catastrophes », le thème de cette édition n’a pas laissé indifférent. Le Dr Amadou Roufaï Ali, enseignant-chercheur, de nationalité nigérienne, a abordé, à travers cette interview, les grandes lignes d’une éducation en situations d’urgence en Afrique. Lisez donc !

Educ’Action : Quelles sont vos réflexions par rapport au thème de la SMAE 2025 ?

Dr Amadou Roufaï Ali : Dans le cadre de l’éducation en situations d’urgence, nous avons animé une conférence régionale à Zinder (Niger) à l’endroit des acteurs de l’éducation et des élus locaux sur l’éducation en situations de conflits.
En 2021, nous avons publié un article scientifique intitulé : « L’éducation face à l’insécurité dans les pays de la zone des trois frontières, nécessité d’une réponse collective ». Dans ce papier, nous avons essayé d’analyser l’impact de l’insécurité au Burkina Faso, au Mali et au Niger, en mettant l’accent sur le secteur éducatif, puis nous avons proposé des pistes pour une riposte efficace et un système éducatif plus résilient. Depuis 2022, je participe à un projet de recherche intitulé : « L’école nigérienne à l’épreuve des crises : penser des pistes et stratégies pour un système éducatif résilient et durable ». Dans ce projet, notre équipe pluridisciplinaire essaie d’appréhender globalement l’impact des crises sur le système éducatif. De façon plus spécifique, les réflexions visent à réaliser un diagnostic du système éducatif nigérien, ses limites et sa vulnérabilité face aux phénomènes de crises et catastrophes naturelles. Elle vise à identifier les causes des crises, leurs effets sur l’école nigérienne, à suggérer des pistes de solution afin de bâtir un système éducatif résilient. Les réflexions ont pour objectifs aussi de concevoir des outils de prise en charge socio-psychologique des victimes, d’élaborer des modules d’éducation et de formation à la citoyenneté à l’usage des enseignants des zones d’insécurité et de former les acteurs à l’utilisation des modules de formation à la citoyenneté.
Depuis le début de l’année 2025, à la demande du responsable du service éducation au bureau de la Coopération Suisse à Niamey, nous participons aux activités du ‘‘Cluster Education du Niger’’ par rapport à l’éducation en situations d’urgence.
Nous continuons, dans le cadre de nos activités académiques, non seulement à travailler avec des étudiants (conseillers pédagogiques et inspecteurs en formation) ayant choisi de réaliser leurs mémoires de fin d’études sur l’éducation en situations d’urgence, mais aussi et surtout à nourrir les réflexions sur la question en vue de mieux apporter notre contribution à la connaissance et à la prise en charge du phénomène.

Pensez-vous que l’éducation dans les situations d’urgence soit une priorité pour les dirigeants africains ?

Il est très difficile de cerner très exactement l’attitude des dirigeants africains par rapport à l’intérêt qu’ils portent à l’éducation en situations d’urgence. Cependant, il est possible pour nous de nous prononcer sur le cas spécifique du Niger que nous connaissons bien.
Au Niger, il y a une volonté manifeste d’assurer l’éducation en situations d’urgence dans les zones affectées par les conflits. En effet, le pays s’est doté d’une stratégie nationale de réduction de la vulnérabilité du système éducatif. Cette stratégie et les autres documents de support servent en tant qu’outils normatifs pour les acteurs du secteur, de sensibilisation et de plaidoyer pour une forte mobilisation des ressources. Elle permet de mieux planifier et orienter les réponses pour satisfaire les besoins en éducation des enfants les plus défavorisés afin de donner suite à la crise en cours.

A votre avis, que faut-il faire pour favoriser la résilience des systèmes éducatifs en Afrique ?

La résilience d’un système éducatif dépend de sa capacité à s’adapter au contexte de la crise qui l’affecte tout en garantissant un accès équitable et continu à l’éducation. Cela exige des approches innovantes, une forte implication communautaire, et des partenariats solides à tous les niveaux. On peut, entre autres stratégies, retenir : le développement de l’enseignement à distance et numérique (avec par exemple l’utilisation des technologies mobiles et de la radio, la création des contenus éducatifs multilingues et adaptés, la mise à disposition des kits numériques …) ; le renforcement des écoles communautaires et alternatives (implantation d’écoles mobiles et alternatives, formation des enseignants communautaires, appui aux écoles coraniques restructurées pour le cas du Niger…). Il faut noter comme stratégies le renforcement de la sécurité autour des zones scolaires (collaboration avec les autorités locales et les communautés, circonscription des zones protégées pour l’éducation…), la décentralisation et la flexibilité administrative (digitalisation de l’administration scolaire, formation à la gestion en situation d’urgence…). D’autres stratégies sont moins négligeables. Il s’agit du soutien psycho-social (prise en charge des apprenants et enseignants traumatisés, sensibilisation et formation des communautés…), des partenariats avec les ONG locales et internationales (collaborer avec l’UNICEF, le PAM, le HCR, l’UNESCO…) sur des programmes d’éducation en situations d’urgence, de la mobilisation des financements nationaux et internationaux pour soutenir des solutions locales et durables).

Quelle peut être la contribution de l’éducation dans la prévention des crises, des conflits et des catastrophes naturelles ?

L’école peut contribuer dans la prévention des crises, des conflits et des catastrophes naturelles de plusieurs façons. Il est question, notamment du renforcement de la cohésion sociale et de la paix (par le truchement d’un programme d’éducation à la paix, la promotion du dialogue interculturel…) ; de la prévention de l’extrémisme violent (sensibilisation, le développement de l’esprit critique, la lutte contre la marginalisation) ; du renforcement des capacités à faire face aux catastrophes naturelles (éducation, sensibilisation et formation à la gestion des risques et aux comportements de survie, éducation environnementale). Il y a également la réduction des inégalités sociales et autres disparités (promotion de l’égalité des chances, autonomisation des jeunes et des femmes, …) et la création d’une culture de prévention et de résilience (transmission intergénérationnelle du savoir local, développement de compétences utiles en cas de crise).

Que pensez-vous de la Semaine Mondiale d’Action pour l’Education ?

En quoi permet-elle de faire avancer les politiques éducatives dans le monde ?

La SMAE est une bonne chose. La célébration de la SMAE traduit une prise de conscience collective de la nécessité de continuer à garantir l’éducation même en situations de crise pour que la fourniture du service éducatif ne soit pas interrompue. C’est une question non seulement de devoir pour les Etats, mais aussi de droit et d’équité pour les enfants afin qu’ils puissent s’autonomiser et participer pleinement à la vie de leurs communautés et au développement de leurs pays.

Quel est votre mot de la fin ?

L’éducation en situations d’urgence est plus qu’une nécessité aujourd’hui. Elle est un impératif au regard de la multiplication des catastrophes naturelles qui plongent l’humanité dans une situation d’inconfort souvent extrême. C’est le seul moyen d’assurer la continuité de l’école en cas de catastrophes naturelles afin de permettre aux jeunes vivant dans des régions affectées par des crises et catastrophes (sécuritaires, environnementales, climatiques, sanitaires) de continuer à jouir de leur droit à l’éducation afin qu’ils puissent, au même titre que ceux vivant dans les régions épargnées, se doter de connaissances et compétences nécessaires à leur autonomisation et à leur pleine participation à la vie économique, sociale, politique et culturelle de leur pays.

Lire aussi  Charles Maximin Codjia, sur la transformation des référentiels en blocs de compétence : « Nous avons élaboré les différents référentiels »

Propos recueillis par Ulrich Vital AHOTONDJI

Culture de la Paix à l’Université de Parakou : Plus de 200 étudiants formés
Prev Post Culture de la Paix à l’Université de Parakou : Plus de 200 étudiants formés
EPS aux examens : Nécessité de prioriser cette discipline
Next Post EPS aux examens : Nécessité de prioriser cette discipline

Laissez un commenntaire :

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

error: Vous n'avez pas le droit de copier ce contenu !