Dr Rosalie Aïhounzonon Kpadonou, à propos des conséquences des violences sur l’apprenant : « Nombreux sont ces enfants qui sont déprimés dans nos écoles mais qui passent inaperçus »

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Les violences, qu’on le veuille ou non, existent et sont parfois récurrentes dans certaines familles. Malheureusement, elles ne sont pas sans conséquences sur l’enfant qui les subit ou qui en est témoin. De la dégradation de son niveau scolaire, un enfant peut voir sa personnalité, in fine, détruite si rien n’est fait. A travers cette interview, la psychologue clinicienne et psychothérapeute, Dr Rosalie Aïhounzonon Kpadonou revient sur ces conséquences et les mesures à prendre pour épargner les enfants (apprenants).

Educ’Action : Quelles sont les diverses sortes de violences qu’on peut observer au sein d’une famille ?

Dr Rosalie Aïhounzonon : Plusieurs formes de violences existent. D’abord : les violences conjugales, les violences sur les enfants, les violences financières, les violences physiques, psychologiques, les violences sexuelles. La négligence est également considérée comme une violence pour ne citer que celles-là.

Qu’est-ce qui cause ces violences au sein des familles ?

La méconnaissance de soi et de l’autre représente la première cause des violences au sein des familles. A cela, s’ajoute la non- maîtrise des fondamentaux de la relation à deux, c’est-à-dire de la relation conjugale et de la relation familiale. L’institution d’une famille devrait normalement s’appuyer sur l’amour et la maîtrise des lois, des normes qui régissent cette vie familiale. Mais force est de constater que, les gens se mettent souvent ensemble sans ces fondamentaux. Un autre point capital est l’amour. Il est aisé de prononcer « je t’aime », sans la maîtrise du sens réel de ce qu’est l’amour. En absence des connaissances basiques de la gestion des relations familiales, de la responsabilité individuelle et commune en tant que membre d’une famille, la survenue des violences plus tard ne serait pas étonnante.

Quelles sont les répercussions que cela pourrait avoir sur un enfant qui vit au sein d’une famille à violences ?

Le mode de fonctionnement d’un enfant est le reflet de son vécu familial. L’enfant se construit au sein de sa famille. La famille est l’espace de construction de la personnalité à travers les différentes étapes de croissance de l’enfant. La famille représente son premier miroir sur le plan social.
Donc, de ces éléments, se dégage d’abord le processus de construction de soi, sa personnalité, son mode de penser, l’expression de ses émotions, son comportement….
L’enfant exposé de façon continue à de telles violences, ne peut que les imiter d’abord de façon naturelle car l’apprentissage de l’enfant se fait par mimétisme.
Sur le plan purement psychologique, les conséquences sont énormes. Evoquons d’abord la perturbation des relations dyadiques, des relations triangulaires, la mauvaise construction de soi et connaissance de soi qui peuvent engendrer un problème d’estime de soi, d’affirmation de soi avec ses corollaires comme la timidité où l’enfant ne pourra pas s’exprimer et s’épanouir. Les problèmes de stress, d’angoisse, de l’attachement, de fugue, voire de dépression peuvent se révéler. Souvent, ces enfants développent une sorte d’attachement insécure où ils ne se sentent pas en sécurité. Et cela a de nombreuses conséquences à chaque étape de son existence. Ces dernières se reflètent dans son comportement, dans son mode de fonctionnement et d’actions, gage de sa réussite.

Cela peut-il impacter négativement son cursus scolaire ?

Evidemment ! Tout ceci est déterminant pour son cursus scolaire. Lorsque l’enfant fréquente l’école le système de cohésion doit se développer et s’adapter à chaque niveau de sa connaissance. Mais souvent l’organe psychique en face de ces violences, est perturbé et n’évolue pas de façon harmonieuse pour faciliter le processus d’apprentissage. Des troubles affectifs pourraient s’observer. Mais en dehors de cela, l’enfant dans le milieu de formation, a de la peine à intégrer des informations. Les symptômes post traumatiques font qu’il expérimente de la reviviscence, c’est-à-dire que, même dans d’autres circonstances, l’enfant revit la scène de tout ce qui se passe à la maison. Sa conscience est tellement perturbée par ces négativités que même présent physiquement enclasse, sur le plan psychologique, il y est absent. Il serait en train de revivre simplement la scène, d’entendre tout ce qui a été dit à la maison.
Plus tard, se révèlent comme conséquences, des difficultés relationnelles. Des fois, l’enfant devient réfractaire au mariage, à la vie de couple, surtout la fille. Souvent la raison profonde de cette décision lui échappe. Mais cette opposition est simplement en corrélation avec toutes ces violences dont elle a été témoin. Cette transposition est sporadique chez le garçon au niveau duquel elle est transmuée en d’autres formes de violences et de déviances sociales. La reproduction de la scène de violence en est également l’une des conséquences. C’est-à-dire qu’en acceptant d’entrer dans le mariage, certaines personnes reproduisent intégralement cette violence qui ne sont pas sans conséquences sur leur progéniture, créant ainsi un cercle vicieux.

Au regard de ces répercussions, comment alors récupérer un enfant victime ou témoin de ces violences ?

Par l’accompagnement, la prise en charge psychologique qui permettent d’aider ces enfants. L’intérêt est de les amener d’abord à rompre avec cette chaîne, à intégrer d’autres données et à se reconstruire. Mais souvent, l’intervention dans les cellules familiales par les psychothérapies systémiques pour la résolution des problèmes à fond est salvatrice. Sinon, l’enfant abandonné à son sort risque d’avoir davantage de difficultés. Nous avons des outils et des techniques pour y parvenir.

Comment l’enseignant peut-il détecter un enfant victime ou témoin de violence parmi tant d’autres ?

Ces enfants font recours à plusieurs modes d’expressions, dont le repli sur soi : il ne veut pas rester avec les camarades, il préfère rester dans son coin et ruminer son vécu. Il est triste, timide, il a de la peine à s’intégrer et à communiquer avec les autres. Ce sont des jeunes gens qui ont des problèmes de régression sur le plan des études. Un enfant qui avait l’habitude de briller spontanément, oppose de résistance pour les études, son rendement scolaire chute. D’un autre côté, les enfants deviennent agités, turbulents, agressifs, rebelles. Ils ne veulent plus rien comprendre, ils réagissent contre tout, contre les enseignants mêmes, ils provoquent les autres, il a envie de se bagarrer, de se décharger. Normalement ces éléments doivent mettre la puce à l’oreille de l’enseignant. Parfois même, des conséquences directes tels les troubles mentaux s’observent. Nombreux sont ces enfants qui sont déprimés dans les écoles mais qui passent inaperçus et difficiles à comprendre.

A votre avis, que peuvent faire les autorités à divers niveaux pour aider ces enfants qui sont déprimés ?

Le travail doit commencer par les encadreurs afin qu’ils puissent identifier les enfants qui sont dans cette difficulté afinqu’ils soient aidés. Deuxièmement, je crois qu’en même temps, une action est à mener directement envers les enfants, les parents et la communauté à la base.Les informer pour que dès qu’ils sont en difficultés, ils puissent solliciter d’aide pour être écoutés et accompagnés. Des stratégies d’identification de quelques éléments de leur communauté, des élèves des établissements par des formation faciliterait l’identification de ces difficultés. De cette manière, tout changement de comportement serait aisément repéré et orienté. L’autre chose qui est très importante est l’intervention des psychologues spécialistes de l’éducation au niveau de chaque établissement, de même que des actions continues des psychologues clinicien(ne)s au sein des cellules familiales.

Que dire pour conclure cet entretien ?

Un point me tient à cœur, la répercussion directe de ces violences sur les tout-petits dans la construction de la relation mère-enfant, appelée la relation dyadique. Parfois l’enfant subit déjà les conséquences de ces violences avant même sa naissance. Mais c’est quand l’enfant grandit avec des troubles de comportements, que les gens se mettent à le bastonner croyant que ces réactions sont préméditées alors que son comportement est conditionné par le processus de son accueil au sein de la famille. De la même manière que se prépare l’accueil physique de l’enfant au sein de la famille, une attention particulière est à porter sur la préparation du berceau psychique pour l’accueil de chaque enfant. Sinon des violences subies par la femme enceinte, impactent négativement l’enfant avec des troubles émotionnels et leurs conséquences. Je dirai pour finir qu’il est nécessaire de faire un travail à titre préventif et curatif. Une éducation pour un changement de comportement à l’endroit de la population s’avère indispensable pour l’amener à comprendre le sujet et identifier ces familles qui sont en difficultés et leur apporter l’accompagnement nécessaire. Ce faisant, la prévention de la reproduction de ce schéma au sein de la société serait assurée.

Propos recueillis par Estelle DJIGRI

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