Bonjour chères toutes et chers tous ! Êtes-vous vraiment là, avec moi, pour moi ? Pourtant j’ai peur et j’ai honte ! Les sentiments qui m’animent sont diffus, confus. Toutes mes convictions tombent une à une. En effet, ce sur quoi je compte, ceux sur qui je compte m’ont lâché. Je crie dans mon pays dit libre et démocratique depuis 1960 : « Père : où es-tu ? » Nul ne me répond. Mon père connu pour être rigoureux et inébranlable a-t-il voyagé ou reste-t-il muré dans un silence que je comprendrai seulement plus tard, quand je serai sauvé ; quand tous mes frères maliens seront sauvés et libres ? Je crie plus fort pour appeler le jeune tonton Osagyefo1 , le pur des purs, le dur des durs du côté de la Gold Coast et il ne répond pas : m’a-t-il lâché aussi ! Quand même pas lui qui a soutenu, il n’y a pas longtemps, que nous n’avions pas besoin d’aide ; nous n’avions pas besoin de tendre la main partout et toujours car « la main qui donne, ordonne » !
Mais que vous a-t-on ordonné ? Quelle a été la compromission ! NON. Le compromis. OUI. Les géants de cette trempe ne se compromettent pas. Malgré les cris, les indignations ou les pleurs d’incompréhension et de désespoir, nous voulions croire en nos pères, en la famille africaine unie, solidaire.
Il s’est dit qu’un sorcier étranger au village est venu secouer l’arbre à palabre qui a vacillé et s’est fissuré. D’autres soutiennent même qu’il était blanc ; de ce blanc qui adorait la chair des nègres depuis toujours ; qui les suçait jusqu’à broyer les os et qui, à chaque fois, laissait derrière lui, angoisse, récrimination et désolation. Pour alimenter et engraisser son cheptel, il choisissait les plus peureux et les accros à la monnaie papier appelé CFA pour mater la rébellion du bétail craintif et résigné ! Mais quand cela cessera-t-il ? Ah demandez à Sankara ou à Kadhafi !
Comme un seul homme, tout le peuple des opprimés et des soumis s’est levé et a dit Non. Pour cette fois, nous ne pardonnerons pas. Coupons l’arbre à palabre. Devions-nous blâmer les aides du sorcier blanc ? Mais attention, entre temps, n’ont-ils pas reçu plus de puissance pour broyer la rébellion ? Vous comprenez alors pourquoi j’ai peur et je ne parle pas trop. Mali, Mali, Mali ! Ma voix se joint à d’autres millions de voix pour crier de fierté, de révolte mêlée d’angoisse !
Moi je suis sûr d’une chose ! Jadis les décisions venues de l’arbre à palabre ont toujours été remplies de sagesse et de pondération et surtout, elles ont été tolérantes et suivies de peu d’effet. Nos sages pères ont-ils trompé le petit sorcier blanc avide d’or et de richesses du désert malien ! Attendez voir ! Les sanctions se négocieront dans l’apaisement loin des yeux inquisiteurs et étrangers. Mon cousin le politicien du village a déjà collecté quelques sacs de maïs et de manioc pour aller personnellement les déposer au Mali. Il a même insisté sur la nécessité d’amener du Sodabi (boisson locale alcoolisée Ndlr). Tout le village s’est écrié : dans un pays musulman ? C’est, dit-il, pour soigner les plaies et les cœurs. Vous voyez ; la résistance s’organise et chaque jour, mon cousin dans une vertueuse indignation dont tout le monde salue le courage a entamé la grève de la fin ! Une délégation est même allée le voir afin qu’il s’alimente un peu, lui qui va bientôt entamer un long périple sur le Mali. Ça, c’est une autre histoire dont la dame jeanne de sodabi déposée dans la maison de mon cousin rendra compte.
Déjà, le sorcier blanc après avoir agité le bocal et dressé les villageois les uns contre les autres et n’ayant pas trouvé assez d’écho à l’extérieur revient négocier le contraire de ce qu’il a obtenu sur terre : à savoir l’ouverture des voies aériennes pour ses seuls avions tandis que les autres aéronefs africains obéissants à la voix du maître blanc sont au sol : quand même, on n’a pas encore fini de récolter le précieux nectar dans les sous-sols maliens ! Dans cette histoire, nos dirigeants ont compris et, gageons sont en train de jouer la grande farce de laquelle sortira un peuple malien plus fort car, ce qu’ils ont compris c’est que des peuples qui prennent conscience et s’indignent sont plus dangereux que les tours et les dessous de tables de quelques dirigeants !
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe