Dans notre quête de découvrir les réalités spécifiques à la filière Génie Civil dans les lycées au Bénin, il ressort que cette filière a plusieurs spécialités. Mais plus encore, les techniciens prennent de graves risques qui peuvent entraîner la mort.
La vision portée par le Gouvernement béninois depuis quelques années est de faire du Bénin, un pays où l’économie est générée par les hommes et femmes sortis de l’enseignement technique et professionnel. A cet effet, il ne cesse de mettre en œuvre des actions et stratégies pour inciter plus d’apprenants dans les lycées techniques et professionnels. Précisément, 70% d’apprenants sont espérés dans ces lycées contre 30% dans l’enseignement général. Ceci pour former plus de mains d’œuvre susceptibles de travailler pour leur épanouissement professionnel et par la même occasion, contribuer par leur savoir-faire professionnel et technique, au développement du Bénin. Cette vision du président Patrice Talon est la bienvenue aux yeux de plus d’un. « C’est une très bonne résolution que le Gouvernement béninois a prise. L’avantage est que celui qui a fait une formation technique et professionnelle, peut déjà commencer à travailler dès ses premiers diplômes. Tandis que celui qui a fini l’enseignement général avec le Bac, c’est maintenant qu’il va rentrer dans la masse populaire de l’UAC pour finir et revenir s’asseoir à la maison. », a fait savoir Prudence Bidossessi Yéhounmè, technicien en Génie Civil, pour justifier cette vision. Même son de cloche chez l’ingénieur de conception en Génie Civil et actuel proviseur du Lycée Technique d’Amitié Sino-Béninoise D’Akassato (LT/ASBA), Pierre Essou. « Cette vision du Gouvernement qui veut que la tendance soit inversée, c’est pour permettre aux enfants d’avoir un métier à exercer, à la fin de leur cursus. Ils peuvent s’auto-installer ou travailler pour quelqu’un d’autre. A la fin, ils doivent pouvoir être utiles à quelque chose. », informe-t-il.
Sciemment ou inconsciemment, Dénis C. et Juste-Roland ont adhéré à cette vision du chef de l’Etat en se faisant former dans l’une des filières enseignées dans les lycées techniques : le Génie Civil.
Une formation coûteuse non sans difficultés dans les lycées
L’essentiel existe dans des lycées au Bénin pour faciliter la formation en Génie Civil. Les matériels existent pour accompagner les apprenants dans leur formation. Du moins, c’est ce qu’il ressort des propos du proviseur du LT/ASBA, Pierre Essou. Si difficultés, il y en a, cela dépend de l’apprenant lui-même. Sinon, « L’apprenant n’a pas besoin de grandes choses pour sa formation. Il a besoin de ses équipements individuels que sont la calculatrice, des équerres, des règles, les équipements de protections individuels. Le reste des matériels, c’est le lycée qui le met à leur disposition. », a fait savoir le proviseur Essou. Cependant, il fait observer que la formation dans l’enseignement technique coûte chère au regard des équipements qui sont déployés à cet effet. « L’enseignement technique coûte cher. C’est d’ailleurs pour ça que la contribution est à 120.000f alors que dans l’enseignement général, c’est 15.000f. Tout simplement parce que nous avons besoin de beaucoup d’équipements. », a-t-il confié.
Si Denis C. a fait l’option du Génie Civil pour se renforcer davantage dans le métier qu’exerce son père, la maçonnerie, Juste-Roland, lui par contre, a choisi cette filière pour espérer un jour, vivre la passion qu’il ressent en dessinant. Au terme de sa formation, il entend faire carrière dans l’Architecture, une des nombreuses spécialités dont regorge le Génie Civil.
Focus sur des spécialités de la filière Génie Civil
Tout ce qui entre en ligne de compte dans la réalisation d’un bâtiment ou tout autre ouvrage d’art comme les routes, les ponts, les infrastructures publiques, etc., sont des branches dans lesquelles le technicien peut se spécialiser au cours de sa formation. Autrement, il peut souhaiter se focaliser son attention sur un aspect précis plutôt que d’être un généraliste. C’est l’option faite par Prudence Bidossessi Yéhounmè, qui après sa Licence, a choisi de faire carrière dans l’hydraulique Bâtiment. « J’aime l’eau et tout ce qui la concerne. Tout petit, j’étais curieux à ce propos. Je demandais à mon père qui travaillait dans une société d’approvisionnement en eau, d’où venait l’eau quand on ouvre le robinet pour en prendre. », s’est-il rappelé. C’est d’ailleurs ce qui l’a poussé à mettre en place sa propre structure dénommée ‘‘SBP Services’’. Laquelle intervient dans l’installation de la plomberie industrielle, de l’hydraulique, de la protection incendie, de la piscine.
En dehors de ces spécialités choisies par Prudence, le technicien en Génie Civil peut choisir comme branches : l’électricité bâtiment, l’architecture, la climatisation, la maçonnerie, le carrelage, la menuiserie (bois, aluminium, métallique), l’étanchéité, pour ne citer que celles-là. Dans l’une ou l’autre de ces branches, le travail n’est pas toujours chose aisée pour le technicien. Ce dernier peut faire face à plusieurs risques.
Du respect des principes propres au Génie Civil
Dans l’optique de vivre le quotidien d’un technicien en Génie Civil, l’équipe de Educ’Action a été conduite sur le chantier du nouveau marché de Cococodji. C’est la jeune entreprise ‘‘SBP Services’’ dirigée par Prudence Bidossessi Yéhounmè qui s’est fait le plaisir de recevoir Educ’Action. Mais avant d’avoir accès à ce grand chantier, il y a eu un préalable. La société ‘‘SBP Services’’ a habillé l’équipe de Educ’Action en gilet, en casque ainsi qu’en chaussure de sécurité. C’est un impératif à en croire le directeur Yéhounmè. « Les règles d’EPI dans le domaine de Génie Civil, obligent tout usager au respect des principes de sécurité. Donc avant d’avoir accès à un chantier, le technicien ainsi que tout autre usager doivent porter un gilet, un casque ainsi qu’une chaussure de sécurité. », informe-t-il. Propos confirmés par le proviseur Essou qui martèle à son tour : « Celui qui a accès à un chantier de Génie Civil doit prendre des mesures de sécurité individuelles comme la ceinture de sécurité, le port de casque, etc. » Cependant, malgré ces dispositions obligatoires, les risques ne manquent pas sur le terrain.
Pierre Essou, proviseur du Lycée Technique ASBA
Des risques allant jusqu’à la mort
Comme tout travail, le Génie Civil est aussi confronté à des risques énormes pouvant conduire à la mort. Durant ses nombreuses années d’exercice de ce métier, Pierre Essou a vu quelques uns de ses collègues, perdre la vie. Il en garde d’ailleurs encore les souvenirs de deux de ses proches qui sont passés de vie à trépas sur des chantiers. « Les risques dans ce domaine sont nombreux. Il y a des travaux que le technicien doit faire en hauteur. Pour cela, il est obligé de mettre des échafaudages pour pouvoir travailler en haut. Donc là, il court le risque de tomber », a-t-il expliqué. Sur les routes également, poursuit-il, il y a des accidents qui surviennent et qui entrainent la mort.
Ce n’est pas tout. « Déjà au niveau de l’étape des études avant de gagner un marché, nous prenons des risques. C’est dire que nous pouvons faire une offre pour gagner le marché, nous signons le contrat et nous démarrons les travaux. Mais quelques mois après le démarrage des travaux, nous nous rendons compte qu’il y a la flambée des prix des matériaux de travail sur le marché. Malheureusement, une fois que le contrat est déjà signé et enregistré, nous ne pouvons plus venir vers le maître d’ouvrage pour revoir le prix ou pour dire que le travail ne peut plus évoluer. Il y a de ces situations extrêmes dans lesquelles l’entrepreneur perd », a exposé Prudence Bidossessi Yéhounmè. Outre tout ceci, il y a également des cas de vol qui sont très fréquents chez les ouvriers.
Estelle DJIGRI