Educ’Action : Les enfants dit ‘‘sorciers’’, c’est-à-dire ceux qui naissent en sortant les pieds d’abord, avec 7 doigts, des nains… existent sous nos cieux. Comment peut-on comprendre ces naissances sous nos tropiques ?
Dr Florent Eustache Hessou : La sorcellerie est une construction sociale, c’est-à-dire que ce sont les sociétés qui créent leurs sorciers. Chaque société crée ses sorciers. Dans certaines sociétés, par exemple, on peut dire que les femmes qui sont âgées, qui n’ont pas de maris et d’enfants et qui sont pauvres sont taxées de sorcières. Dans d’autres sociétés, on dira peut-être que les hommes qui n’ont pas fait d’enfants, n’ont pas de femmes sont également taxés de sorciers. Lorsque vous avez un certain âge et que vous avez les yeux rouges et que vous perdez la mémoire, on vous traite de sorciers etc. Donc ces enfants dits ‘‘sorciers’’, ce sont des constructions sociales, c’est-à-dire que c’est la société qui a décidé d’appeler ces enfants ‘‘sorciers’’ sur des bases peut être sociales, peut-être absurdes voire fausses mais c’est la société qui a dit que si un enfant sort par le siège, il est sorcier. Si un enfant a 7 doigts, il est sorcier, si un enfant est « Agossou », il est sorcier et c’est surtout dans les zones Bariba, Baatombou du Nord-Bénin que c’est strict. En tant que chercheur, ça n’a pas de sens. Je trouve que c’est absolument faux. Je trouve que ce sont des sociétés à l’état de sauvagerie pure. C’est la société qui a créé ses normes pour éliminer les enfants qui sont nés par des malformations tout simplement parce qu’en Europe, les enfants naissent par ces malformations, on leur coupe le 6e doigt, on arrange un peu ce qui fait le problème. Dans ce cas, ces enfants entrent en ligne de compte et réussissent.
Par quels moyens peut-on reconnaître cette catégorie d’enfants ?
Non. C’est dire que les sociétés ont déjà décidé de quel enfant peut-on appeler sorcier. Par exemple, en Europe, il y a des frères siamois. On les laisse, on les entretient et ils grandissent ou ils sont opérés si c’est possible. En Afrique, on les aurait traités de sorciers ou tué. Il y a des enfants qui naissent au lieu de sortir par la tête, ils sortent par siège. Dans d’autres sociétés, ils sont appelés Agossou et sont entretenus et ils évoluent. Mais dans certaines coutumes du Nord par exemple, ils sont tués parce qu’on les appelle ‘‘ enfants sorciers’’. Il y a d’autres qui naissent avec des doigts ou avec malformation ou dès que l’enfant naît et que la mère décède, on tue l’enfant. Donc on trouve des prétextes, des arguments pour éliminer les enfants. Je trouve que c’est totalement irrecevable. Je ne suis pas solidaire de ça.
Ces enfants ont-ils un côté mystique ? Si oui, prière nous éclairer la lanterner.
Nous avons tous des côtés mystiques. Chaque enfant qui naît, a un côté mystique. Je continue de croire que ces enfants, selon moi, n’ont rien de particulier. C’est plutôt la société qui leur attribue des choses et les condamne. Ils n’ont rien de particulier, ils sont comme des enfants normaux et ont leur crée ces problèmes pour les éliminer parce qu’ils ne sont pas nés avec les mêmes choses que les enfants ordinaires.
Ces enfants sont souvent victimes de discrimination, de maltraitance. Pensez-vous que c’est une bonne chose ?
Ce sont des comportements de société attardée, de société primitive, de société sans reconnaissance des droits de l’homme. Bref, chaque société a son style de vie. C’est sur cette base que nos sociétés ont vécu. Avant, on ne sifflait pas la nuit, on ne fait pas certaines choses sous la douche. Mais aujourd’hui, les temps ont changé et ces données sociales ne sont plus de mises. Donc, toutes ces sociétés sont en train d’être rééditées pour revoir leur base sociale.
Y-a-t-il des revers quand on fait du mal à cette catégorie d’enfants ?
Quand on fait du mal à n’importe quel être humain, il y a des revers. Ce sont les lois de la nature. Donc, je crois que quand on fait du mal à ces enfants, il y a toujours des revers.
Quel doit être le rôle des parents dans le cas d’espèce ?
Les parents doivent accepter ces enfants comme ils ont accepté les autres enfants dits ‘‘normaux’’ et s’occuper d’eux au lieu de leur donner un destin mauvais comme ils l’ont fait.
Que dire pour conclure l’entretien ?
Il faut dire que la sorcellerie est une construction sociale. La sorcellerie n’existe pas ; ce sont les sociétés qui créent des normes et des valeurs et lorsqu’un individu ne rentre pas dedans, on le sanctionne. Sinon tout est relatif ; la culture est relative. La preuve est que chez les fons ou en Europe, quand un enfant a ses problèmes, on ne les tue pas.
Propos recueillis par Enock GUIDJIME