Depuis l’enfance, l’on apprend à exercer diverses activités pour notre épanouissement. Plus tard, ses activités deviennent une profession exercée pour subvenir à nos besoins. De plus en plus, les jeunes sont accusés d’être des paresseux, qui ont l’amour du gain facile. Il se pose alors la question de savoir comment inculquer l’amour du travail à l’enfant plus tôt. C’est ce à quoi répondent les spécialistes de l’éducation formelle et non formelle que nous avons interrogés. Reportage !
Léopold Worou est menuisier. Ce métier, c’est lui-même qui l’a choisi contre l’avis de sa mère. Ce qui le passionnait, c’est le tour que font les machines qui donnent corps et forme au bois. Il en est fier. La main à la patte, il manipule rabot et scie avec maestria. Ayant intégré le métier en 1996, il a suivi une formation de quatre années soldée par un diplôme officiellement reconnu en l’an 2000. Aujourd’hui, il est patron menuisier dans un grand atelier situé derrière le Complexe Secondaire Catholique Sainte Thérèse d’Abomey-Calavi. Des apprentis, il en a eu de toutes les couleurs et son constat est sans ambages. « Les jeunes n’aiment pas le travail. Ils sont obsédés par le gain facile. Quand ils voient une possession de quelqu’un, ils deviennent envieux. Ils se disent qu’ils doivent l’avoir coûte que coûte dans un laps de temps », soutient déçu le jeune patron. Comme lui, ils sont nombreux ces Béninois d’un certain âge à estimer que la jeune génération n’a pas l’entrain au travail. Puisque l’enfance annonce la jeunesse, alors que pensent les enfants de ce qu’est le travail ?
Le travail chez l’enfant
Nous sommes au Complexe Scolaire Lica dans la commune d’Abomey-Calavi en cette matinée du 21 avril 2021. C’est la recréation et les enfants s’adonnent à leurs divers jeux. Dans la cour, Ange Lézin Ogan, directeur du cours maternelle et primaire du complexe, observe d’un œil prudent les actions des uns et des autres. Selon lui, le travail de l’enfant commence d’abord par le respect de ses devoirs. Autant l’enfant a des droits, autant il a des devoirs, martèle l’enseignant. Pour lui, « le travail de l’enfant se fait d’abord à travers tout ce qu’on lui demande d’accomplir quotidiennement en classe mais d’abord à la maison dans les travaux domestiques ».
Sur l’observation du responsable d’école, le reporter de Educ’Action tend son micro aux apprenants, notamment ceux de la classe de CM2 pour qu’ils disent ce qu’ils pensent du travail. Pour Héroce, le travail c’est ce que l’homme fait pour être libre demain, pour se nourrir. Pour illustrer ce qu’elle fait comme travail à la maison, elle évoque les travaux domestiques comme la vaisselle, la lessive, le nettoyage et la cuisine. A sa suite, Angélic soutient que le travail permet de développer plus son pays, de se nourrir et de supporter ses charges. Comme son amie, elle s’adonne aux tâches ménagères et aide sa mère à la cuisine. Dans son quartier, elle voit des gens qui ne font pas bien leur travail, ce qu’elle ne conseille pas du tout à ses amis en classe. Du haut de ses dix bougies révolues, Lysias, lui, aime le travail et ne s’en cache pas. « J’aime bien le travail car il libère l’homme », affirme-t-il. Comme ses amies, il est lui aussi, abonné aux tâches ménagères à la maison. La preuve, c’est avec joie qu’il explique dans les détails, les étapes à suivre pour cuisiner du riz. Les trois enfants invitent leurs amis à être fidèles au travail et à aimer travailler pour avoir de bons résultats en classe tout en aidant leurs parents à la maison.
Insuffler le goût du travail à l’enfant
Sur ce point, le responsable d’école s’est voulu pédagogique. A l’en croire, il faut d’abord insister sur l’ordre dans tout ce que fait l’enfant, mettre de la rigueur dans l’accomplissement de ses devoirs quotidiens. « Dès que l’enfant se lève le matin, il doit savoir qu’il doit saluer ses parents, faire sa toilette, manger et faire quelques travaux domestiques, c’est-à-dire aider les parents dans les travaux domestiques et après apprendre ses leçons. Arrivé à l’école, il doit avoir déjà fait ses devoirs de maison et le maître vient vérifier tout cela. Les parents doivent aussi accompagner leur enfant dans les travaux quotidiens à la maison ». Spécialiste des Sciences de l’éducation, Dr Bilikis Talibou abonde dans le même sens. « Dès son jeune âge, il faut l’impliquer dans les travaux de maison. Déjà à l’école maternelle, les enfants apprennent à faire le rangement des objets de coin de vie (coin marchand, poupée, coiffure…). Chaque matin, on leur apprend la notion de propreté car ils apprennent à essuyer leurs chaises, tables », annonce la spécialiste comme méthode à adopter pour insuffler progressivement le goût de l’effort à l’enfant.
Puisque tout se joue avant six ans, comme le montre les sciences de l’éducation, la spécialiste renseigne que déjà à l’âge de trois (03) ans, les parents peuvent, avec leur accompagnement et sous le regard d’adultes, inciter les jeunes enfants à participer aux tâches de maison : ranger ses chaussures et jouets, ramasser ce qui traîne par terre, apporter ou déposer quelque chose. « Les parents amènent les enfants à faire ses activités avec eux tout en leur expliquant le bien-fondé : pourquoi faut-il ranger son lit, ses effets, ses jouets, etc ? Ils encouragent chaque petit effort de l’enfant ou de l’adolescent en limitant au maximum l’injonction qui bien souvent rebute. Il faut privilégier la communication », soutient Dr Bilikis Talibou. Poursuivant ses explications, elle dévoile toute l’importance de la motivation. La motivation, surtout celle intrinsèque doit être mise en avant et développée chez l’enfant. Il doit avoir envie de faire par lui-même pour la satisfaction morale qu’il éprouve, pour la joie qu’il ressent lorsque la tâche accomplie est bien faite. L’adulte ou le parent devra expliquer continuellement à l’enfant le bien fondé qu’il y a à savoir faire des choses par soi-même et qui relève de l’autonomie et de l’indépendance. C’est très tôt et au fur et à mesure que l’enfant grandit qu’on lui montre les avantages de l’autonomie, explique-t-elle.
Certains parents préfèrent donner des cadeaux pour motiver leurs enfants. A ce sujet, elle fait savoir que les cadeaux ne doivent pas être mis en avant. Lorsque l’enfant est dépendant des cadeaux pour réaliser une tâche, il ne fait plus la tâche pour lui-même, pour le bénéfice personnel qu’il en tire mais il le fait pour autrui et en l’absence du cadeau, l’enfant ne veut plus se gêner. Il est important de souligner que les adultes doivent aussi respecter leur promesse ou engagement », conclut la spécialiste des sciences de l’éducation. Force est de constater cependant qu’à l’adolescence, ces habitudes sont abandonnées. Nous y reviendrons.
Adjéi KPONON