S’il y a une thématique qui suscite d’emblée notre adhésion, c’est celle de la prise en charge des enfants. Cela est d’autant plus fort dans nos contrées africaines où l’enfant est considéré comme la première richesse ou tout simplement le trésor des trésors qu’on se garde même de dénombrer et qu’on multiplie à souhait ; le nombre étant un indicateur de prospérité et de bonheur.
Ah nos enfants ; nos chers enfants ! On comprend d’ailleurs l’intérêt, le sens et la nécessité de la journée de l’enfant africain, c’est-à-dire une journée consacrée à rappeler à toutes et à tous que nous devions porter plus d’attention à ces êtres chers. En même temps, ne le faisons-nous pas déjà, nous africains qui aimons, généralement, tant les enfants ? N’est-ce pas la seule journée inutile dans le sens où ce dont il s’agit va de soi ? En fait, il est bon de commémorer ce qui nous est cher comme nous le faisons avec enthousiasme pour nos mamans et pas assez pour les pères (je me demande d’ailleurs pourquoi, mais ceci est une autre histoire !).
Nous devons aussi rappeler ici, que l’amour tout simplement ne suffit pas, même s’il s’y ajoute cette évidente reconnaissance et acceptation qui se contente de s’affirmer, mais de manière quasi passive, sans aucune attention pour promouvoir, magnifier et polir l’objet de son amour : or c’est cette prise en charge qui constitue les droits des enfants. Ainsi, pour exemple, à une question sur ces droits que j’ai eu à poser à une personnalité à la fois intellectuelle et ancrée dans son terroir du nord, son attitude et sa réponse m’ont surpris : Il était très étonné, ne me répondit pas tout de suite et enfin, me dit avec un sourire à la fois perplexe et évident : Mais les enfants ; on s’en occupe ! Et pourtant, je me trouvais dans une région à faible taux de scolarité, avec une importante mortalité infantile sans compter des pesanteurs socio-culturels qui ont pour nom mariages précoces, travail des enfants, etc.
En même temps, la longue liste des œuvres et activités menées par la structure ministérielle en charge des affaires sociales et les réseaux d’ONG comme le ReSPESD (Réseau des Structures de Protection des Enfants en Situation Difficile) témoigne du souci porté à ces êtres qui nous sont chers. Malgré tout, il reste beaucoup à faire et souvent, on a l’impression que le problème est immense. Mais alors où se situe le hic ? En réalité, nous n’avons pas la même approche de la gestion des enfants qu’en Occident :
avec une vision pyramidale en Afrique, l’enfant, au départ, n’est rien ;
il devient à travers la prise en charge d’une société où il est et initié et façonné pour devenir un tout harmonieux en accord avec son milieu. On ne forme pas un individu, mais un homme i.e. un être socialisé. En Occident, c’est le contraire ! Dès le départ, l’enfant est tout et on cherche à le servir plutôt qu’il serve les parents ou les aînés. De plus en plus, il devient le maître qu’on ne doit surtout pas toucher, punir voire oser dire un mot de travers. A contrario, dans les traditions africaines, il acquiert une approche empirique de ce qui l’entoure : travauxl des champs, divers métiers comme la forge, le tissage ; comment tenir une maison pour les filles ; les ferments du non-droit selon l’Occident !
Face à ce tableau différent, on retrouve la mondialisation avec ses cortèges de malheurs et de bonheurs : monétisation, urbanisation qui déstructurent le tissu social etc. Or, on voudrait à la fois appréhender et éduquer les enfants avec les mêmes regards et approches. Ainsi, on se trouve dans une dialectique où pendant que l’Occident prône les droits à l’éducation, à la santé et à la protection sociale ; nos traditions se contentent de soutenir, vaille que vaille, le seul droit qui leur est essentiel :
le droit à la survie !
Dans un quartier de Cotonou, je regarde une scène qui m’interpelle : un enfant de huit (08) ans qui maniait habilement la truelle et élevait des briques tandis que ses congénères du quartier, revenu de l’école, jouaient au football. De temps en temps, ces yeux d’enfants se surprennent à errer sur les passes et les feintes de ceux de son âge. Alors, il s’arrête et regarde mais se reprend et continue son travail. Soudain, la balle vint vers lui. Alors, il lâcha sa truelle et les yeux brillants, intercepta le cuir rond et frappa fort et maladroitement. Son visage d’enfant transparu et tout heureux, il revint à son travail et maintenant tourna le dos au spectacle futile pour œuvrer avec compétence sur la montée d’un mur utile. Qui a tort ou raison ? Une société qui donne tôt une compétence à un enfant qui n’a pas pu s’amuser assez ou celle qui a pour seule ambition d’amuser les enfants en attendant qu’ils finissent une scolarité qui les mène lentement et sûrement vers le chômage. Le problème est sûrement multiples et multiforme mais une chose est sûre : en prônant la même vision sur la prise en charge des enfants, nous ne sommes prêts à résoudre l’essentiel. Vivre ou plutôt survivre !
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe