Je suis désolé de commencer la nouvelle année avec une thématique très sérieuse à savoir que la science de la planification de l’éducation doit radicalement changer ; soit elle évolue, se simplifie, devient accessible et se démocratise pour véritablement entrer dans chacune de nos contrées, chacune de nos classes grâce à chaque cadre qui la comprend et la met en œuvre et chaque enseignant qui l’applique ; soit elle laisse la place à une révolution qui aura à saluer Jomtien et Dakar, mais aussi à les désacraliser.
Nous sommes, en effet, arrivés à un stade où la complexité de ces superstructures aux mains de quelques initiés, dessert l’éducation de nos enfants. Il est vrai que pendant deux décennies (les années 1990 et 2000), les théories et principes développés par d’éminents intellectuels et praticiens dans des institutions de la planification de l’éducation comme l’IIPE, le pôle de Dakar ou l’IREDU, etc. en accord avec de grands organismes internationaux comme l’UNESCO, la Banque Mondiale entre autres, ont fortement contribué à faire évoluer l’éducation dans les pays en voie de développement et notamment en Afrique. On est ainsi passée d’un enseignement, juste hérité de la colonisation, peu structuré et sans réelle boussole et surtout spécifique à chaque pays, à une éducation planifiée, en accord avec les contextes internationaux et la mondialisation : ainsi la plupart des pays se sont dotés de plans avec des revues régulières du secteur permettant de corriger au fur et à mesure les dysfonctionnements tout en échangeant avec les différents partenaires internationaux. On ne peut donc pas nier aujourd’hui les progrès remarquables de la plupart de ces pays dans l’évolution du capital humain.
En même temps, la décennie précédente a commencé à montrer les limites d’une planification devenue lourde, nébuleuse et complexe à force de recherche de perfection et qui maintenant souffre de plusieurs maux dont seule racine est la difficulté de mise en œuvre. Dans une période de mondialisation caractérisée par la pro activité, l’efficacité et la multidisciplinarité, la planification est devenue un couvent où quelques rares gourous passent de pays en pays pour évaluer, analyser et élaborer, malheureusement sur plusieurs années, des documents qui, avant d’être mis à disposition d’un public de cadres et acteurs de l’éducation, de plus en plus incrédules, sont déjà pratiquement caducs.
Disons nous la vérité : comment peut-on continuer à croire à des plans décennaux de type soviétiques élaborés après quelques années, avec le même modus operandi, lourd, opaque et continuant à n’intégrer ni véritablement la plupart des acteurs (jusqu’aux confins des hameaux) du pays qu’on fait semblant de consulter à la fin, ni les techniciens, pédagogues et autres cadres qui ne comprennent rien des tours de passe passe opérés et donc, ne peuvent pas mettre en œuvre !
L’autre difficulté de mise en œuvre, c’est que les PTF semblent ériger, à la limite sans s’en rendre compte bien sûr, une minorité de blocage à travers le financement et l’appui technique qu’ils proposent, de telle manière qu’on se retrouve dans un dialogue de sourds. Ainsi, il me souvient d’un financement du PME que la partie béninoise avait de la peine à consommer pour la raison apparente selon laquelle les cadres ne savaient pas rédiger des TDR ! La véritable raison était double : le cadre ne comprend pas généralement le fondement de l’activité proposée parce qu’il n’a pas été à l’origine de la conception et ensuite la chaîne responsable se sentait dans une posture d’assujettissement peu propice aux activités.
A présent que nous avions une masse conséquente de cadres et de techniciens dans les pays, il est urgent de repenser la planification, la rendre plus dynamique dans le temps et l’espace sinon nous allons vers de réelles déconvenues ; en témoigne ce dernier et déplorable exemple que connaît actuellement le Bénin : il y a quelques années, les différents diagnostics du RESEN et du PDDSE actualisés ont montré que le type d’enseignants qui nous posait le plus de problème est celui appelé vacataire. Ils sont arrivés de manière hétéroclite, à la faveur de la pénurie d’enseignants avec peu de formations pédagogiques et un mélange hétéroclite d’enseignements, sans oublier plusieurs autres maux qui ne permettaient pas de promouvoir la qualité.
Face à cette situation et sur la base de ces diagnostics en réalité presque caducs avec le temps, l’Etat a pris la responsabilité d’assainir ce milieu avec des enseignants nouveaux dit aspirants et triés avec des critères objectifs nouveaux. Mais alors, on s’est rendu compte que nous sommes presque revenus à la case départ dans la mesure où les aspirants semblent véhiculer les tares des anciens vacataires, entre temps devenus plus compétents à force d’habitude ! En définitive, faisons vite et faisons mieux : il en va de l’avenir de nos enfants !
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe