La gestion des crises de colère n’est pas chose facile pour les personnes coléreuses encore moins pour les apprenants qui, face à cet état d’esprit, doivent surmonter beaucoup de choses afin de réussir leurs cursus scolaires. Après l’acte I, votre journal Educ’Action allume les projecteurs sur le rôle de l’enseignant et la pédagogie à appliquer pour une évolution sans anicroche de l’apprenant colérique. Reportage !
Irritabilité extrême combinée aux études. Est-ce possible ? Et pourtant, des apprenants, chaque jour, doivent rechercher le juste milieu entre leur disposition psychologique et leurs études pour un bon rendement scolaire. Cela dit, une grande part de responsabilité incombe à ces enseignants qui, au-delà de donner des connaissances, doivent aussi veiller à ce que l’apprenant maîtrise son émotion lors des activités pédagogiques.
Que doit faire un enseignant face à un apprenant coléreux ? Patrice Klotoé est enseignant d’électronique à l’Ecole Professionnelle Salésienne Saint Jean Bosco de Cotonou. Egalement, enseignant de Samuel (prénom attribué), élève colérique d’ailleurs, s’est rappelé d’une des crises de colère de cet apprenant. Il témoigne : «J’ai assisté une fois à sa crise de colère. C’était avec un collègue. Samuel pensait qu’il avait raison parce qu’il avait oublié son cahier d’exercice à la maison. Il disait avoir fait son exercice, mais le professeur pensait le contraire. Il s’était mis en boule, on l’a fait sortir de la salle de classe, il est venu chez le directeur des études pour échanger avec lui. Moi, j’étais de passage en ce temps et je venais, mais au dehors, sous l’effet de cette colère, il donnait des coups violents au mur juste pour se décharger. Ce jour, j’avais eu peur parce que tant sa réaction était vive. En ce moment, je ne le gardais pas. Après cela, je me suis rapproché du directeur des études pour en savoir plus et de l’élève lui-même pour lui demander ce qui n’allait pas».
En effet, tout comme ce professeur dont l’histoire est narrée, beaucoup d’enseignants n’arrivent pas à se maîtriser en face de cette catégorie d’apprenants. Du coup, des écarts de langage et des comportements déplacés s’observent en raison de la non-connaissance de l’état d’esprit de l’apprenant à la base.
La connaissance de son élève, une priorité…
L’essentiel pour un enseignant ne se résume pas uniquement à dispenser les cours aux apprenants dont il a la charge. Cela implique aussi, qu’il s’approprie le caractère de ces apprenants et savoir les tenir face à certaines situations. Malheureusement, tout enseignant ne dispose pas de cette attitude. Et pourtant, cette stratégie de suivre de près chacun de ses élèves a permis à Fabrice Likpètè, enseignant de génie civil à l’Ecole Professionnelle Salésienne Saint Jean Bosco, de déceler très tôt la nature colérique de son élève Joanna (prénom attribué) en classe de 1ère F4. «Au début, quand elle venait au cours, elle était souvent calme. Je l’ai vite remarquée parce que lorsqu’elle sent une attitude d’injustice, c’est-à-dire quand il y a deux poids deux mesures, cela la met en colère.
J’ai vite décelé après trois (03) semaines de cours et j’ai compris qu’elle avait un problème particulier. Ainsi, j’ai commencé à lui prêter une attention particulière», explique Fabrice Likpètè. L’enseignant de Samuel, Patrice Klotoé semble s’inspirer de l’exemple de son collègue Fabrice Likpètè. «Samuel est un élève un peu calme mais dès qu’il s’énerve, il réagit de manière violente et agressive. C’est vrai qu’il ne porte pas de coup à ses camarades mais il est prêt à porter des coups à un instrument près de lui pour se décharger. Cela arrive dès qu’il y a des altercations entre lui et ses camarades ou une réaction d’un enseignant qui le choque et qu’il trouve disproportionné. Dans cette condition, il réagit violemment quand il sent qu’il a raison. Je dis bien sent. Parce qu’il n’a toujours pas raison. Mais quand c’est le cas, il est prêt à se défendre bec et ongles» a-t-il confié pour avoir pris le soin d’observer son élève facile à la colère. A la lumière de ces propos, on retient que l’enseignant doit chercher à connaître son apprenant colérique afin de savoir l’attitude à adopter face cette crise émotive.
L’effort de suivre cette catégorie d’élèves, comme le lait sur le feu, ne reste pas sans avantages pour leurs professeurs. Car, selon le constat fait sur le terrain, ils se font une idée de la pédagogie à appliquer dans les circonstances de crise de colère.
Patience et temps d’écoute, une pédagogie efficace
Enseigner, c’est donner du savoir. Eduquer, par contre, englobe des aspects plus approfondis quant à assurer la croissance d’une personne sur tous les plans. L’enseignant ainsi, au-delà de dispenser les cours, est aussi un père, un frère, une épaule et une oreille. En gros, un appui pour ses apprenants. Il importe donc que ce dernier sache se familiariser avec le caractère de ses élèves pour savoir comment s’y prendre. Face à un apprenant coléreux comme Samuel dont il est le professeur, Patrice Klotoé, enseignant en électronique, tente d’orienter sur le comportement de l’enseignant en cas de crise de colère chez l’apprenant. «Il faut reconnaitre que, nous, enseignants aussi, avons nos tempéraments, et tout le monde n’arrive pas à gérer correctement ces apprenants. Ce sont des apprenants surtout, lorsqu’il s’agit de ce type de garçon, quand ils sont dans cet état des fois, c’est de ne pas réagir tout de suite, soit le faire sortir un moment, il digère et après vous le rappeler. Mais à chaud, c’est souvent difficile de les amener à la raison», a-t-il indiqué. Par ailleurs, il renseigne sur la méthode qu’il utilise souvent en affirmant : «Ce que j’aime bien faire, c’est les raisonner au travers des questions réponses de telle sorte que, de manière astucieuse, lui-même donne les réponses par rapport à la situation et se rend compte maintenant qu’il a tort. Mais pour ça, il faut de la patience et prendre du temps avec eux».
Partageant le même avis que son collègue, Fabrice Likpètè, enseignant de Joanna opte néanmoins pour l’écoute. Ce qui lui permet non seulement d’appréhender les émotions de son élève mais aussi de la libérer et de la calmer. «Joanna, effectivement, est colérique. Mais pour la calmer, il faut être d’abord patient. La deuxième chose, il faut lui accorder un bon sens d’écoute. Le simple fait qu’on l’écoute sur ses problèmes qu’elle énumère la libère déjà avant qu’on ne prenne la parole pour l’orienter et discuter avec elle», a-t-il confié. Le refus d’adhérer à l’idée ou à l’explication de l’apprenant colérique attise de plus en plus sa colère. «Ce qui la met dans son état, c’est quand elle se voit opposer un refus. Un refus de développer peut être un talent ou ses idées. C’est ça qui la contrarie souvent. De ce fait, je l’écoute, je vais dans un premier temps dans le même sens qu’elle tout en lui montrant les avantages et les inconvénients de ce qu’elle pense et je lui demande de choisir. Quand elle arrive à aller dans le bon sens, elle trouve elle-même qu’elle est en erreur», souligne l’enseignant Fabrice Likpètè, montrant ainsi le caractère de son apprenante Joana.
Eduquer vaut mieux qu’Enseigner
«L’éducation est une affaire de cœur comme Don Bosco le dit. Réellement, je comprends que c’est une affaire de cœur, en ce sens que les enseignants doivent s’armer de patience. Savoir comme le dit un adage, un moment de patience dans un moment de colère évite mille moments de regrets», a soutenu Fabrice Likpètè. Et pour cause, précise-t-il, avec la patience, les enseignants peuvent arriver à gérer ces cas d’apprenants. Patrice Klotoé, quant à lui, n’est pas allé par quatre chemins. «Si c’était notre propre enfant, on n’allait pas le jeter. On trouverait des moyens pour l’accompagner. Il faut aussi savoir que l’enseignant est un éducateur. Et être éducateur, c’est amener l’apprenant d’un point A à un point B, le faire croître sur tous les plans. Les apprenants ne vivent pas les mêmes conditions à la maison et la plupart du temps, il y a l’impact de la maison qui agit et ils n’arrivent pas à s’exprimer à la maison ce qui provoque cette réaction de leur part à l’extérieur». De même, soutien l’enseignant en électronique: «Il faut avoir cette approche là, et savoir que nous ne sommes pas là seulement pour leur donner la connaissance théorique mais nous sommes là aussi pour former d’honnêtes citoyens et les accompagner».
Quand on parle de colère, on fait aussi référence au décrochage scolaire. La troisième partie de cet sujet va être consacrée à l’impact de la colère sur le rendement scolaire, ensuite la santé de ces apprenants puis enfin l’avis des spécialistes sur l’accompagnement nécessaire pour leur épanouissement.
Gloria ADJIVESSODE