La distance qui sépare la maison de l’université ne permettant pas de faire la navette quotidienne entre le domicile et les amphithéâtres, étudiantes et étudiants ont recours aux résidences universitaires. Seulement, la cohabitation entre personne de même sexe dans les cabines n’est pas toujours aisée. Les raisons, c’est dans ce reportage de Educ’Action mené à l’Université d’Abomey-Calavi.
Rose dans sa tenue décolletée de couleur rose presse les pas pour rejoindre la salle de cinéma. Elle arrive à temps avant que son feuilleton préféré de la chaîne Novelas TV ne démarre. Etudiante en deuxième année de linguistique à l’Université d’Abomey-Calavi, la salle de cinéma du bâtiment E-PIP est souvent sa première escale, après la sortie des cours de l’après-midi. Dans cette résidence universitaire qui héberge cent (100) étudiantes, Rose partage sa cabine avec une camarade d’une autre faculté. Dans ce bâtiment, au même titre que dans les autres résidences de l’université, étudiants et étudiantes sont logés en binôme voire parfois en trinôme. La cohabitation n’est pas toujours facile, mais Rose s’adapte tout de même. « Nous ne savons pas à l’avance celle avec qui nous pourrons nous retrouver dans notre cabine, parce que c’est le Cous-Ac qui assure la répartition. Nous prions juste pour tomber sur une bonne camarade qui a un bon comportement comme nous afin que la cohabitation se passe bien en cabine », confie l’étudiante, les yeux plongés dans la télévision écran plat de la salle de cinéma afin de ne rien rater de l’épisode du feuilleton en diffusion. Du rez-de-chaussée, rendons-nous à présent sur la toiture terrasse du bâtiment où des étoiles apparaissant dans le ciel, annoncent la tombée imminente de la nuit. La chaleur dans les cabines oblige, trois étudiantes sont venues profiter de l’air naturel sur la toiture terrasse de la résidence. « Nous partageons toutes la même cabine et c’est à cause de la chaleur qui règne à l’intérieur que nous sommes obligées de venir rester en haut. Les cabines ne sont pas dotées de brasseurs et comme je n’ai pas les moyens comme certaines camarades pour m’acheter un ventilateur, je viens passer un peu de temps au dehors d’abord », explique l’étudiante Gloria Challa avant de se prononcer sur la cohabitation avec ses deux camarades de cabine. « J’ai la chance de tomber sur des camarades avec lesquelles je m’entends bien en cabine, mais j’avoue que ce n’est pas le cas dans toutes les cabines. Parfois depuis notre cabine, on entend des discussions ou bagarres provenant d’autres cabines, parce que les occupantes n’arrivent pas à s’entendre, pourtant elles sont appelées à rester ensemble ».
Les raisons d’une cohabitation difficile entre étudiantes en cabine
« Nous venons de familles différentes et ayant reçu une éducation différente, les comportements ne sont pas les mêmes. Vous partagez une cabine avec votre camarade et c’est elle qui invite des garçons à l’intérieur, qui rentrent sans toquer la porte alors que vous êtes nue à l’intérieur. Ce n’est pas bien et cela peut entraîner rapidement une mésentente », dira toute irritée, Marie-Madeleine Amadji, étudiante en troisième année de Droit à la Faculté de Droit et de Sciences Politiques (FADESP), mettant ainsi l’accent sur l’un des motifs souvent objet de mésentente entre étudiantes partageant une même cabine. Mieux, sa camarade Chancelle Houindonaboua de la première année à l’Ecole Polytechnique d’Abomey-Calavi (EPAC) avec laquelle elle partage la cabine, renchérit : « On ne peut pas refuser la visite d’un garçon, mais parfois vous partager votre cabine avec des camarades qui en font de trop. Au moment où tu as besoin de calme pour apprendre, c’est au même moment qu’un visiteur débarque dans la cabine pour papoter. Moi, je me suis entendue avec mes camarades de cabine pour recevoir les garçons au dehors afin d’éviter des problèmes de mésentente ».
Faute de mesure d’interdiction de visite dans les cabines, la médiation comme solution
Dans les prescriptions régissant les résidences, interdiction n’est pas faite aux étudiantes de recevoir des étudiants en cabine, mais en cas de problèmes entre étudiantes d’une même cabine, les chefs bâtiments interviennent comme médiateur de crise. « Aucune disposition n’interdit, pour le moment, aux étudiantes d’inviter des garçons en cabine, mais cela engendre souvent des problèmes. Des garçons rentrent et sortent n’importe comment des cabines, sous nos yeux, mais on ne peut rien leur interdire. C’est quand cela engendre des mésententes que nous intervenons pour jouer à la médiation afin de trouver une solution aux deux parties en conflit », confie sous anonymat un chef bâtiment. Au-delà de la cohabitation pas toujours aisée en cabine, l’étudiante Marie-Madeleine Amadji, qui est à sa deuxième année de résidence en cabine, souligne un aspect bénéfique : « Ce qui est bien en cabine, c’est qu’on apprend vraiment à devenir un homme ou une femme. Loin des parents, vous êtes appelés à gérer seul votre vie et cela forme pour le futur ».
Edouard KATCHIKPE