Gestion des apprenants colériques en milieu scolaire : Des spécialistes donnent des astuces

  • 0
  • 189 views

La colère ne reste pas sans impacts négatifs dans le processus d’enseignement-apprentissage-évaluation de l’apprenant colérique. A travers ce dernier numéro, votre journal Educ’Action met le curseur sur le décrochage scolaire, son impact sur la santé et les orientations pour un meilleur suivi des apprenants coléreux. Reportage !

Quand on parle de colère, on parle aussi de décrochage scolaire. Le cas de Samuel (prénom attribué), élève en classe de 2nde F3 C à l’Ecole Professionnelle Salésienne Saint Jean Bosco de Cotonou, aussi coléreux qu’il soit en témoigne bien. «Je ne fous plus rien quand je suis en colère. Quand je prends le cahier et que je l’ouvre, je pense à la situation et je le ferme. Même si je me balade et que je reviens sur mes pas, je suis toujours en colère. A cause de cela, j’ai dû reprendre la classe de 2nde». Toute une année perdue à cause d’un tempérament fort et incontrôlable. Cela dénote bien des perturbations que connaît le jeune élève, suite à ses crises de colère. Comme lui, beaucoup d’autres apprenants se voient freiner dans leurs études en raison de leur crise de colère démesurée.
La colère, une réaction vive et parfois violente, a un impact sur les apprenants faciles à cette émotion. Que comprendre des risques auxquels s’exposent les apprenants coléreux ?

Impacts de la colère sur le plan scolaire

Chaque émotion négative se réfère à un organe du corps et peut l’affecter

 

De l’avis de Bernard Comlan, Psychologue et Consultant en Stratégies Educatives, l’apprenant en proie à la colère «risque d’abandonner les classes car les crises de colère peuvent générer une certaine démotivation scolaire à son niveau. Il ne sera pas heureux et aura des difficultés de sociabilisation. Il peut aussi développer des comportements déviants qui l’empêcheront de prospérer dans les activités scolaires». D’un autre point de vue, toute personne qui se met dans un état colérique ou nerveux, ne produit pas de bons rendements, affirme, pour sa part, Jean Akowé, Psychopédagogue à l’Ecole Professionnelle Salésienne Saint Jean Bosco de Cotonou. Souvent les élèves à fort tempérament sont mal compris voire traités comme des indisciplinés. «Si c’est un élève, il est automatiquement qualifié d’indiscipliné avec des retenues, des moins en conduite, sans oublier les sanctions, les punitions. Une colère liée à un événement en famille ou au sein de l’école peut l’amener à détester son école ou une matière et le professeur qui en a la charge. La colère peut conduire aussi au décrochage scolaire», fait savoir le psychopédagogue. Cependant, si le décrochage scolaire peut bien provenir des crises de colère liées à des antécédents familiaux et assimilés, il n’en demeure pas moins que le corps éducatif en particulier les enseignants ont leur part de responsabilité à jouer. Cela, le psychopédagogue Jean Akowé a su bien le mettre en exergue. «L’une des causes fondamentales du décrochage scolaire est une mauvaise gestion de la colère. Comme les acteurs du système éducatif n’ont pas su accompagner ces derniers dans le temps, ils ont abandonné les cours. Malgré que cette catégorie d’apprenants soient très bien intelligents et constituent de potentiels futurs leaders, nous avons souvent l’habitude de les considérer comme des délinquants. On parle donc de délinquance juvénile», déplore-t-il.
La colère n’a pas que d’impacts sur le rendement scolaire. La santé de ces apprenants est d’autant plus menacée, car de ces crises peuvent découler plusieurs autres maladies.

De la colère des apprenants aux différentes maladies

Au plan sanitaire, nombreuses sont les maladies auxquelles s’expose l’apprenant coléreux. Agossou Dakimon-Médénou, sino-biologue et spécialiste en médecine traditionnelle chinoise, évoque le cancer, l’hypertension artérielle, l’Accident Vasculaire Cérébrale (AVC) et bien d’autres maladies liées à la crise répétée de colère. Tout en donnant plus de détails à ce sujet, il fait la distinction entre la colère refoulée qui est celle silencieuse et la colère extériorisée qui se manifeste de façon vive et parfois violente. Ainsi, explique le sino-biologue, «il y a des pathologies liées à la colère refoulée. Une colère refoulée amène de la rumination. Notre pensée n’est pas libre, il y a quelque chose qui s’impose à elle, qui nous ramène toujours en boucle de cercle vers l’injustice et la douleur subies. La colère non exprimée est une double douleur». Se référant aux apprenants à forte inclinaison colérique, Agossou Dakimon-Médénou se veut plus précis : «La colère violente chez un apprenant qui souffre d’hypertension peut amener un AVC, une brusque attaque. Cela fait monter l’énergie violemment et les vaisseaux sanguins éclatent au niveau du cerveau, ce qui peut amener une hémorragie cérébrale ». Quant à la médecine chinoise, la colère agit au niveau de deux fonctions que sont la nuance entre la médecine chinoise et celle moderne. «La médecine chinoise fait toujours référence aux organes dans notre corps. Mais, elle raisonne plus en termes de fonction qu’en termes d’organes. Il y a donc la fonction foie et la vésicule biliaire. Les deux fonctions auxquelles la colère est donc liée sont celles hépatique et biliaire. Au niveau du foie, la médecine chinoise va dire qu’il y a eu une sécrétion excessive d’acide», a-t-il dit dans ses envolées explicatives. La colère excessive fait également le lit à des maladies comme l’ulcère et l’asthme, selon le docteur. «Chez les apprenants dont la colère est répétitive, ils peuvent avoir l’ulcération au niveau de l’estomac. Quand il y a colère, l’énergie violente déployée graisse souvent le cœur. Un apprenant qui a une légère prédisposition à l’asthme, quand il est en colère, cela peut créer de la gêne respiratoire et l’empêcher de bien respirer. L’apprenant peut ne pas être malade et après une colère violente, avoir immédiatement de l’AVC», souligne-t-il.
Par ailleurs, hormis ces maladies, l’apprenant colérique peut aussi bien faire face au cancer à long terme. «C’est rare que la colère extériorisée amène de façon directe le cancer. En revanche, celle refoulée peut amener à la longue le cancer. Le cancer va se définir en fonction du terrain de l’apprenant, puisque le refoulement c’est la condensation, la coagulation de l’énergie qui ne circule plus normalement», précise Agossou Dakimon-Médénou avant d’ajouter que : «Les élèves qui ont une colère refoulée trop poussée ont rarement du plaisir, ils s’amusent rarement. Ils participent rarement aux choses qui donnent de la joie. Il y a peu de choses qui les réjouissent. La colère refoulée est une obsession, une rumination. Les mêmes choses reviennent en boucle et s’imposent au cerveau. Pour les cas extrêmes, l’apprenant n’arrive pas à réfléchir à autre chose. Dans la pratique, tout le monde a un peu de colère refoulée».
Abordant la question de l’apprentissage au niveau des apprenants colériques, le spécialiste en médecine traditionnelle chinoise trouve qu’il y a incompatibilité entre la colère et l’apprentissage. «On ne peut pas être dans une situation de colère et être dans une démarche d’apprendre. Pour apprendre, il faut être réceptif. Apprendre, c’est s’ouvrir. La colère met frein à cette capacité, elle se ferme. La colère dirige toute notre énergie vers l’extérieur, hors pour apprendre, il faut s’ouvrir. Une personne en situation de colère ne s’ouvre pas. Si l’apprenant a, par exemple, une colère silencieuse, il n’a qu’une envie, soit d’en découdre avec le professeur ou l’auteur de cette colère», explique le docteur Dakimon-Médénou

Quelles astuces pour gérer efficacemment la colère?

Joanna (prénom attribué) et Samuel (prénom attribué), tous deux colériques et élèves à l’Ecole Professionnelle Salésienne Saint Jean Bosco ont chacun leurs témoignages sur leur état colérique et la gestion qu’ils en font. «Si c’est à la maison, je m’enferme et je joue le piano. Mais si c’est à l’école, je regarde simplement la personne et je souris», a affirmé Joanna, élève en classe de 1ère F4 en génie civil partageant ainsi la méthode à elle utilisée, selon les conditions, pour surmonter sa crise de colère. Quant à Samuel, élève en classe de 2nde F3 C, il est encore un peu difficile pour lui de canaliser les émotions. «Je ne fais rien. Si cela me dépasse, je sors de la maison et je me balade dans la rue. C’est tout ce qui me calme», explique le jeune élève. Connaissant un tant soit peu les conséquences d’une crise de colère facile et répétée, Agossou Dakimon-Médénou, Sino-biologue et spécialiste en médecine traditionnelle chinoise met un point d’honneur sur le comportement normal que doit avoir un apprenant en cas de crise de colère. «Un apprenant en colère doit premièrement contrôler sa parole et ses actes. Ce n’est pas facile, c’est un apprentissage. La deuxième chose importante quand on est en colère, est de changer de lieu. L’apprenant peut quitter sa classe lorsqu’il se sent en colère. C’est aussi très important de changer de sujet lorsqu’on discute avec une personne et qu’il y a désaccord. Si l’on est seul, il faut absolument changer de réflexion, diriger l’objet de ses pensées vers autre chose d’abord. S’il est possible, échanger avec d’autres personnes supérieures en âge ou en qui l’on a confiance, a indiqué le docteur.
Outre, les mesures évoquées par le sino-biologue, l’accompagnement et le suivi de l’apprenant colérique participent fortement à la bonne gestion de la colère. Psychopédagogues et psychologues insistent sur une bonne prise en charge psychologique de tels apprenants.

                               colere

De la nécessité d’une prise en charge psychologique

Les psychologues et les psychopédagogues voire les psychiatres doivent occuper une place de choix dans le processus d’épanouissement des apprenants colériques dans les temples du savoir. Pour Jean Akowe, psychopédagogue à l’Ecole Professionnelle Salésienne Saint Jean Bosco de Cotonou, «l’accompagnement psychologique va plus intervenir avec les psychologues cliniciens, voire des psychiatres pour une thérapie cognitivo comportementale qu’on appelle TCC par exemple». Car, explique-t-il : «Les apprenants qui se mettent dans ces états, tombent souvent malades, développent des maladies comme l’hypertension. Il s’agit donc de convertir cette émotion négative en une énergie fonctionnelle, même si elle demeure désagréable. Il faut donner une interprétation, une qualification positive et avantageuse à la situation ou à l’événement pour en tirer profit. Ainsi, il faut travailler sur les interprétations automatiques et faire une analyse rationnelle et objective des faits par l’hémisphère gauche qui dirige ce travail au niveau du cerveau. En fon, on dit : yé dayihomè, yé yi agbondji, é bio mèdémè». Aussi précise-t-il avec déclamation à l’appui : «Lorsque vous êtes sous une douche publique et qu’un malade mental vient prendre tous vos vêtements et votre serviette et que sans réfléchir, vous sortez tout nu pour le pourchasser parce que vous êtes en colère, alors vous serez considérer aussi comme un malade mental en ce moment».
Utiliser les émotions désagréables et les requalifier en des situations avantageuses pour amener les apprenants à en tirer profit. Tel est aussi, comme le décrit Jean Akowe, l’un des rôles des spécialistes en psychologie. Prenant exemple sur la République Populaire de la Chine où les employeurs surproduisent, sous l’effet de la colère, lors des grèves perlées, le psychopédagogue Jean Akowé affirme : «Lorsqu’ils sont en colère contre leur employeur, ils la convertissent en une surproduction. Ce qui entraine une baisse des prix car l’offre des produits dépasse la demande. Nous pouvons aider certains élèves à orienter leur colère sur les mauvaises notes en travaillant davantage, en étudiant sérieusement pour une bonne maitrise des cours reçus. Ainsi, le rendement de l’élève en colère ne va plus baisser. On peut lui donner des points de bonification en réserve pour avoir bien répondu à une question».

Du rôle des parents …

«Les parents doivent accompagner les enfants qui s’adonnent le plus souvent à la colère. Il importe de les aimer et les aider à identifier leur style de colère, les déclencheurs et les scénarii qui suscitent à l’origine leur colère», a dit Bernard Comlan, Psychologue et Consultant en Stratégies Educatives. Par ailleurs, il ajoute que : «ces apprenants pourront examiner ensuite des stratégies personnelles pour gérer au mieux leur colère. Ils peuvent aussi traiter de la résolution de conflits, en examinant les différents moyens de réagir aux conflits et les styles de résolution des conflits». Avis que partage le psychopédagogue Jean Akowé qui renchérit en ces termes : «Sur le plan comportemental et pour le développement socio-affectif, la bonne gestion de la colère fera de cet élève un futur leader qui sait gérer les situations conflictuelles, les désaccords. Nous devons aider les élèves à comprendre que même s’ils sont frustrés, irrités, ils doivent apprendre à se maîtriser en choisissant le moment et les mots ou expressions pour réclamer de manière respectueuse et responsable leurs droits envers les parents, les éducateurs et les camarades. Notons qu’il en est de même pour les géniteurs ou tuteurs et pour les éducateurs ou enseignants. Car même dans la Bible, dans le livre d’Ephésiens 6 verset 4, il est interdit d’exaspérer, d’irriter ou de pousser à bout les enfants dans leur éducation».
Pour finir, conseille le psychopédagogue, pour un apprenant qui se met facilement en colère, il faut : «orienter son affectivité vers l’amour de Dieu, insister sur la valeur de l’humilité, lui parler avec le cœur, réussir à le toucher dans son âme, au fond de son être intérieur, de la persévérance, beaucoup de délicatesse et d’encouragement, de sourire pour qu’il donne le meilleur de lui-même. Il faut leur énumérer les droits et devoirs : le règlement intérieur à l’école comme à la maison et opposer une froideur mesurée devant ses colères».

Gloria ADJIVESSODE

Loi sur l’avortement : Le gouvernement apporte des clarifications
Prev Post Loi sur l’avortement : Le gouvernement apporte des clarifications
Prof Issaka Youssao Abdou Karim, Directeur Général de l’Enseignement Supérieur au MESRS : «Un bilan de la mise en œuvre du LMD est nécessaire»
Next Post Prof Issaka Youssao Abdou Karim, Directeur Général de l’Enseignement Supérieur au MESRS : «Un bilan de la mise en œuvre du LMD est nécessaire»

Laissez un commenntaire :

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

error: Vous n'avez pas le droit de copier ce contenu !