Exposition « ÉÏTÒ TÎ INÃ » : Des vérités maternelles dans les toiles de Eric Médéda

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A l’Institut Français de Cotonou, le plasticien béninois Éric Médéda dévoile son exposition saisissante « ÉÏTÒ TÎ INÃ ». Du 9 avril au 17 mai 2025, ses toiles racontent, dans le silence mais avec une intensité troublante, l’histoire officieuse souvent laissée dans l’ombre.

«Beaucoup me connaissent pour mes œuvres sur fond noir. Le noir est pour moi un espace d’initiation, une matrice d’où jaillit la lumière », confie Éric Médéda lors du vernissage de l’exposition, le 9 avril 2025. A travers ses nouvelles toiles réunies sous le titre « ÉÏTÒ TÎ INÃ », qui signifie « Vérités maternelles » en langue idatcha, le plasticien opère un fort basculement. Il choisit le blanc lumineux en lieu et place de son habituel fond noir. Cette décision artistique symbolique évoque un passage de l’obscurité à la lumière, des silences imposés aux révélations assumées.
L’intention est claire, c’est de porter les voix féminines dans un espace socioculturel où elles ont longtemps été priées de se taire. Dans une société qui réduit la femme à la discrétion, Éric Médéda rend hommage aux mères et aux grands-mères. Celles dont les récits se transmettent à voix basse, dans l’intimité d’une cuisine, à l’ombre d’un arbre ou dans les murmures d’une veillée. Panégyriques claniques, proverbes, gestes rituels et confidences deviennent, dans ses toiles, des fils conducteurs d’une mémoire collective longtemps marginalisée.
L’artiste propose une « lecture féminine des dits et des non-dits » de la communauté. Comme il le souligne lui-même, il ne s’agit pas de nourrir une quête absolue de l’histoire, mais de faire jaillir des fragments de vérités sensibles. Ces vérités que les récits officiels ont ignorées, que l’oralité a portées sans toujours les graver dans les mémoires. Sa démarche entre ainsi en harmonie avec les mouvements artistiques contemporains qui interrogent la place de la femme dans la construction de l’histoire.

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Des toiles inspirées du tamis

Le tamis pour briser le silence

Au cœur de cette exposition, un objet se détache et devient l’élément central : le tamis. Cet outil banal du quotidien féminin, souvent réduit à un simple accessoire de cuisine, se voit ici érigé en matière première de l’expression artistique. « J’ai vu dans le tamis un véhicule d’histoire. Il est chargé des énergies de celles qui l’ont utilisé. Chaque fibre de tamis devient une ligne d’écriture pour moi. Je le brûle, je le tisse à ma manière pour raconter ce que les mots ne peuvent dire », affirme Éric Médéda.
Dans sa symbolique, le tamis dépasse la fonction de filtre des céréales. Il incarne le tri des expériences, la transmission sélective, la mémoire filtrée par les douleurs, les silences et les secrets de famille. Il est la métaphore de la maternité, du soin, du savoir domestique et de l’intimité féminine. A travers les brûlures et les traces du tamis sur la toile, le plasticien matérialise les non-dits, les blessures muettes, les savoirs tus. Chaque tableau devient ainsi une page arrachée au passé, une voix retrouvée, un souffle réinsufflé à celles qui n’avaient jamais pu parler.
Le tamis, souligne l’artiste, est aussi un objet de concertation féminine, un outil de palabres entre femmes. « C’est une passerelle d’angoisses, de sagesses, de vérités enfouies », dit-il. Dans ses œuvres, le tamis devient le miroir fragile d’une société, le réceptacle discret de douleurs, mais aussi la promesse d’une réconciliation avec ce patrimoine immatériel.

Une mémoire tissée dans le feu

L’histoire racontée par Éric Médéda se ressent. Le blanc, utilisé pour la première fois comme fond dominant dans ses toiles, vient ici révéler ce que le noir avait suggéré. « J’ai quitté le fond noir pour révéler ses ombres, ses personnages, et les faire entrer dans un nouveau monde avec le blanc. Ce sont des vérités que je n’ai pas le droit de dire à haute voix. Je n’ai que le droit de les peindre », explique l’artiste.
Ces toiles aussi majestueuses plongent le visiteur dans une prière silencieuse et laissent affleurer les « vérités maternelles » comme des éclats de vécu, des témoignages invisibles tissés dans le quotidien. Elles sont autant de fragments d’histoire que l’artiste tente de restituer.
En intitulant son exposition « ÉÏTÒ TÎ INÃ », Éric Médéda rend avant tout un hommage personnel à sa mère, originaire de Dassa et qui fait partie de ces femmes silencieuses dont les gestes racontent plus que les discours.
Jusqu’au 17 mai 2025, l’exposition « ÉÏTÒ TÎ INÃ » reste ouverte au public pour une expérience de réconciliation avec la mémoire maternelle, une écoute silencieuse de l’histoire non officielle et une exploration des émotions cachées.

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Edouard KATCHIKPE

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