En cette année où les faibles taux de réussite aux divers examens nationaux font couler beaucoup d’encre et de salive, une Approche autre que l’Approche par Compétences (APC) en vigueur au Bénin, semble porteuse de résultats satisfaisants. Pour évaluer l’impact de son introduction dans leurs pédagogies d’enseignement, certains des enseignants qui l’ont pratiquée, expérimentée et adoptée, se proposent de se retrouver au sein d’un creuset à l’Ecole Normale des Instituteurs ENI Dogbo pour échanger sur la fameuse ‘’Approche Freinet’’. Réunis du 18 au 27 juillet 2016 pour la ‘’Rencontre Internationale des Educateurs Freinet RIDEF BENIN 2016’’, ils se sont proposés d’appréhender les tenants et aboutissants de cette nouvelle Approche pour une meilleure exploitation. C’est donc pour mieux comprendre le contenu et découvrir les spécificités qu’offre cette Approche dite Freinet à l’opposé de l’APC d’une part, et apprécier et évaluer les résultats fraîchement issus de sa mise en œuvre, qu’une équipe de la rédaction du journal Educ’Action est descendue sur le terrain pour surprendre en pleins travaux, les initiateurs en plein conclave. Avec Edouard Dohou, Président du comité d’organisation de la ‘’Rencontre Internationale des Educateurs Freinet RIDEF BENIN 2016’’, allons à la découverte de l’Approche Freinet !
Educ’Action : De quoi s’agit-il réellement parlant de ‘’Rencontre Internationale des Educateurs Freinet RIDEF BENIN 2016’’?
Edouard Dohou : C’est une rencontre qui se tient tous les deux ans dans les pays membres de la fédération internationale des mouvements de l’école moderne. C’est donc une rencontre qui réunit tous les enseignants, sommités de l’éducation de la maternelle jusqu’au supérieur en provenance des pays affiliés à cette fédération, qui se retrouvent pour échanger sur leurs pratiques de classe, en vue d’une amélioration de celles-ci afin que les apprenants soient au centre de l’acquisition du savoir.
Qu’est-ce qui fait la particularité de l’éducation selon l’Approche de Freinet ?
L’éducation selon l’Approche de Freinet, c’est des techniques que nous utilisons afin de rendre libre l’enfant, qu’il soit réellement l’auteur de son savoir, qu’il puisse faire des recherches, qu’il connaisse ses droits, qu’il soit vraiment libre dans ses expressions et dans ses recherches afin de pouvoir construire son savoir.
Qu’est-ce qui fait la différence entre cette Approche et l’APC déjà en vigueur au Bénin ?
L’Approche en vigueur au Bénin parle des compétences mais l’Approche Freinet rend effectivement libre l’enfant. Ici, on accorde une meilleure écoute à l’enfant qui est libre de faire des apports. On lui dit ce qu’on veut de lui et il fait des recherches pour y parvenir. La différence avec l’APC, c’est une grande liberté que la pédagogie institutionnelle n’accorde pas à l’enfant puisqu’il y a un programme qui est là et que le souci de tout terminer ne permet pas à l’enfant d’aller à son rythme. C’est vrai aussi que l’approche de Freinet s’arrange pour terminer ce qui est prévu, mais libre cours est laissé à l’enfant afin qu’il fasse des recherches pour y aller à sa vitesse. Avec l’Approche Freinet, l’enseignant devient un animateur qui apporte ce qui manque à l’enfant et l’aide à mettre les choses en harmonie.
Est-ce que cette approche est en pratique dans des écoles au Bénin ?
L’Approche est en pratique dans quelques écoles béninoises précisément dans certaines écoles de Lokossa, à Porto-Novo, Cotonou et dans le département de l’Atacora. Dans les écoles où cette approche est en pratique, les autorités comprennent que les enfants réussissent massivement. Nous avons souvent de bons résultats dans ces écoles et c’est pourquoi elles ont autorisé la tenue de la ‘’Rencontre Internationale des Educateurs Freinet RIDEF BENIN 2016’’ à l’Ecole Normale des Instituteurs ENI Dogbo. Elles souhaitent que cette Approche atteigne plusieurs écoles sur le territoire national.
Quelle collaboration avez-vous avec les autorités en charge de l’éducation au Bénin ?
Comme collaboration, nous pouvons parler des apports des inspecteurs dans les circonscriptions scolaires. Ces inspecteurs font des visites dans ces écoles qui pratiquent cette approche afin de mieux apprécier son impact sur les rendements scolaires des enfants. De nos autorités, nous avons obtenu une reconnaissance ou une autorisation du ministère des Enseignements maternel et primaire pour pouvoir se rendre dans des classes, pour étendre l’enseignement par cette Approche pédagogique à tous. Nous avons une reconnaissance officielle des autorités qui nous suivent. Actuellement nous travaillons avec le conseiller technique aux affaires pédagogiques du ministère des Enseignements maternel et primaire. Je dirai que les actions que nous menons sont connues des autorités académiques. Au-delà de ça, il n’y a pas un apport financier de leur part. C’est par nos cotisations personnelles que nous essayons de faire progresser l’initiative pour le moment.
Comment se fait la sélection des participants à cette rencontre ?
D’abord, il faut dire que l’adhésion à cette association de pédagogues Freinet est libre. C’est donc ceux-là qui ont le souci de voir leurs enfants réussir, qui veulent prendre des initiatives et enseigner autrement, qui adhèrent à ce mouvement.Ceux qui prennent part à cette rencontre, sont déjà impliqués dans cette Approche. Pour ce qui concerne les participants béninois, ils ont payé 26.000 FCFA. Je dois aussi signaler que nous sommes accompagnés par des partenaires financiers de l’Europe, de l’Asie, de l’Amérique. C’est grâce à eux, que nous avons fait venir des participants venus des autres pays africains à savoir : le Maroc, le Sénégal, le Togo, le Cameroun, la Côte d’Ivoire pour ne citer que ceux-là. Il y a aussi certains qui ne sont pas dans l’Approche, mais que nous avons invités, afin qu’ils puissent voir ce qui s’y passe et puissent l’introduire dans leurs classes. Au total, nous avons 200 participants venus de 23 pays du monde.
Propos recueillis par Jonas BOTCHI/Mono-Couffo