Hormis la formation dans les domaines de la musique et de la danse, l’Ensemble Artistique et Culturel des Etudiants (EACE) de l’UAC dispense également des cours en coiffure et couture. Educ’Action fait une incursion dans cette section de formation avec des étudiants qui parlent des expériences vécues dans cette course aux diplômes académiques et en même temps d’acquisition de compétences en formation professionnelle.
Après l’obtention du Baccalauréat et l’inscription en première année à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FASEG), Rosine Sodannou quitte les études universitaires pour se consacrer à l’activité qui la passionne depuis un certain moment : la couture. Dans son quartier à Atrokpocodji où elle passe la majeure partie de la journée sur sa machine à coudre, Educ’Action est allé à sa rencontre. Artiste de la section couture à l’Ensemble Artistique et Culturel des Etudiants (EACE) depuis 2019, une institution spécialisée de la Fédération Nationale des Etudiants du Bénin (FNEB), Rosine raconte ses débuts dans l’apprentissage du métier. « La couture, c’est vrai que certaines personnes considèrent cela comme un sot métier. Quand j’ai voulu faire la couture, la famille n’était même pas d’accord. Les parents ont refusé pendant des années, mais c’est moi-même qui ai pris la décision de commencer, vaille que vaille, parce que les diplômes aujourd’hui, vraiment cela n’a plus tellement d’importance. Donc, il vaut mieux embrasser ces genres de formation pour vite tirer son épingle du jeu », témoigne-t-elle pour renseigner sur les motivations du choix porté sur l’apprentissage de la couture après l’obtention du Baccalauréat.
Comme Rosine, nombreux sont les étudiantes et étudiants des facultés de l’Université d’Abomey-Calavi (UAC) qui partagent les amphithéâtres et les locaux de l’Ensemble Artistique et Culturel des Etudiants, à la quête de compétences dans différents domaines artistiques et de l’artisanat. C’est le cas de Judith Chabi, étudiante en troisième année d’Espagnol à la Faculté des Lettres, Langues, Arts et Communication (FLLAC) qui cumule ses études universitaires à sa formation professionnelle en coiffure dame à l’EACE depuis l’année dernière. « Pour intégrer l’EACE, il faut payer les frais d’inscription. Quand je me suis inscrite l’année dernière, c’était à 1.500 Francs CFA mais cette année, l’inscription est passée à 2.500 Francs CFA. Après l’intégration, commence la formation. Nous venons les mercredis et les vendredis de 7 heures à 13 heures et choisissons un jour au choix pour la permanence qui débute à 8 heures pour s’achever à 18 heures », renseigne-t-elle sur le programme de formation qui lui a permis de maîtriser, après trois mois de formation, le métier de coiffeuse dame. C’est cette même durée qu’il a fallu à Rosine Sodannou pour maîtriser la couture.
Une formation de rigueur pour la vie en société
« Il y a trop de rigueur à l’EACE. Tu viens un matin et c’est pour te dire de commencer à pomper, à faire chauve-souris. On te dit exécution sans réclamation. Il y a des gens qui ne sont pas habitués à être ainsi humiliés. Si tu n’es pas courageux, tu ne peux pas rester parce que c’est une autre forme d’éducation. Nous étions environ deux cent (200) au début de la formation mais en fin de compte, on s’est retrouvé à 49 artistes à la fin d’année. Beaucoup de personnes ont déserté les rangs parce qu’ils ne supportaient pas cette rigueur ». Ces propos de Rosine Sodannou rejoignent ceux de certaines étudiantes en formation à l’EACE, rencontrées par Educ’Action et qui estiment que la rigueur est de trop dans le processus d’acquisition de compétences au sein de l’institution spécialisée. L’étudiante Judith Chabi qui fait cette expérience depuis un an, renchérit : « En atelier, quand tu es une apprentie et que tu fais quelque chose de mal, la patronne te tape. Chez nous ici à l’EACE, on ne tape pas mais on te punit autrement. On peut te dire de te coucher par terre, de faire 50 pompes ou même de faire le tour du bâtiment. Tout cela, ce sont des formations de la vie active. Ici, on nous apprend la patience. Ici, tu ne peux pas réclamer. Parfois, tu ne sais même pas pourquoi on te punit, mais tu fais la punition d’abord. Mais j’avoue que moi, cela m’a appris beaucoup de choses sur le plan de la vie active. Cela m’a formée aussi à la maîtrise de soi ». Que certaines personnes qualifient cela de rigoureux, excessif et d’autres encore de rigueur formative pour la vie en société, Educ’Action a confronté les remarques des étudiantes à une responsable de l’institution.
De la certification de la formation dispensée à l’EACE
Merveille Lauriano a bouclé deux ans de parcours au sein de la section coiffure de l’EACE avant d’aller poursuivre sa formation au sein d’un salon de coiffure à Cotonou avec l’obtention du Certificat de Qualification au Métiers (CQM), pour revenir servir au sein de l’institution spécialisée. Aujourd’hui organisatrice en chef de la section coiffure, Merveille Lauriano martèle que la rigueur va être toujours la règle d’or au sein de l’EACE et pour cause : « C’est cette rigueur qui a maintenu la maison debout et moi, je pense que cela va continuer ainsi parce qu’avec les artistes que nous avons aujourd’hui, ce n’est pas la peine. J’ai même connu une artiste, cette année, qui me disait qu’elle est venue à l’EACE à cause de la rigueur qui y règne. Je ne vois pas donc la raison pour nous de baisser la garde ». Questionnée sur le parchemin délivré aux apprenantes et apprenants en fin de formation, la cheffe section coiffure explique : « La première année est celle provisoire où on observe l’étudiante. C’est après cela qu’on te déclare artiste et la formation continue pour la deuxième année. A la fin de la deuxième année, tu deviens artiste définitif, ce qui donne droit à une attestation signée par le responsable de l’EACE et le rectorat. De commun accord avec certains devanciers qui ont pris par ici et qui sont promoteurs de salons de coiffure, nous envoyons des artistes qui le souhaitent, à l’examen du CQM et beaucoup réussissent d’ailleurs ».
A l’endroit de ses camarades qui sont focalisés uniquement sur les études universitaires, l’étudiante Judith Chabi conseille de s’inscrire pour une formation professionnelle. « Dans notre monde actuel, ce n’est pas forcément les études qui nourrissent son homme, c’est le savoir-faire. Il faut faire des formations professionnelles, mais ne pas abandonner les études également. C’est ce que moi, je fais et cela marche bien. C’est juste une question d’organisation ».
Edouard KATCHIKPE