Marie-Laure Para est enseignante dans le système éducatif français, d’enseignement agricole depuis 22 ans. En service au campus Nature Provence, elle est à la fois animatrice de réseaux, de centres de ressources, des bibliothèques, et des centres d’information. Elle est aussi chargée de mission en coopération internationale pour des programmes Erasmus en Europe, en vue de développer la mobilité des jeunes en Europe, dans le monde, et particulièrement en Afrique de l’Ouest. Elle a eu la chance de découvrir différents sites agro-écologiques, dont celui de la ferme Ecole Solidarités Agricoles Intégrées, (SAIN) où nous l’avons rencontrée en compagnie de plusieurs jeunes français passionnés d’agriculture ! Généreusement, elle a accepté nous accorder quelques précieuses minutes de son temps. Voici les détails d’un entretien riche d’enseignements.
Educ’Action : Vous êtes ici à la ferme École SAIN de Kakanitchoé, quelles sont vos premières impressions ?
Marie-Laure Para : C’est un lieu qui rassemble beaucoup d’identités. Les jeunes ont non seulement un très grand espace pour découvrir différents ateliers de production, mais aussi un sens de l’accueil. Tout est conçu pour l’accueil : faire rencontrer les gens, à la fois les jeunes béninois qui travaillent, les salariés, les visiteurs, les personnes qui circulent sur le site, les villageois locaux aussi qui peuvent se rendre sur la ferme etc.
Marie-Laure Para
Quel est l’objet de votre visite ici à Kakanitchoé ?
Notre objectif, c’est vraiment que nos jeunes apprenants renforcent leurs connaissances et leurs pratiques techniques ; qu’ils découvrent aussi les techniques de production, par exemple la plateforme de compostage, où il y a vraiment de l’expérimentation dans la production de vermicompost et de biofertilisants. Je souhaite qu’ils affinent leurs connaissances sur la production animale à petits animaux, découvrent des productions locales, l’artemisia, les fruits locaux, et qu’ils renforcent leurs connaissances aussi en production maraîchère. Par exemple, nous avons fait une récolte du riz collectif, et c’était une belle expérience. On a vraiment fait un chantier collectif avec les Béninois, donc sur la méthode de coupe, le travail collectif pour récolter deux parcelles en une matinée, plus le battage. C’était super intéressant.
Pourquoi avez-vous choisi la ferme Ecole SAIN pour cette immersion pédagogique des jeunes ?
La ferme Ecole SAIN remplit vraiment les critères techniques et pédagogiques de démonstration des pratiques agricoles et écotouristiques. Nos jeunes peuvent voir différents ateliers. Il faut dire aussi que nous avons travaillé pendant trois ans à distance, via des visioconférences, avec l’adjoint de la ferme, Bernardin Djossou, et M. Pascal Gbénou lui-même. Nous avons maintenu une correspondance soutenue, pour que quand on arrive là, même si beaucoup de choses nous échappent, la mise au travail soit rapide, parce qu’il y a quand même un chronomètre pédagogique et du temps qui passe, et parce qu’on a envie de rester là. On a aussi envie de prendre le temps, de profiter des beaux espaces bien aménagés, des temps d’accueil, des temps de discussion, des temps de repos à ne pas oublier aussi.
Est-ce qu’on peut alors conclure que les fruits tiennent la promesse des fleurs ?
Oui, même au bout d’une semaine, nous sommes allés au-delà de nos attentes. Nous avons même fait ici à kakanitchoé le festival ALIMENTERRE.
Chaque jour réserve son lot de surprises, mais plutôt de bonnes surprises. Avec l’aide de la ferme, nous essayons de prendre en charge les petits bobos de jeunes gens qui découvrent l’Afrique.
Parlons maintenant de votre métier en France, à Marseilles plus précisément. Qu’est-ce que vous enseignez réellement aux jeunes apprenants?
D’abord, je travaille dans un centre de ressources qui a à cœur de privilégier l’accueil, l’accompagnement des élèves, d’être à leur écoute, de beaucoup les observer, de leur verser une certaine autonomie, mais à la fois aussi d’enseigner le rôle de l’information et d’attirer leur attention sur le fait que les médias sont très importants à notre époque et puisqu’il y a beaucoup d’enjeux stratégiques d’information sur la géopolitique mondiale. J’ai aussi besoin qu’ils acquièrent des compétences en information, communication, pour se renseigner sur leur métier, pour continuer à s’informer sur l’actualité en général, et puis aussi qu’ils apprennent à construire des médias, c’est-à-dire que moi je leur fais faire des blogs. J’attache aussi beaucoup d’importance à ce qu’ils acquièrent des compétences rédactionnelles, qu’ils rédigent à un niveau suffisamment intéressant pour eux-mêmes, et pour qu’ils réussissent leurs examens, qu’ils développent leur curiosité. Mon rôle aussi, c’est de développer une bibliothèque, de faire des acquisitions de documents dans tous les domaines du savoir, et donc j’ai toujours un œil sur des sources d’information liées à l’Afrique, que cela soit des documents techniques, des écrivains africains, ou des écrivains béninois, ou des médias béninois. Maintenant je suis en veille informationnelle sur l’Afrique de l’Ouest, puisque j’ai aussi l’occasion de faire une mission sur le Sénégal.
Est-ce qu’il vous arrive aussi d’accueillir des jeunes gens chez vous sur votre campus ‘‘Nature Provence’’ ?
Bien sûr ! J’accueille d’ailleurs deux volontaires internationaux, un béninois dont je suis la tutrice. Je vais avoir, pour la troisième fois, une jeune béninoise qui a une licence de l’Université Nationale d’Agronomie. Là aussi, je travaille en collaboration avec ces jeunes gens qui sont placés sur l’exploitation agricole, de notre établissement Campus Nature Provence. Sur notre établissement, nous avons non seulement 400-500 apprenants de la Seconde en Licence, mais aussi des adultes en formation. Cela fait environ 700 personnes. Nous avons un peu plus de formations que la ferme, mais presque la même exploitation, avec nos spécificités bien entendu. Chez nous, l’agroforesterie est très développée, le maraîchage, et nos productions particulières comme la viticulture. Donc voilà, nous avons beaucoup de points communs sur le plan de ces deux systèmes de production.
Quel est votre mot de la fin ?
Je suis très heureuse d’être ici à la ferme Ecole SAIN où l’accueil est de mise. Nos jeunes ont de grandes possibilités d’apprentissage et de brassage. Je souhaite qu’ils analysent les deux systèmes de production, qu’ils les comparent et en tirent le meilleur parti pour leur gouverne. D’ailleurs des jeunes gens ont des petites commandes de Pascal Gbénou sur l’analyse écotouristique de la ferme, l’analyse écologique de la ferme etc. Je vous remercie également pour cette occasion que vous me donnez de partager avec vous ces quelques moments précieux !
Propos recueillis par Ulrich Vital AHOTONDJI