Education en situations d’urgence : Encore du chemin pour le Bénin

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Assurer l’éducation dans les zones frappées par des cas de situations d’urgence n’est pas chose aisée. Pour y arriver, des dispositions doivent être prises sur bien des plans. L’une des communications contenues dans la revue du Symposium « Média-Education-Développement » éditée par Educ’Action, en parle.

«L’éducation est indispensable après la venue au monde de l’individu, afin de lui apprendre à vivre dans la société », disait Ki-Zerbo. Autrement, après la vie, l’éducation est la seconde chose la plus importante dont l’être humain a besoin pour une vie épanouie parmi ses semblables. L’éducation est alors perçue comme un droit fondamental. Sous nos cieux, elle est soutenue par un ensemble de documents juridiques internationaux ratifiés par le Bénin ainsi que des documents nationaux. Au nombre de ces documents, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, les Objectifs de Développement Durable, la Convention relative aux Droits de l’Enfant, la Constitution de la République du Bénin de 1990, pour ne citer que ceux-là.
Cependant, bien que l’éducation soit un droit pour chaque enfant, elle reste un idéal difficile à offrir dans la réalité, de l’analyse de docteur (Dr) Clarisse Napporn. Elle est maître de Conférences en Sciences de l’Education à l’Université d’Abomey-Calavi (UAC). Elle laisse entendre que l’éducation au lieu d’être une priorité, est bien trop souvent compromise, les conditions nécessaires à sa mise en œuvre n’étant pas toujours remplies. Dans le cadre du symposium, « Média-Education-Développement » organisé par le groupe Educ’Action lors de la célébration de ses noces d’Etain, le Dr Clarisse Napporn a consacré une communication sur ce qui pourrait empêcher tous les béninois de bénéficier de ce droit ultime. Intitulée : « Les déterminants de l’éducation en situation d’urgence pour les enfants : Une réflexion à partir des réalités du Bénin », cette communication a fait le point de ce qui pourrait constituer un blocage à l’éducation des enfants surtout dans les milieux frappés par des cas de situation d’urgence.

Que comprendre de déterminant de l’éducation ?

L’Unicef a déclaré en 2020 que : « Le Bénin dispose d’un cadre législatif assez complet en matière de droit à l’éducation. Le pays a ratifié la plupart des conventions et traités internationaux en la matière et a clairement identifié dans sa Constitution, le droit de tout citoyen Béninois, à une éducation de qualité. » Pour permettre à tous ses fils de bénéficier de ce droit, le Bénin a rendu obligatoire l’éducation pour tous. Cela se traduit par l’éducation de base qui va désormais jusqu’en classe de Terminale. Mieux, les frais de scolarité sont gratuits pour une catégorie d’apprenants, en l’occurrence les apprenants du primaire et les filles du premier cycle du secondaire.
Malgré toutes ces actions en faveur de l’éducation, force est de constater que plusieurs facteurs influencent le processus éducatif. Des recherches ont permis au Dr Napporn, de citer au rang de ces facteurs, l’environnement familial, l’accès à l’éducation et sa qualité, les facteurs socio-économiques, les facteurs individuels, les facteurs socioculturels ainsi que des politiques éducatives. Ainsi, les différentes régions du pays n’offrent pas à tous les enfants, les mêmes possibilités de scolarisation et d’éducation, en raison de leurs caractéristiques géographiques, économiques et socioculturelles. Le maître de Conférences laisse entendre au terme de ses recherches, qu’on distingue des zones où la transmission de l’éducation est plus difficile que dans certaines régions. La réalité telle que décrite paraît encore plus inquiétante dans les zones en situation d’urgence. Avant d’entrer dans le vif du sujet, le Dr Napporn a jugé utile d’apporter de plus amples explications sur les différents facteurs cités plus haut et qui influencent l’éducation. A l’en croire, les facteurs socio-économiques se rapportent au statut des parents sur les plans social et économique : le niveau de revenu familial, l’accès aux ressources économiques. Lesquels impactent significativement l’éducation des enfants. L’environnement familial a rapport, selon l’universitaire, au soutien parental, aux attentes familiales, au climat familial, au niveau d’éducation des parents et aux interactions parent-enfant. Elle précise que l’environnement joue un rôle crucial dans la réussite des enfants. La qualité de l’éducation est relative aux ressources et à la qualité des établissements scolaires tandis que l’accès à l’éducation concerne l’accès physique et financier à l’éducation. Les facteurs individuels concernent les aptitudes cognitives, les compétences sociales, les traits de personnalité, la motivation et l’engagement de l’apprenant dans son propre apprentissage. Les facteurs socioculturels font référence à la culture, aux normes sociales, aux croyances et aux valeurs. Ces derniers influent sur les attitudes envers l’éducation, les aspirations éducatives et les choix de carrière future des apprenants. Les politiques éducatives façonnent aussi le paysage éducatif et peuvent avoir un impact sur le rendement scolaire. Au nombre de celles-ci, le financement de l’éducation, les normes d’évaluation, les programmes de soutien scolaire et les politiques d’inclusion

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L’éducation, une offre difficile à assumer dans certaines régions

De l’explication des différents facteurs, il ressort que l’éducation a besoin de ressources humaines, matérielles, infrastructurelles et financières pour mieux profiter aux individus. Mais toutes ces conditions ne sont pas toujours réunies dans toutes les régions. Par conséquent, tous les enfants du pays n’ont pas toujours les mêmes possibilités d’accès à l’éducation. On comprend alors qu’offrir l’éducation aux enfants devient plus difficile et alarmant dans des situations d’urgences humanitaires qui sont, entre autres, les situations périodiques, imprévues ou ponctuelles. « Une situation d’urgence est un événement ou une série d’événements qui représentent une menace sérieuse pour la santé, la sûreté, la sécurité, le bien-être d’une communauté ou d’un groupe important de personnes en général sur une zone géographique importante. Les conflits armés, les épidémies, les catastrophes naturelles ou les crises économiques peuvent conduire à une situation d’urgence humanitaire », a expliqué un document de l’AUF publié en 2011. Les cas de situations d’urgence humanitaires auxquels le Bénin fait face, sont les inondations, la sécheresse, la famine, les déplacements de populations des pays voisins dus au terrorisme, les incursions de terroristes depuis 2019 dans le Nord du pays.
La Banque Mondiale dira alors le 25 mars 2024, que l’éducation dans un tel contexte, « est la fourniture d’une éducation de qualité qui satisfait les besoins des populations touchées par les urgences en matière de protection physique, de soutien psychosocial, de développement de connaissance et qui peut à la fois, sauver des vies et garantir la survie. » Autrement dit, l’éducation en situation d’urgence est la mise en place d’un ensemble d’activités conceptuelles permettant aux apprenants de continuer à s’instruire de manière structurée dans des moments de crise ou d’instabilité à long terme. Quand la situation se présente donc, il est important, selon, le Dr Clarisse Napporn, que des facteurs soient pris en compte.

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Dr Clarisse Napporn

Quelques impératifs à respecter en situation d’urgence au Bénin

Dans le cas de notre pays touché par certaines situations de crise, assurer l’éducation malgré tout devient un impératif qui doit cependant respecter des normes. Le Dr Clarisse Napporn va insister sur le fait que lors des présences de conflits armés et de catastrophes naturels, la sécurité et la stabilité des usagers de l’école apparaissent comme des facteurs importants qui doivent être promus en tout temps. En sa qualité de spécialiste des Sciences de l’éducation, elle renseigne que pendant les crises, les enfants sont plus exposés aux risques de recrutement par des groupes armés, de trafic, de violences sexuelles et autres formes d’exploitation. Pour cela, affirme-t-elle, la protection et la sécurité des enfants doivent être garanties quel que soit le contexte. De même, renseigne-t-elle, les dommages aux écoles, aux installations éducatives avec le manque d’infrastructures, entravent l’accès à l’éducation. C’est pourquoi il est important que les infrastructures soient entretenues et soient aux normes avec les commodités nécessaires. L’approvisionnement de fournitures scolaires peut être limité dans le contexte d’urgence et compromettre ainsi donc, l’apprentissage des élèves. Elle insiste également sur le fait qu’en cas de déplacements de populations, il est opportun de tenir compte de la langue et de la diversité culturelle. Enfin, elle précise que la disponibilité des ressources financières, matérielles et humaines nécessaires peut être limitée dans de tels contextes. Aussi, le genre et l’équité, sont-ils des facteurs importants à prendre en compte. Par ailleurs, signale-t-elle, l’éducation doit être accessible aux personnes handicapées. Car, ces dernières sont marginalisées en situation de crise et peuvent rencontrer des obstacles supplémentaires pour accéder à une éducation inclusive et de qualité. Elle préconise aussi une attention particulière au traumatisme et au bien-être psychosocial des apprenants et enseignants piégés dans de telles situations, etc.
On retient donc du développement de Dr Clarisse Napporn que la stabilité, la protection, le bien-être psychosocial, l’accès aux fournitures éducatives, la qualité des infrastructures éducatives, le genre et l’équité, les différences linguistiques et culturelles, les ressources financières, matérielles et humaines sont des conditions nécessaires à remplir pour assurer l’éducation quel que soit le contexte.

Des expériences de la gestion de situations d’urgence par le Bénin

En matière d’éducation en situations d’urgence, le Bénin a sa petite expérience, selon les informations fournies par l’experte en Sciences de l’éducation. A Agamè, il a été question de la gestion d’un complexe scolaire dans un camp de refugiés togolais. Cette expérience a duré 4 années à savoir de 2004-2005 à 2007-2008. Une recherche a été effectuée (Djissa, 2009, pp 67-68) sur la qualité des enseignements et apprentissage en cette période de crise dans ledit camp. De celle-ci, il ressort que : « à la lumière des normes pour l’éducation en situations d’urgence, il s’avère (fort heureusement d’ailleurs), que le camp d’Agamè a plutôt connu une école de qualité, du moins en ce qui concerne ses enseignements et apprentissages. Cependant, plusieurs imperfections ont été relevées. Il s’agit en l’occurrence de l’intégration partielle des compétences de vie courante d’une part, et d’autre part, la réponse insuffisante et quelque peu tardive aux besoins psychosociaux des élèves du camp. Au nombre des faiblesses de l’école du camp, on peut citer les difficultés rencontrées par les enseignants togolais à maîtriser le programme béninois dans la classe de CM2, le mobilier inadapté à l’organisation des travaux de groupe, ajoutées à l’absence de formation des enseignants sur les méthodes alternatives pouvant remplacer le châtiment corporel interdit à l’école du camp. En dernier lieu, la collaboration entre humanitaires et parents d’élèves n’a pas toujours été suffisamment pertinente. »
Un autre cas toujours vécu au Bénin, les inondations de 2009 ayant touché 55 communes sur 77 dans certaines régions sujettes à des inondations cycliques, conséquences des crues de différents fleuves. United Nation fund for population (UNFPA 2011, p11) informe que des habitations, des écoles ont donc été rendues non fonctionnelles. Cette situation d’urgence a, par contre, été réglée à travers l’accompagnement de certaines institutions internationales. Car, le Bénin n’a pas pu y faire face. Et pour cause, il dispose certes, d’un document de Stratégie Nationale de Réduction de Risques de Catastrophe (SNRRC). Lequel malheureusement ne prend en compte ni les inondations, ni les sécheresses, ni la famine, ni les épidémies, ni les déplacements de populations. « Il s’agit d’omission à déplorer », informe le Dr Clarisse Napporn.
En faisant un lien avec le symposium « Média-Education-Développement », le Dr Napporn estime que les médias ont un rôle important à jouer pour que l’éducation, droit primordial, soit assurée même dans les situations d’extrême urgence. « Ils sont davantage utiles en situations d’urgence. Ils peuvent contribuer non seulement à informer, mais aussi à prévenir, conseiller, donner des orientations et des directives aux populations par rapport aux risques encourus ou aux dispositions à prendre ou prévues », a-t-elle dit, attirant ainsi l’attention des professionnels des médias sur la partition qu’ils peuvent jouer pour que l’éducation parvienne à tous.

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Estelle DJIGRI

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