A l’Université d’Abomey-Calavi (UAC) tout comme dans les autres universités publiques du Bénin, l’élévation au grade de docteur est bien structurée par les autorités compétentes. Il y a des comportements que le doctorant doit avoir pour être compté dans le rang des docteurs de l’UAC. A travers ce dossier, Educ’Action renseigne le processus d’élévation au grade de docteur dans ce haut lieu du savoir. Lisez plutôt !
Serge Zanvo est docteur de l’Université d’Abomey-Calavi (UAC) depuis le vendredi 11 février 2022. Il a soutenu sa thèse de doctorat sur le thème « Effets des pressions anthropiques sur la structure, la dynamique, la biomasse ainsi que les services systémiques de forêts en Afrique de l’Ouest : cas du Bénin ». Au terme de la défense de sa thèse de doctorat sur l’écosystème des mangroves dans le Laboratoire de Biomathématiques et d’Estimations Forestières (LABEF) de l’UAC, il a obtenu la mention très honorable avec les félicitations du jury. « L’hostilité des forêts de mangroves fait que généralement les gens ne s’y aventurent pas. Ma présence sur cet écosystème n’a pas été une volonté personnelle. C’est le destin parce que j’appartiens à un laboratoire où, à un moment donné, ils ont eu un sujet de recherche, un thème nécessaire et ils ont jugé mieux de me mettre là-dessus. Donc je me suis retrouvé dans ce milieu et, peu à peu, je m’y suis adapté pour arriver au bout de l’aventure », explique le docteur Serge Zanvo.
Tout comme lui, des doctorants sont inscrits dans des écoles doctorales à la quête de ce grade dont les règles et principes de formation, de direction, de financement et de soutenance sont définis et assurés par le Collège des Ecoles Doctorales de l’Université d’Abomey-Calavi (CED-UAC).
Aperçu sur le CED-UAC
L’Université d’Abomey-Calavi compte des docteurs dans différents domaines d’expertise et de formation. Dans ce haut lieu du savoir, neuf (09) écoles doctorales sont autorisées à former et à hisser les doctorants au grade de docteur. C’est pour converger les compétences vers des centres d’intérêt communs articulés autour des domaines d’expertises et de formation les plus pertinents pour le pays, ses hommes, sa science et son développement que le Collège des Ecoles Doctorales de l’Université d’Abomey-Calavi (CED-UAC) est créé. En termes de pilotage, le CED-UAC est dirigé par un directeur exécutif assisté d’un bureau et d’un conseil. Au sein du bureau se trouvent le directeur exécutif du CED-UAC, le responsable chargé des commissions scientifiques auprès du conseil scientifique et le secrétaire administratif. Pour ce qui est du conseil, le directeur exécutif du CED-UAC en est le président. Il est accompagné des directeurs des écoles doctorales élus ou accrédités ; d’un agent comptable de l’UAC ; d’un représentant des doctorants par école doctorale, élu par ses pairs et du responsable chargé des commissions scientifiques auprès du conseil scientifique. Par ailleurs, le conseil du CED-UAC est assisté d’un secrétaire administratif, cadre A1 et nommé par le recteur.
Ce CED-UAC a des attributions bien définies dans le manuel de procédures. Il s’agit, entre autres, d’ «élaborer et de conduire la politique de la formation doctorale de l’UAC conformément à son plan stratégique de développement, à l’évolution et aux plans d’actions des pouvoirs publics et du secteur privé ; fixer les règles communes de fonctionnement, incluant l’inscription, les cours doctoraux, les points de thèse, l’autorisation de soutenance de thèse, la dérogation, la soutenance, la délivrance des diplômes ». Avant donc d’accéder au grade de docteur, il faut un suivi rigoureux du CED-UAC. Qui peut-on hissé au grade de docteur de l’Université d’Abomey-Calavi ?
Profil du grade de docteur de l’UAC…
Il est 10 heures 15 minutes le jeudi 10 mars 2022. Nous sommes à l’Ecole Doctorale des Sciences Juridique, Politique et Administrative (ED-SJPA). Le personnel de ce haut lieu du savoir est en poste. A la tête de la direction depuis 2019, Arsène-Joël Adéloui, maître de conférences agrégé de droit public, est occupé, d’un air dégourdi, à chercher un document. C’est la note de service N° 191-2022/UAC/SG/VRRU/SCS/SA fixant les pièces à fournir pour la délivrance de l’autorisation de soutenance de thèse de doctorat à l’UAC. Dans sa chemise en tissu, le sourire aux lèvres, Arsène-Joël Adéloui, enseignant-chercheur à la Faculté de Droit et des Sciences Politiques (FADESP) fait savoir : « Le grade de docteur est ce grade qui lui confère le titre d’enseignant à l’université. Au regard des textes, tout docteur est celui qui est habilité à enseigner au niveau de l’enseignement supérieur, qu’il s’agisse d’établissement privé ou public ».
L’enseignant-chercheur Mohamed Gibigayé, est approché le même jour, à l’Ecole Polytechnique d’Abomey-Calavi (EPAC) où est logée l’Ecole Doctorale des Sciences De l’Ingénieur (ED-SDI). Habillé d’une chemise manche longue légèrement pliée au niveau de l’avant-bras, l’ingénieur et PhD en génie civil renseigne sur le profil d’un docteur à l’UAC. « Le grade de docteur est conféré à tout étudiant ayant validé toutes les unités d’enseignement requises dans le cadre de cette formation de docteur et qui a fait des publications scientifiques dans des revues scientifiques indexées dans les bases. Il y a de grandes bases qui regroupent plusieurs journaux scientifiques et ces bases d’indexation doivent être celles qui correspondent à notre Comité Technique Spécialisé qui regroupe les Mathématiciens Physiciens et Chimistes », indique le professeur titulaire Mohamed Gibigayé. Il précise que celui à qui on peut conférer le grade de docteur est celui qui, par rapport à un problème qu’il a identifié et sur lequel d’autres chercheurs travaillent également, vient apporter sa touche singulière comme solution au problème ». Avant que le doctorant ne soit accepté à défendre sa thèse de doctorat, il est appelé à suivre des étapes précises.
Les étapes à suivre pour être hissé au grade de docteur
Se référant au domaine de l’ingénierie dont il est spécialiste, le professeur titulaire des universités de CAMES, Mohamed Gibigayé, joue la carte de la précision. « Dans le cas spécifique de notre école doctorale, le futur titulaire du doctorat doit être un ingénieur de conception avec le grade de master. Compte tenu de certaines spécificités liées aux unités d’enseignement à valider, l’étudiant est admis ou non en master de recherche pour deux semestres après l’obtention du master professionnel. Au cas où l’étude a révélé qu’il est nécessaire pour lui de compléter son master professionnel, il est admissible pour s’inscrire au grade de docteur pour travailler pendant six (06) semestres soit trois (03) ans », a expliqué le directeur de l’ED-SDI.
L’étudiant qui s’inscrit pour soutenir une thèse de doctorat, est astreint à certaines exigences. Le doctorant travaille rigoureusement pendant trois (03) ans donc six (06) semestres. « Il travaille sous la direction ou la co-direction. C’est-à-dire qu’il peut avoir un directeur de thèse ou deux directeurs de thèse. Le directeur peut être à l’UAC ou à l’étranger. Quand il finit la rédaction de sa thèse, il la dépose à l’école doctorale. Avant le dépôt, il faut que chaque année l’étudiant ait les fonds de thèse pour qu’on puisse évaluer son niveau d’évolution dans les recherches, il faut qu’il publie au moins un article qui s’inscrit dans la thèse. Quand il dépose sa thèse, les autorités de l’école doctorale sont saisies et doivent désigner trois (03) rapporteurs dont deux (02)rapporteurs hors du Bénin et un dans le pays », a dit le directeur Arsène-Joël Adéloui, avant de souligner que c’est une note rectorale qui autorise la soutenance de la thèse de doctorat. Laquelle note rectorale est lue par le jury lors de la soutenance de thèse.
Affirmative ! semble dire le professeur Mohamed Gibigayé, directeur de l’ED-SDI. « Après publication et validation de toutes les UE, il y a un comité de thèse qui suit l’étudiant sur tout le parcours depuis le premier semestre jusqu’au sixième semestre. Ce comité a l’obligation de le suivre autant dans le processus de ses travaux en cours d’année qu’en fin de chaque année. Après chaque deux semestres, le travail de l’étudiant est évalué par le comité de suivi de ses travaux que nous appelons, comité de thèse. L’étudiant présente ses travaux à ce comité de thèse qui peut les valider ou non », confie l’ingénieur, PhD en génie civil soutenant ainsi les propos de son pair.
Dans le cadre des travaux liés à la soutenance de thèse, un comité de thèse est sur pied. Il fait preuve d’une rigueur avant d’autoriser l’équipe d’encadrement et l’impétrant à finaliser la thèse. « En troisième année, s’il remplit toutes les conditions, y compris la publication d’un article dans un journal indexé, le comité de thèse autorise l’étudiant avec son équipe, son directeur de thèse voire son co-directeur, à finaliser la thèse. Il fait les procédures en vue de la soutenance de sa thèse. Finaliser la thèse consiste à la rédiger conformément aux règles qui régissent la rédaction de thèse en évitant le plagiat. Mais il n’y a pas de problème parce que le taux de plagiat est limité par le CAMES », informe le directeur de l’ED-SDI.
Les étudiants ayant rempli les critères édités par le CAMESsont hissés au grade de docteur. A la question de savoir si des thèses ont été rejetées lors de la soutenance, le juriste Arsène-Joël répond sans ambages : « A ma connaissance, aucune thèse de doctorat n’a été rejetée. Ça arrive dans d’autres pays quand même. Sinon au niveau des rapports, il y a rejet. Il peut arriver que les membres du jury changent d’avis, mais je n’ai pas encore vu ». Toutes ces conditions respectées, la soutenance est programmée deux semaines avant le jour J. Seulement, des difficultés sont à noter dans le rang des doctorants.
Disparités dans les difficultés…
Friard Houndji, secrétaire général de la Faculté des Sciences Humaines et Sociales (FASHS) a soutenu sa thèse de doctorat en sciences de l’éducation, spécialité andragogie. Cette soutenance a eu lieu par visioconférence le mercredi 30 septembre 2020 à l’Ecole Doctorale Pluridisciplinaire « Espaces, Cultures, Développement » de l’UAC. Désormais dans le landerneau des docteurs en sciences de l’éducation de l’UAC, il se rappelle des difficultés qui ont jalonné son parcours. « En principe, je ne devrais pas faire ma thèse en sciences de l’éducation. J’étais à la base un juriste. J’étais le secrétaire général de la Faculté de droit. Les textes disent que lorsque vous êtes une autorité dans une faculté, vous ne pouvez pas poursuivre les études dans cette même faculté. J’ai été obligé de changer parce que j’avais fait un master en ingénierie de la formation », conte le docteur Friard Houndji rencontré dans son bureau à la FASHS. Ayant obtenu une bourse de dix-huit (18) mois à Toulouse pour parfaire sa spécialité en ingénierie de formation, il a été accepté en sciences de l’éducation. « Au retour, j’ai présenté ce diplôme et les autorités en sciences de l’éducation m’ont demandé de faire quelques unités d’enseignement en plus afin de m’inscrire en 1re année de thèse en sciences de l’éducation. J’ai fait disons 5 ans parce que j’ai connu une année blanche en sciences de l’éducation pour faire ma thèse. Il faut beaucoup de temps, de la disponibilité, de l’humilité et de la patience », précise le spécialiste en andragogie avant de souligner que son motivateur à aller en thèse est le professeur Ibrahim Salami.
Pour le secrétaire général de la FASHS, lorsque vous choisissez un directeur de thèse, vous avez beau être son ami, son enfant, son parent, si vous ne respectez pas les conditions qu’il faut, vous ne serez pas élever au grade de docteur. Chaque thèse a son histoire. « Les difficultés se ressemblent en fait mais ne sont pas les mêmes. Ce que nous avons très souvent au Bénin comme difficultés c’est l’orientation. Le manque de rigueur qui pourrait vous amener à vous prendre mal dès le début. Je pense que d’une manière ou d’une autre, si vous avez la détermination et la volonté vous aller y arriver toujours », a martelé le docteur Serge Zanvo parlant brièvement de ses difficultés.
Selon les propos recueillis, les étudiants sans bourses ont d’énormes difficultés liées à la documentation. « Les boursiers s’en sortent très bien mais ceux qui n’ ont pas de bourse, ont des difficultés. Ce qui fait qu’ils s’inscrivent en 1re année et déjà en 2e année, ils envoient une demande de suspension d’inscription pour défaut de moyens, d’indisponibilité de leur directeur de thèse ou pour le fait que la thèse n’est pas la solution », révèle le directeur Arsène-Joël Adéloui. Le professeur Mohamed Gibigayé met par contre, le curseur sur le choix complexe du thème de certains doctorants. « Généralement, certains doctorants, par maladresse, identifient des problèmes qui sont en fait un ensemble de problèmes. Dans ces cas-là, pour s’en sortir, c’est difficile parce que c’est plusieurs problèmes à la fois », évoque-t-il. En outre, ajoute-t-il, les difficultés de l’étudiant qui doit, non seulement être ingénieur, mais aussi comprendre la science de l’ingénieur en mettant au point un matériel que les ingénieurs vont exploiter de façon professionnelle.
Enock GUIDJIME