Gouvernance du sous-secteur Maternel et Primaire en 2021 : Des actes posés, des défis demeurent

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2021 aura connu plusieurs faits marquants dans le sous-secteur des Enseignements Maternel et Primaire. De l’analyse du taux de réussite à l’examen national du Certificat d’Études Primaires, CEP 2021, jusqu’à la fameuse affaire EPP Egbèdjè, en passant par la question des effectifs pléthoriques dans les salles de classes, la réforme des curricula en Mathématiques et en Français (CI et CP), l’interdiction des cours en journée continue, la suppression du paiement des examens blancs, etc. Tout y est passé sous la commande de Salimane Karimou, ministre des Enseignements Maternel et Primaire. Ce dossier bilan d’Educ’Action revient sur quelques-uns des faits majeurs de cet ordre d’enseignement en 2021.

L’un des motifs de déception de ce sous-secteur en 2021 est bien le résultat obtenu au terme de l’examen du Certificat d’Études Primaires (CEP), session de juin 2021. 82,67% des apprenants béninois de la classe de CM2 ont passé cet examen d’admission au collège contre 84,70% en 2020. Ainsi, on note un taux de régression de 02,03%. Chacun des acteurs du système éducatif a, en son temps, opiné sur ce taux de réussite en légère régression en dépit du bon déroulement des activités scolaires. Des avis des enseignants, des directeurs départementaux et des chefs de région pédagogique approchés, au lendemain de la délibération et de la proclamation des résultats, le passage systématique des apprenants de la classe de CM1 au CM2, en respect au système du sous-cycle, serait l’une des causes de la régression. Parmi les autres raisons évoquées : l’apparition de la Covid-19, le manque du suivi scolaire des apprenants et la morosité financière des parents d’élèves moins présents pour veiller sur l’encadrement de leurs enfants. Selon Victor Adohinzin, Directeur des Examens et Concours du Ministère des Enseignements Maternel et Primaire (DEC/MEMP) : «Il n’y a pas d’amalgame à faire par rapport à la baisse du taux national de réussite au CEP entre l’année dernière (2020, Ndlr) et cette année (2021, Ndlr). Il y a certaines pratiques de supercherie qui s’opèrent au niveau des écoles par des directeurs depuis 2016, obligeant le ministre à prendre la décision de sanctionner les directeurs qui ont eu 00% d’admis. Du coup, les responsables d’écoles font une première sélection des candidats avant l’examen du CEP. Les moins performants sont donc écartés de l’examen du CEP, ce qui accroît la possibilité de relèvement des taux de réussite. Mais cette année, l’autorité ministérielle a redoublé de vigilance et cette pratique de sélection a été bannie. Les directeurs n’ont plus la possibilité d’écarter des élèves qu’ils jugent inaptes pour le CEP à cause de leur niveau. Ce qui a fait d’ailleurs que le taux d’inscription a augmenté. »

Pierre Chellon Hounkandji, DDEMP Zou

 

Abondant dans le même sens, Pierre Chellon Hounkandji, Directeur Départemental des Enseignements Maternel et Primaire du Zou (DDEMP/Zou), a affirmé, dans l’émission ‘‘L’Invité’’ de la Web radio Educ’Action, le lundi 05 juillet 2021: «Lorsque nous analysons ce taux par rapport à celui que nous avons eu l’année dernière au plan national, il faut dire fondamentalement que le taux d’inscription a augmenté de plus de 15%. Donc en termes d’inscription, nous avons plus d’effectifs et plus on a d’effectifs, plus on a de difficultés pour encadrer. Certes, ce n’est pas une raison mais c’est un facteur.» Aussi, faut-il rappeler que l’accroissement des effectifs dans les classes de CM2 et à l’examen du CEP est du fait du passage systématique des apprenants des classes de CM1 au CM2. Une décision prise en lien avec l’Approche Par les Compétences (APC) à l’avènement de la Covid-19 au cours de l’année scolaire 2019-2020. Cette réforme applaudie par certains, a créé le surnombre des apprenants dans les classes de CM2. Ce qui ne favorise guère l’application de la pédagogie différenciée dans les classes.

Effectifs pléthoriques, un frein à l’application de la pédagogie différenciée

L’hétérogénéité d’une classe nécessite l’application de la pédagogie différenciée pour permettre aux apprenants d’être au même niveau d’assimilation des séquences de cours. Seulement, cet idéal pédagogique reste encore et dans beaucoup de cas, une chimère dans les classes à cause des conditions préalables qu’exige son application. Certains apprenants sont, hélas, sacrifiés et privés des fondamentaux. En raison de l’effectif pléthorique de la classe et des créneaux horaires affectés aux séquences pédagogiques, l’attention à accorder aux particularités de chaque enfant, qui nécessite l’usage de la pédagogie différenciée, est presque inexistante. «L’aide pédagogique accordée à un apprenant dans une telle situation fait en sorte qu’on excède la durée prévue pour le déroulement de la séquence de classe», fait remarquer l’institutrice Rose Djossou de l’École Primaire Publique Gbégamey. «La pédagogie différenciée est une méthode d’enseignement qui tient compte des différences individuelles des élèves, c’est-à-dire les pré-requis qui ne sont jamais les mêmes. Les modes de pensée des apprenants ne sont jamais les mêmes. Les élèves ne vont pas à l’école avec les mêmes motivations, encore moins avec les mêmes modes de communication et d’expression car, il y en a qui sont très volubiles, d’autres prompts à répondre aux questions. Il y a aussi des apprenants timides et quand vous les interrogez, ils prennent du temps pour réagir. Il y a le milieu culturel de l’élève, les croyances, les situations familiales, les malheurs qui vont aussi interagir, puis il y a les caractéristiques psychologiques», détaille le Dr Clarisse Napporn, enseignant-chercheur en Sciences de l’éducation à l’Université d’Abomey-Calavi. Tout groupe, par essence, étant hétérogène, la plupart des enseignants rencontrés semblent ne pas avoir la maîtrise de la pédagogie différenciée. Du reste, ils ont du mal à s’appuyer sur les particularités propres à chaque apprenant pour mettre en œuvre, de manière plus efficace, leur pédagogie, sans pour autant rompre avec les exigences et la logique inhérente aux apprentissages.
Afin d’accroître le personnel d’encadrement pour relever les défis dans les écoles maternelles et primaires du public voire du privé, les concours probatoires du Certificat d’Aptitude aux Fonctions de Conseiller Pédagogique (CAFCP) et du Certificat d’Aptitude à l’Inspectorat Primaire (CAIP) ont été organisés pour le compte de la promotion 2020. Les résultats du CAFCP ont présenté quelques dysfonctionnements, obligeant ainsi l’autorité ministérielle à annuler ce concours. Un atelier de réflexion a eu lieu, le lundi 12 juillet 2021, dans la salle polyvalente de l’École Normale des Instituteurs de Porto-Novo sur l’organisation de ces examens professionnels.

Amélioration de l’organisation du CAFCP et du CAIP

Cet atelier a connu la présence des acteurs de la chaîne organisationnelle de ces examens professionnels, des partenaires sociaux et de la presse. Il s’agissait de déterminer les conditions d’implication des membres des différentes commissions dans l’organisation des concours probatoires du CAFCP et du CAIP. «Il y a quelques mois, nous avons eu des difficultés dans l’organisation du CAFCP. Difficultés qui ont conduit le Gouvernement à l’annulation dudit concours pour le compte de la promotion 2020. Vous n’êtes pas sans savoir ce qui a entouré cette annulation en termes de polémiques», a dit Salimane Karimou, ministre des Enseignements Maternel et Primaire, rappelant ainsi le contexte de l’organisation de cet atelier.

 

Salimane-Karimou

 

Durant cette rencontre, les participants ont suivi deux communications. Dans la première, Valère Abissi, Inspecteur Général du Ministère et Conseiller Technique et Juridique du Ministre, a présenté un «Bref aperçu du contenu des rapports des commissions d’enquête.» Puis la parole a été donnée à l’Inspecteur Ibouraïma Chouty, alors Chef-service des textes, examens et concours à la DEC/MEMP. Il a donné une «Présentation des étapes du processus d’organisation du CAFCP/CAIP et difficultés». Pour la première communication, des faits ont été exposés dont, entre autres, la disparité dans les notes des candidats après trois (03) reprises de corrections, la légèreté dans l’organisation du concours.
L’autre fait marquant de l’année 2021 est la révision des curricula de Mathématiques et de Français au CI et CP.

La révision des curricula de Mathématiques et de Français

Prenant en compte les classifications et surtout les insuffisances relevées par le PASEC (Programme d’Analyse des Systèmes Educatifs de la CONFEMEN) 2014 en matière de seuil d’acquisition des apprenants béninois en français et en mathématique, le Gouvernement béninois, à travers le Ministère des Enseignements Maternel et Primaire (MEMP), a acté la révision des manuels scolaires des classes de Cours d’Initiation (CI) et de Cours Préparatoire (CP). Une rencontre a eu lieu, le vendredi 03 septembre 2021, en présence des acteurs de l’éducation à l’espace Ubuntu à Porto-Novo, la capitale administrative. Il s’agissait d’intérioriser les grandes lignes de cette réforme. Après la phase d’expérimentation, la généralisation des curricula dans les classes de CI a été opérée cette année scolaire avec à la clé, une formation de 600 Inspecteurs et Conseillers Pédagogiques. Lesquels ont formé, à leur tour, les enseignants des classes de CI et leurs directeurs sur la refonte curriculaire dans l’enseignement-apprentissage du français et des mathématiques. Votre journal Educ’Action était témoin de cette formation à Hêvié-Zoungo. «Nous avons abordé le champ de formation en français qui a démarré depuis le jeudi 30 septembre. C’est relatif à la démarche portant sur la pédagogie explicite en français. Nous avons au total 260 enseignants à raison d’au moins quarante-quatre (44) par salle. Nous avons un total de vingt-cinq (25) enseignants qui sont du public et le reste vient du privé. Ce centre compte au total huit (08) formateurs», a déclaré l’Inspecteur Matonga Kassa, Chef du centre de formation de l’EPP Hêvié-Zoungo.
Après cette série de formations proposées en début de rentrée, les images d’une passation de service insolite à l’Ecole Primaire Publique Egbèdjè au cœur d’une brousse, devenues virales sur les réseaux sociaux, ont fait le tour du Bénin et du monde, suscitant interrogations chez les uns, indignation chez les autres et curiosité chez tous. Educ’Action, votre média spécialiste des questions éducatives, a mené ses investigations, publiées dans trois (3) parutions.

 

Retour sur l’affaire EPP Egbèdjè

Le 11 septembre 2021, le Chef de la Région Pédagogique N°40, en réaction à l’arrêté de déploiement des directeurs nommés, sort une programmation de prise de fonction dans sa région. Les nommés Pierre Adagnissoude, Pierre Soton, Soumaïrou Bossa et Adrien Gandigbé sont priés de passer et de prendre service le 13 septembre 2021 à 10 heures précises. Le Chef de mission désigné a nom Soumaïrou Bossa. Dans un bois au cœur de la verdure de l’EPP Egbèdjè, la passation de service a eu lieu, assortie d’un procès-verbal dûment signé par les deux parties et en présence des témoins. «Lorsque nous avons vu ces images, nous avons eu un pincement au cœur parce que nous étions loin de savoir que de pareilles images pouvaient illustrer un cadre de scolarisation. Donc qu’on présente ces images pour dire qu’on passe service entre directeurs d’école, je puis vous dire que personnellement, j’étais outragé de voir un tel spectacle», a confié à Educ’Action, Rock Ahokpossi, Directeur de l’Inspection et de l’Innovation Pédagogique du MEMP.

Abri de fortune en terre battue aménagé en remplacement de l’EPP EGBEDJE qui accueille pour cette rentrée scolaire les quelques 5 écoliers rencontrés sur le terrain …

 

Suivant le recoupement des propos, c’est le Chef de mission de la passation de charge qui a pris les photos et fait les vidéos qu’il a publiées exclusivement sur le forum « Infos CS Kétou », version WhatsApp, afin de prouver à l’administration que la mission a été accomplie. Educ’Action, lors de son enquête, a constaté que les conflits répétés et meurtriers entre éleveurs et agriculteurs avaient causé des dégâts humains et matériels au point de faire fuir la grande majorité des habitants de ce village. Ni les forces de l’ordre, ni les autorités locales n’ont pu faire régner la paix indispensable au bon déroulement des activités scolaires. In fine, comme toutes les autres écoles relevant du secteur public, l’EPP Egbèdjè reçoit annuellement une subvention scolaire pour faire face aux charges quotidiennes d’une école. Du constat fait sur le terrain, cette école classée dans la catégorie D1, est abandonnée par beaucoup de parents et leurs progénitures. A la date du 27 novembre 2018, le solde du compte subvention de l’EPP Egbèdjè dans les livres de la CLCAM est de 195.312 francs CFA.
Après ce feuilleton, les activités pédagogiques ont repris de plus belle avec une disparité liée au temps horaire entre les écoles publiques et quelques écoles privées.

Cours en journée continue, le ministre siffle la fin de la récréation

 

Dans un courrier daté du 21 octobre 2021, Salimane Karimou, ministre des Enseignements Maternel et Primaire (MEMP), invite les établissements privés au respect de l’emploi du temps réglementaire et des textes qui régulent le fonctionnement des écoles en République du Bénin. Cette décision a suscité une rencontre entre les membres du Patronat des Établissements Scolaires Privés du Bénin (PESPB). Ils ont convoqué une réunion en urgence, le mardi 26 octobre 2021, à leur siège pour réfléchir sur la conduite à tenir. «Au terme de la séance, les membres du bureau national et du bureau du conseil d’administration du patronat ont décidé d’exhorter les responsables des écoles maternelles et primaires privées et les parents d’élèves, à respecter la note du ministre en attendant la poursuite des négociations avec les autorités de l’Etat et du Conseil National de l’Education», ont confié à Educ’Action, l’un des membres du PESPB. Cette décision n’est pas la bienvenue dans le rang des promoteurs d’écoles privées. Ils soutiennent que les cours en journée continue participent de l’encadrement convenable des apprenants tout en respectant la masse horaire officielle de travail. «Avec les cours en journée continue, les apprenants ont un temps de répit pédagogique pour réviser les leçons, notamment ceux qui sont sans électricité. Cela permet à l’enfant d’être plus relax. Dès qu’il finit à 15 heures, il peut rentrer et dormir. Même s’il se repose pendant une heure et 30 minutes, cela veut dire que déjà à 17 heures, il peut commencer à faire ses devoirs de maison avant que la nuit ne le surprenne», a indiqué Achille Hubert Gbodjeïdo, le fondateur du Complexe Scolaire Enfant Sacré.
La suppression des frais d’organisation des examens blancs fait également partie des faits majeurs de l’année 2021 dans le sous-secteur des Enseignements Maternel et Primaire au Bénin.

Enock GUIDJIME

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