La destination Bénin ne cesse d’attirer les artistes du monde. Ils y viennent pour apporter leur contribution à l’embellissement de la ville de Cotonou. C’est au tour du plasticien brésilien Eduardo Kobra de transformer la façade de l’ex Hôtel du Port de Cotonou en une géante fresque. La perception de l’artiste sur la coexistence pacifique des religions au Bénin, c’est ici.
Aboubacar et son compagnon Ahmed viennent de faire deux fois le parcours de la majestueuse œuvre qui, bénéficiant de la lumière du couché du soleil, révèle toute sa splendeur aux motocyclistes et automobiles en attente dans les feux tricolores du boulevard du Port Autonome de Cotonou. Nous sommes dans la soirée du dimanche 7 mai 2023 devant une géante fresque murale de 525m2. Une trentaine de visiteurs contemplent l’œuvre « Coexistence » de l’artiste plasticien brésilien Eduardo Kobra réalisée sur les cendres de la façade de l’ancien l’Hôtel du Port. Les visiteurs les plus fascinés se laissent tenter par quelques prises de photos, histoire d’immortaliser leur passage en ce lieu métamorphosé. Cette fresque monumentale se distingue à côté d’une autre bande d’illustrations en graffiti sur la clôture du Port Autonome de Cotonou. L’image présente douze personnes à savoir six hommes et six femmes, qui se tiennent bras dessus, bras dessous et portant chacune un accoutrement distinctif de leur religion. Le regard tourné dans la même direction, il contemple l’horizon qui véhicule un message du vivre ensemble symbolisé par deux mains qui se tiennent sur la carte du Bénin colorée aux couleurs du drapeau national. De religion musulmane, Aboubacar retient, après la contemplation de l’œuvre, une leçon de cohabitation pacifique entre diverses religions au Bénin. Micheline de foi chrétienne catholique perçoit dans l’œuvre de l’artiste, les valeurs de fraternité, de solidarité et d’entraide envers son prochain.
Exaltation d’une cohabitation pacifique des religions
Après des travaux de création dans plusieurs villes du monde dont New York et Sao Paulo, le spécialiste des fresques monumentales vient passer ses coups de pinceaux dans cet espace considéré comme le poumon de l’économie béninoise. Dans cet environnement se côtoient au quotidien plusieurs nationalités de diverses obédiences religieuses. Sur les murs du Port Autonome de Cotonou, le plasticien contemporain Eduardo Kobra raconte l’histoire d’un peuple caractérisé par la cohabitation pacifique des religions. A travers sa création, l’artiste expose un tableau sur le dialogue interreligieux au Bénin matérialisé par les valeurs de tolérance et de cohabitation pacifique entre différentes confessions religieuses. C’est une œuvre humaniste qui s’inscrit dans la démarche artistique du graffeur Eduardo Kobra, celle de militer en faveur des causes universelles de la paix, de l’écologie, de la tolérance.
Mon art, souligne le plasticien, lance une alerte urgente sur l’importance de la préservation de l’environnement, la défense des animaux, l’appel à un monde sans violence qui valorise les cultures et les histoires de la tolérance et de la paix. L’artiste considère la religion comme une puissance pour le bien et l’exprime si bien d’ailleurs à travers son œuvre qui chante le requiem de liberté religieuse, de respect des croyances et surtout de la nécessité d’une cohabitation pacifique entre les membres de diverses religions.
Cotonou au rang des grandes villes « graffées » du monde
Forme d’expression ancienne utilisée par les artistes pour passer des messages et exprimer des coups de gueule, le graffiti a été considéré pendant longtemps sous nos cieux comme un acte de vandalisme. En 2013, sous l’initiative de l’association Assart, le graffeur béninois Laurenson Djihouessi a décidé de changer cette perception au sein de l’opinion et de donner à cet art, toutes ses lettres de noblesses. Le projet de construction du « Mur du patrimoine » prenait ainsi son envol sur la clôture longue de 940 mètres de l’Organisation Commune Bénin-Niger (OCBN), situé dans le quartier Dota, dans le 5e arrondissement de Cotonou. Des graffeurs de plusieurs pays venus au grand festival d’art urbain d’Afrique francophone, Effet Graph, ont pulvérisé de peinture la façade de 2 000m2 de surface qui s’étend du carrefour Zongo jusqu’au pont Konrad Adenauer. Au bout de 7 éditions de la tenue de ce festival, cet espace s’est transformé en musée à ciel ouvert pour permettre aux Béninois comme aux étrangers de passage au Bénin, de découvrir la culture du Bénin et les grands hommes et femmes qui ont marqué positivement l’histoire du pays. Les créations des artistes durant sept ans suscitent admiration et passage obligatoire pour les passants qui sillonnent le « Mur du patrimoine » considéré comme le mur graffé le plus long d’Afrique et classé 3e au monde derrière ceux des Emirats Arabes Unis et du Brésil.
Edouard KATCHIKPE