Extension de l’anglais au Primaire : Le silence des autorités inquiète

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6 ans après le début de la phase pilote de l’enseignement de l’anglais dans le primaire, l’extension progressive prévue par les textes, n’a pas été effective, avec à la clé, le redéploiement des enseignants de la première cohorte dans le système classique. Que doit-on retenir face au silence des autorités ? Les enseignants d’anglais s’inquiètent et disent leur cri de cœur.

L’importance de l’usage de la langue anglaise n’est plus à démontrer dans le monde actuel. Etant largement parlée partout à l’international, son utilisation est devenue cruciale pour tous les pays pour bien des raisons.
Ici au Bénin, au regard de cette importance, l’Etat béninois a pris à cœur de mettre en place des réformes pour permettre au dernier des béninois d’être passionné de la langue de Shakespeare. Des réformes ont donc vu le jour dans le système éducatif. Au supérieur, il est exigé aux étudiants en Master à l’Université d’Abomey-Calavi, un diplôme ou une attestation en anglais. Plus loin dans le primaire, comme pour attaquer le problème à la racine, le peuple béninois a été non seulement témoin, mais s’est aussi exalté de joie, de l’introduction de la phase expérimentale de l’enseignement de l’anglais dans les écoles primaires publiques. Ainsi, depuis l’année scolaire 2017-2018, la phase pilote de l’enseignement de cette langue a débuté dans 216 écoles pilotes avec pour guide, l’arrêté interministériel N° 098 du 31 décembre 2019. 6 ans après, le résultat est là.

Un bilan positif après 6 années d’expérimentation

« Good morning teacher.- Good morning classe. How are You ? – Fine, thanks and you ?… – Today, we are going to learn the family’s members. Who are the family’s members ? Family’s members are father, mother, childrens, grand father, grand mother, aunte, uncle… » Trois années après le début de la phase pilote, c’est le scénario auquel Educ’Action a assisté, le mercredi 19 août 2020. C’était dans l’une des classes à l’Ecole Primaire Publique (EPP) Fifadji, dans le département du Littoral, Circonscription Scolaire Cotonou 3 (ex Cotonou Sikè). A l’EPP Ladji au quartier Sainte Cécile, une autre école pilote, Educ’Action a été pris de frisson lorsque l’hymne nationale est fredonnée en Anglais par les apprenants de la classe de CE1.
Depuis lors, trois autres années se sont écoulées avec un bilan que les enseignants expérimentateurs qualifient d’élogieux. « L’anglais est la langue de communication qui bat son plein dans le monde entier. C’est conscient de cela que le chef de l’Etat a souhaité que le Bénin puisse l’expérimenter. Les autorités ont donc pris toutes les dispositions nécessaires pour accompagner cette mesure afin que les enfants béninois au niveau primaire puissent apprendre l’anglais », a dit l’enseignant expérimentateur, Elisée Assogba pour renseigner l’objectif de départ de cette expérimentation. 6 ans après, les enseignants expérimentateurs se réjouissent du bilan.
« L’objectif est atteint. Aujourd’hui, l’enfant béninois qui a fait l’anglais est capable de se présenter en anglais, de présenter ses parents. Il peut parler couramment l’anglais », atteste l’enseignant Joseph Médessoukou. Bien au-delà ! S’exclame son collègue Liamidi Amadou. « Là où nous autres, nous sommes fiers du travail qui a été abattu, il suffit d’aller vers les apprenants pour voir comment ils réagissent. Ils arrivent à faire des phrases, c’est formidable et nous avons vraiment du plaisir à les écouter. On ne peut même pas les comparer aux apprenants de la classe de Terminale. Nous-mêmes, nous nous demandons parfois d’où est-ce que nous avons tiré ces ressources pour atteindre cet objectif », s’exalte-t-il.
Cependant, l’arrêté N° 098 du 31 décembre 2019 prévoit l’extension progressive de cet enseignement dans d’autres écoles primaires après les 6 premières années d’expérimentation. Simple calcul fait, logiquement donc, d’autres écoles devraient être prises en compte au cours de cette année scolaire 2023-2024. Et c’est justement à ce niveau que le bât blesse. Aucune extension n’a été observée jusque-là sur le terrain. Au contraire…

Une suspension sans explication, des enseignants redéployés

Après 6 ans, où en est-on dans l’extension progressive prévue par l’article ? A cette question, les expérimentateurs ne savent pas quoi répondre. « C’est là le gros point d’interrogation », s’est exprimé Elisée Assogba qui semble ne rien comprendre, tout comme ses autres collègues.
En effet, l’extension progressive n’a pas été effective sur le terrain dans cette année scolaire en cours. Et là où l’inquiétude s’est installée et a gagné du terrain dans le rang des enseignants expérimentateurs, c’est le redéploiement de ceux d’entre eux qui ont fini les 6 ans d’expérimentation. En termes clairs, la première cohorte d’enseignants ayant commencé du CI jusqu’au CM2, a été redéployée dans l’enseignement classique, au lieu de poursuivre l’anglais si l’extension avait été effective. Les seuls enseignants qui continuent l’anglais dans les écoles pilotes sont donc ceux-là qui n’ont pas fini leurs 6 ans. Joseph Médessoukou, fait d’ailleurs partie de cette catégorie d’enseignants redéployés sans aucune explication de la part des autorités.
Face à cette situation, les enseignants expérimentateurs ont espéré jusque-là, une réaction des autorités en vain. « Aucune raison de façon officielle ne nous a été donnée et c’est ce qui nous inquiète », a soulevé Liamidi Amadou, maître d’anglais. Cependant, ces derniers n’envisagent en aucun cas, l’arrêt de l’enseignement de l’anglais dans les écoles primaires et continuent de croire en la parole des autorités.

Les attentes des enseignants vis-à-vis des autorités

« L’autorité a parlé et nous a dit qu’il y aura la généralisation. Nous n’allons jamais douter de la parole de l’autorité. Mais alors si on envoie les collègues dans le système classique après 6 ans, où nous sommes suffisamment outillés pour faire la généralisation, suffisamment outillés pour atteindre les objectifs, c’est pour aller faire quoi ? », tente de comprendre l’enseignant d’anglais Liamidi Amadou. La réponse de l’autorité est donc incessamment attendue par ces enseignants. Mais pour l’heure, ils ne sont pas prêts d’admettre que l’anglais pourrait s’arrêter. « Je n’envisage même pas cette hypothèse selon laquelle l’expérimentation pourrait ne plus continuer. Ce n’est pas la première fois que le Bénin a eu à expérimenter l’enseignement de l’anglais. Mais cette fois-ci, l’Etat a mis suffisamment les moyens. Il y a eu beaucoup plus d’attention par rapport aux éditions passées », a laissé entendre Liamidi Amadou nourrit d’espoir que l’autorité prendra les bonnes décisions pour le bonheur des apprenants. Il poursuit : « Lors de notre dernière revue, le DAC a porté la voix du ministre et nous a dit, que le ministre attend de nous, la réussite et la généralisation du programme. Nous y sommes, nous avons réussi. Les faits sont là parlants, il n’y a même pas de doute. Nous n’attendons que la généralisation et nous demandons, aux autorités de tout faire pour qu’à la rentrée prochaine, l’on puisse amorcer cette généralisation », crie de tout son cœur Liamidi Amadou. Pour sa part, l’enseignant Joseph Médessoukou exhorte les autorités à prendre leur responsabilité pour que l’anglais soit généralisé. « Nous souhaiterions que les autorités à divers niveaux puissent jeter encore un coup d’œil dans l’expérimentation et voir comment la chose puisse porter », espère l’enseignant Elisée Assogba. Par ailleurs, les enseignants expérimentateurs sont disposés à faire des propositions aux autorités, pour un enseignement plus réussi de l’anglais dans le primaire.

L’anglais en évaluation, selon une source officieuse du MEMP

Dans le souci d’avoir un son de cloche officielle sur la question de l’expérimentation et de la généralisation progressive de l’anglais dans le primaire, Educ’Action a tenté de joindre les autorités compétentes au Ministère des Enseignements Maternel et Primaire (MEMP). A défaut d’avoir une source officielle, un cadre du MEMP qui a requis l’anonymat, s’est prononcé. Il nous confie ce qui suit : « Par rapport à l’anglais dans le primaire, l’expérimentation se poursuit pour les promotions n’ayant pas encore atteint la classe de CM2. Mais pour l’heure, une évaluation est actuellement en cours pour les 6 premières années. L’extension progressive dépendra donc des résultats de cette évaluation et surtout de la volonté du gouvernement », a expliqué la source anonyme.
Une réponse officielle de la part du ministre réconforterait mieux les enseignants. La nation a donc les regards tournés vers le gouvernement pour la suite à donner à cet enseignement.

Estelle DJIGRI

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