Gestion des relations amoureuses entre apprenants : Les parents face à un rôle complexe

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Les apprenants, peu importe leur âge aujourd’hui, sont impliqués dans des relations amoureuses qui ne sont pas toujours de nature à favoriser leur évolution scolaire. Entre témoignages et vécus, il ressort que parents et écoles ont des rôles à jouer pour une prise de conscience des élèves.

«Je suis tombée amoureuse la première fois à l’Apatam, aujourd’hui école maternelle. C’est un sentiment normal. On a de l’attirance et des affinités avec un être de sexe opposé. » Ceci est le témoignage de Adjignon Gladys Hounkpè, enseignante-chercheure, sur sa première expérience amoureuse. Pour elle, normalement, à cet âge, ça s’arrête là. On ne pensait à rien d’autre. On voulait seulement être ensemble et jouer.
Mais aujourd’hui, les relations amoureuses se conçoivent autrement entre les élèves et va au-delà du simple envie de jouer ensemble. Rares sont les apprenants du secondaire qui ne nourrissent pas de sentiment l’un envers l’autre ou qui ne sont pas encore en relation, parfois même déjà au premier cycle. « Je suis Alvine G, élève en 4e. J’ai un copain qui est en 3e dans le même collège que moi » ; « Je m’appelle, Kévin K., élève en 2nde D. Ma petite amie est en 3e dans un autre collège. » ; « Moi c’est Aubin T., élève en Terminale A. Oui j’ai une copine que j’aime beaucoup et elle m’aime aussi. » Ce sont les réponses obtenues chez un certain nombre d’élèves à qui la question a été posée de savoir si oui ou non, ils sont en relation. Pour ceux dont la réponse est affirmative, le bouchon a été poussé plus loin. « Comment vivez-vous ladite relation, allez-vous au sexe comme les adultes ? » Les sourires au coin des lèvres, les mains posées sur la bouche ou sur le visage pour cacher une possible honte, en disent long sur leur réponse. Le plus courageux, Aubin T. dira sans détour : « Oui nous allons à l’acte sexuel, ma copine et moi. Sans ça, on ne peut pas dire qu’on s’aime. » C’est d’ailleurs de cette manière que la plupart des apprenants vivent désormais leur relation amoureuse peu importe leur âge.

Une relation amoureuse inconcevable entre apprenants

« Une relation amoureuse est toute relation qui peut amener deux personnes de sexe différent à se mettre ensemble pour partager beaucoup de moments de plaisir sexuel ou non, des moments de peine et de joie ensemble. » Cette définition de la relation amoureuse est proposée par Bruno Montcho, sociologue de la débrouille et de la déviance à l’Université d’Abomey-Calavi. Cependant, ni lui, ni certains ne conçoivent le fait qu’il puisse exister une telle relation entre apprenant, et plus encore des apprenants du premier cycle. « On peut comprendre que parce qu’ils sont à l’étape de la puberté, les apprenants du second cycle puissent se mettre en relation pour satisfaire un certain besoin que le corps exprime à cet âge. Mais les apprenants du premier cycle, c’est inconcevable. », refuse catégoriquement le sociologue. « Que vont-il se dire, ces amoureux dont on parle ? A leur âge, ils ne devraient pas avoir d’autre préoccupation que leur étude. L’amour n’a pas sa place là. Ils auront tout le temps après pour ça », s’offusque Bénédicte A., mère de famille. Invité dans le cadre d’une conférence paroissiale, sur les relations amoureuses entre jeunes, l’enseignant L. Aho, professeur des Sciences de la Vie et de la Terre, déconseille toute relation amoureuse avant le niveau universitaire tout au moins.
Cependant, les sentiments amoureux sont nécessaires à en croire le Dr Adjignon Gladys Hounkpè, dans le développement psychoaffectif de l’être humain. La gestion que l’on fait de ces sentiments détermine le type d’adultes que sera l’enfant. Qu’il soit un sentiment normal ou non, beaucoup d’apprenants s’y adonnent pour plusieurs raisons.

Docteure Adjignon Gladys Hounkpè

Des raisons probables

« Pour la première fois que je suis tombée amoureuse en 5e, c’est parce que j’ai vu un garçon qui était simplement beau et très attirant. Je me suis fait ami à lui et le courant est vite passé », relate Kémi, qui a aujourd’hui 25 années d’existence. Et c’est parti pour une multiplication des relations, a-t-elle ajouté. Tout comme elle, ils sont nombreux ces apprenants à se mettre en relation au nom d’une attirance ou bien d’autres. « L’attirance pour un jeune qui travaille bien à l’école, un homme beau ou une belle fille tel que vous les aimez ; le suivisme ; l’amour qui surgit de nulle part et qui gagne le cœur de celui ou celle qui en est épris. La pauvreté aussi peut amener une fille de bonne moralité à se mettre en relation avec un garçon dont les parents ont les moyens », a énuméré le sociologue Montcho. Le suivisme est d’ailleurs ce qui a poussé Mirabelle à se mettre dans une relation. « Mes copines sont allées me voir un jour pour me dire qu’un ami de leurs copains avait parlé de moi. Elles m’ont convaincue qu’elles étaient en relation et c’est ainsi que j’ai décidé d’en avoir aussi pour voir ce que ça fait », a-t-elle dit pour justifier sa présente relation. Comme pour servir une réponse à cette jeune fille, le Dr Adjignon marque son désaccord pour une relation contractée par suivisme. « Ce n’est pas parce que ma copine a un copain que moi-même je dois m’en trouver un. Ça, ce n’est pas avoir de l’estime de soi. Non ! C’est vivre au travers de l’autre sans vraiment exister », a-t-elle dit.
Que la relation soit contractée par suivisme ou attirance ou que cela implique le sexe ou non, cela ne manque pas d’avoir des répercussions sur l’apprenant qui s’y adonnent. Ces conséquences peuvent être de plusieurs ordres.

Risque d’hypothéquer son avenir

« Je suis tombée enceinte à l’âge de 17 ans de mon copain qui est aussi élève comme moi. C’était difficile au point où j’ai dû abandonner l’école », a complété à son témoignage donné plus haut, la jeune dame du nom de Kémi. Ce risque est l’un des nombreux que peuvent prendre les apprenants qui se livrent aux relations amoureuses. « A cet âge, l’apprenant risque d’hypothéquer non seulement ses études, mais aussi son avenir. Quand c’est une fille, elle prend le risque d’attraper une grossesse qui sera aussi bien un poids pour elle que pour le jeune qui l’aura mise enceinte. La fille perd donc des années d’études à cause de cette histoire amoureuse », a énuméré le sociologue Bruno Montcho. Il ajoute : « L’apprenant peut, au nom de cette relation, commencer à manquer de respect aux parents et aux grandes personnes. Quand il entre de façon précoce dans les relations amoureuses, impliquant le sexe, il y a les maladies sexuellement transmissibles qui peuvent mettre en cause son existence et sa santé. » Pour sa part, bien qu’elle pense que les sentiments amoureux sont nécessaires pour le développement psychoaffectif de l’être, elle avertit et prévient sur le fait que cela est de nature à avoir des impacts sur le rendement scolaire et même sur la santé mentale de l’apprenant. « Les impacts sont énormes sur le plan négatif. Le niveau des élèves baisse fortement. Ces relations affectives compliquées et dénuées de toute sincérité se sentent sur les rendements scolaires », a-t-elle dit. Pour avoir toujours été en contact avec des apprenants du secondaire, les témoignages que l’enseignante-chercheure porte sont énormes. « J’ai reçu au cours des années 2002, des élèves qui sont tombées enceinte, sans savoir si l’auteur était un professeur ou un élève. Une fille de 14 ans a déjà avorté au moins 4 fois dans sa vie », a-t-elle découvert dans le rang de ces apprenants à l’époque. Aujourd’hui, de retour au bercail, elle se rend compte que la situation sexuelle s’est encore plus dégradée. « Les jeunes filles développent la nymphomanie à force de coucher avec tous les garçons de la classe et même leurs enseignants. Les garçons aussi trouvent le sexe tellement facilement, qu’ils ne prennent plus aucune responsabilité. C’est la luxure et la permissivité », se désole-t-elle avant de faire observer que les conséquences de ces émotions cachées, refoulées, les conséquences de ces avortements clandestins sur la santé mentale sont énormes.
Le sociologue de la débrouille et de la déviance dira que les relations amoureuses sans sexe sont tout aussi dangereuses que celles impliquant le sexe. « Même la relation qui n’implique pas le sexe peut impacter la vie de l’enfant. Et peut avoir des implications désastreuses. Parce que quand le cœur prend un coup fasse une situation donnée, cela limite l’apprenant dans ces investissements scolaires. Et c’est foudroyant pour l’élève surtout quand c’est une fille », a-t-il expliqué. Par conséquent, pense-t-il, la meilleure option, c’est de ne pas encourager à cet âge, une relation amoureuse.

Dr Bruno Montcho, sociologue de la débrouille et de la déviance

La responsabilité de tous pour une prise de conscience

Face à de telles situations, les responsables à divers niveaux sont beaucoup plus appelés à prendre leurs responsabilités vis-à-vis des apprenants. Les parents sont indexés en premier. Selon le Dr Hounkpè, tout dépend de l’éducation que chaque parent donne à son enfant. C’est cela qui fera de lui une personne qui a de la valeur, de l’estime de soi et de l’amour-propre. Au regard du fait qu’une relation affective entre un garçon et une fille est une chose naturelle, elle pense que le parent peut guider, accompagner, voir le dosage avec eux quand on peut leur faire confiance. « Les parents ont beaucoup de choses à apporter à leurs enfants en matière d’éducation affective », a-t-elle affirmé. Mais, pour ça, poursuit-elle, il faut qu’ils se fassent aider, accompagner par des spécialistes, afin de mieux jouer leurs rôles définitivement trop complexes. Par ailleurs, ajoute-elle, il faut créer un temps régulier, en famille, pour s’asseoir et prendre le temps de parler à cœur ouvert, de s’écouter sans hausser le ton ni s’arracher la parole, dans le respect mutuel et dans l’apprentissage des vraies valeurs humaines. De l’autre côté, le sociologue Bruno Montcho suggère que : « les parents parlent de sexe avec leurs enfants à la maison, ce qui n’est pas toujours facile d’ailleurs parce que les parents ne savent pas toujours le langage qu’ils doivent tenir pour parler de sexe avec les enfants. Mais ce sont les mamans qui s’en sortent bien avec les enfants. »
Autres personnes appelées à prendre leur responsabilité, les autorités scolaires. « Que chaque établissement scolaire se dote de psychopédagogues et ou de psychologues scolaires. Il faut aussi voir la moralité de ces professionnels et faire des contrôles », a laissé entendre le Dr Adjignon Gladys Hounkpè.

Estelle DJIGRI

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