L’année scolaire 2024 a été marquée par l’organisation d’un Brevet d’Etudes du Premier Cycle (BEPC) unique. Aux lendemains des résultats, le directeur de cabinet du Ministre des Enseignements secondaire, technique et de la formation professionnelle, l’inspecteur Garba Ayouba, a été reçu sur le plateau de l’émission « Dimanche c’est politique » de la télévision E-Télé, le dimanche 15 juillet 2024. Il fait le point de ce nouveau BEPC.
E-Télé : Qu’est-ce que le BEPC réorganisé vient changer fondamentalement ?
Garba Ayouba : La réorganisation du Brevet d’Etudes du Premier Cycle (BEPC) est un volet du paquet global qui constitue les réformes de notre sous-secteur. Avant, nous avions les séries classiques ‘‘Moderne Long’’ (ML) qui initient déjà le candidat à partir de la classe de 4e, aux lettres, aux sciences littéraires ou humaines. De l’autre côté, les séries ‘‘Moderne Court’’ (MC) où la science dure est davantage renforcée avec les mathématiques et les sciences Physique-Chimie-Technologie (PCT). Mais ce qui nous a amenés à changer de paradigme, c’est le volet employabilité. Depuis les états généraux organisés aux lendemains de la conférence nationale et même les différents foras du secteur de l’éducation, le diagnostic a été clair. L’école doit pouvoir répondre aux besoins de la société. Mais nous avons constaté que le type d’école que nous avons jusque-là, produisait beaucoup de chômeurs. Et depuis les indépendances, plusieurs réformes ont été tentées mais c’est comme un éternel recommencement. C’est pourquoi en 2016, le président Patrice Talon avait prononcé la rupture. La rupture avec l’existant, la rupture avec l’école classique. A cet effet, il a mis en place le programme d’actions du gouvernement avec des piliers et des axes précis. L’essentiel à retenir au niveau de tout le secteur de l’éducation est de promouvoir un enseignement de qualité et un enseignement technique et professionnel pour résoudre la question de l’employabilité. L’école par rapport à sa finalité doit résoudre le problème de développement. Au niveau de l’enseignement secondaire général, il y a ce qu’on appelle la Stratégie Nationale de l’Enseignement Secondaire Général. Si on fait la promotion de l’Enseignement Technique et la Formation Professionnelle en négligeant le volet secondaire général, alphabétisation et promotion des langues nationales, nous aurons fait piètre figure. Donc, si l’apprenant est un intellectuel handicapé, mal formé, c’est qu’au niveau de l’enseignement technique et de la formation professionnelle, la profession prendra un coup. C’est pourquoi au niveau de l’enseignement secondaire général, nous avons voulu obtenir un brevet unique pour donner beaucoup de scientificité à nos cadres. C’est vrai que nous n’allons pas minimiser les lettres mais le dosage savant sera fait au niveau des sciences. Nous avons imposé les PCT mais cela n’exclut pas les autres matières. Voila la philosophie qui encadre le BEPC réorganisé.
A l’issue du BEPC, les chiffres viennent-ils vous conforter dans le choix qui a été opéré ?
Non seulement les chiffres viennent nous conforter, mais il y a aussi le feedback. Nous constatons à travers les jours qui ont suivi la proclamation des résultats, l’euphorie au sein de la population. C’est la preuve qu’il y a un changement. Effectivement, les statistiques reflètent cette progression, cette dynamique enregistrée puisque les statistiques participent aussi de l’évaluation. Pour rappel, en 2016, nous étions à peine à 16%. En 2017, nous sommes remontés à 50,56%. 2018 est l’année de la grande grève qui a beaucoup secoué le sous-secteur, nous sommes descendus à 28, 63%. En 2019, nous sommes remontés à 56,72%. En 2020, c’est un choc exogène, la pandémie de la Covid 19. Mais malgré la Covid, nous avons pu enregistrer 51,19% au dessus de la moyenne. En 2021, la reprise de la tendance a commencé avec 60,50%. En 2022, 66,50%. En 2023, 69,21% et cette année 2024, nous avons enregistré 73,74%. La courbe est ascendante en dehors des deux chocs de 2018 et 2020. Donc, c’est la matérialisation du succès qu’enregistre la mise en œuvre du programme d’actions du gouvernement. Et cela contente, nous sommes donc satisfaits.
Est-ce qu’il y a un changement au niveau des enseignants pour rendre les sciences dures plus accessibles au plus grand nombre ?
Il y a beaucoup de démarches, d’activités programmées, planifiées qui permettent de démystifier ces matières. Aucune matière ne devrait être un mythe ou une matière difficile. Ce qui manquait, c’était la pédagogie. Une chose est de maîtriser les connaissances universitaires, mais l’autre est de les transmettre, d’enseigner et d’éduquer. Quand nous recevons le savoir scientifique, il y a tout un mécanisme pour ramener cela au niveau des élèves. Par conséquent, si vous utilisez un registre de langue du niveau Terminale à des élèves de 6e, ils vont sombrer. Peut-être que les enseignants ne maîtrisaient pas le contour et le contenu. Dès l’instant où le contenu est maîtrisé, il faut le didactiser. Peut-être qu’avant, le contexte n’était pas créé. En 2016, nos programmes ont été relus pour être adaptés au contexte de notre temps. Les mathématiques vont avec toutes les matières pour produire ce qu’on appelle le réinvestissement. Un exemple simple, s’il y a un projet d’établissement qui concerne l’implantation d’un jardin scolaire, vous verrez que toutes les disciplines vont contribuer. Les français vont décrire le projet dans un bon français, les géographes vont parler d’aménagement, les mathématiciens apporteront leur contribution, etc. Donc il y a de petits projets comme cela que nous pouvons initier pour rendre les mathématiques beaucoup plus pratiques, logiques. Donc c’est la nouvelle vision depuis 2016.
Quel est le réel niveau des apprenants qui ont réussi à cet examen au-delà des chiffres ?
Ils ont le niveau qu’ils ont là et le BEPC n’est que le couronnement. C’est pourquoi il est prévu plusieurs formes d’évaluation. Il y a l’évaluation diagnostique en début d’année pour évaluer leur niveau, chaque fois que l’enseignant fait son cours, il y a l’évaluation formative. Il y a aussi la pédagogie différenciée. Cela se fait dans toutes les matières. Ensuite, il y a les interrogations écrites ou évaluation ponctuelle. Tout ceci, pour détecter les insatisfactions et les insuccès. Il y a également 4 devoirs surveillés au cours de l’année au moins. L’élève suit ce cursus pendant 4 ans et le professeur certifie qu’il a la moyenne, qu’il est bon. Qui d’autre peut venir remettre en cause ces notes ? Donc pour vous répondre objectivement, pour nous, ces notes sont crédibles. D’ailleurs, est-ce qu’un gouvernement a intérêt à maquiller les statistiques ? Cela ne nous honore même pas puisque nous avons prôné la rupture. Mieux, si nous maquillons ces chiffres, c’est de la fraude. Pire, nous sommes dans un système d’éducation. L’école ne donne pas que les connaissances, nous visons les comportements vertueux. Enfin le drame, si nous maquillons les chiffres, nous préparons la destruction totale du pays en formant de mauvais enseignants qui vont détruire le pays, de mauvais médecins, etc. Donc c’est le vrai visage de notre système, les chiffres sont crédibles et sincères.
Au regard de la crise sécuritaire dans certaines zones, est-ce que tous les apprenants ont pu composer dans les mêmes conditions ?
La réponse est Oui. Ce n’est pas un Oui démagogique mais c’est un oui fondé sur les faits. Tous les centres ouverts ont composé dans la quiétude et la sécurité et nous profitons pour remercier le gouvernement et surtout les forces de défense et de sécurité qui assurent la sécurité des acteurs de l’école, la sécurité des apprentissages. Nous n’allons pas étaler tout le dispositif ici mais au niveau pédagogique depuis octobre 2022, où des incursions ont été enregistrées dans ces zones, nous avons un dispositif de suivi pédagogique parce que conformément aux ODD4, nous avons l’obligation d’assurer l’éducation à tous les enfants sans exclusion et leur permettre d’apprendre tout au long de la vie. Il y a aussi le principe que le Bénin est un état unitaire et chaque fois dans les actes que nous posons, nous visons l’équité. Donc tous les apprenants de l’enseignement secondaire béninois ont composé tant pour le BEPC que pour le Baccalauréat de l’enseignement du second degré.
Quelles sont les possibilités spécifiques qui s’offrent en termes de formation à un apprenant qui a le BEPC en poche ?
L’apprenant peut aller vers le second cycle, c’est souvent le cas général. Et c’est pourquoi l’enseignement technique et la formation professionnelle est aujourd’hui, le parent riche. La vision du gouvernement est d’envoyer 70% vers l’enseignement technique et la formation professionnelle. Donc, aujourd’hui avec le BEPC, il peut passer des tests d’entrée dans les lycées techniques, les lycées techniques agricoles, industriels, professionnels et les autres séries de l’enseignement technique. De l’autre côté, dans l’enseignement secondaire général, ils peuvent choisir les séries A1; A2 ; B ; C ; D. Donc en définitive, il y a beaucoup de possibilités avec le BEPC.
Propos transcrits par Estelle DJIGRI