La morale est-elle universelle, ou bien reflète-t-elle les limites de l’espace et du temps, de l’histoire et de la géographie ? Il y a peu, je restais convaincu qu’elle éclairait nos pensées et nos actions à partir d’une source unique et divine. Mais certaines nouvelles interrogations m’interpellent ! Jusqu’ici, je n’en doutais pas : les préceptes moraux qui fondent les religions révélées (Religions endogènes, Judaïsme, Christianisme, Islam etc.) et les différents humanismes (Bouddhisme, Taoïsme, Confucianisme etc.) relèvent des mêmes constantes défendant l’intégrité physique, mentale et spirituelle de tous les hommes et de tout l’homme.
Nul ne peut nier la règle de base qui a édifié nos sociétés et perdure aujourd’hui, créant à la fois une multitude de lois et de règles imprescriptibles jusqu’à ce jour, à savoir celle de la prohibition de l’inceste. Ce pilier identifié notamment par le sociologue Emile DURKHEIM, a créé les sociétés. Il leur a donné une conscience partagée. On dit parfois que la conscience morale est innée, consubstantielle à l’individu. Elle s’extériorise grâce à l’éducation. Ainsi, les individus et les diverses cutures devraient arriver à comprendre et à approuver les mêmes repères moraux pour un mieux-vivre. Ce qui est à peu près vrai !
Mais peut-on continuer à soutenir cette idée de morale universelle et surtout innée qui se polit à travers l’éducation ? Paradoxalement, c’est dans ce village planétaire que le doute s’est installé. La morale a les limites de la géographie, comme le soulignait Blaise PASCAL à propos des croyances « vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ». Autrement dit, des mœurs acceptées par tel peuple dans tel espace ne le sont pas nécessairement pour l’autre situé dans une autre contrée. On aurait pu croire qu’avec la modernité et l’abolition des distances par la technologie, il y aurait un meilleur ajustement moral de telle façon que la géographie devienne résiduelle et n’ait plus de prise sur les principes. Mais est-ce le cas ? Voit-on pareillement le bien et le mal selon qu’on est au nord ou au sud, à l’ouest ou bien à l’est ?
Quant à l’’histoire, elle semble avoir une prise plus évidente sur la morale. On se surprend à constater que l’individu subit à travers le temps un reformatage qui inhibe ses gènes naturellement moraux au profit d’un désordre mental qui l’abêtit. Nous voyons des individus professer lundi qu’il est bon de faire ceci et dire le contraire samedi.
On constate aussi que ce qui est « bon » procède du pouvoir en place. Ce qui est mauvais appartient au passé de peuples dit primitifs. La morale devient une morale du fort qui définit la norme et au besoin la transforme en loi.
Deux exemples l’illustreront. Celui de la condition actuelle des enseignants et celui des habitudes matrimoniales dans les contrées villageoises.
Depuis quelques décennies, l’espace africain subsaharien vit une situation curieuse : les règles morales qui fondent notre éducation se dévaluent vite et seront bientôt anéanties. Dans notre société de solidarité, le respect de l’aîné devait façonner la jeune génération. Mais désormais on insinue progressivement que l’enseignant est la « variable » la moins importante dans le cursus éducatif. Ils sont alors recrutés de manière aléatoire, maltraités et n’ont plus aucune qualité et aucune autorité devant les apprenants. Ils s’occupent d’enfants qui ont perdu le sens de la priorité que sont l’éducation et le besoin de réussir une entreprise. L’élément essentiel à savoir la tendance qui devrait se muer en désir de réussir a fait place à la recherche et l’adoration de plaisir infantiles générés par les dieux media : L’enfant ne grandit plus de corps et d’esprit en comprenant et intériorisant les règles morales ; il reste le bébé fait de plaisirs confus dont la répétition insatisfaite, l’amène à rechercher à repousser les limites ! Face à cela l’enseignant recruté à prix réduit , regarde et ne voit rien ; constate et ne comprend pas les désespoirs, perdus dans sa misère matérielle et morale. Ainsi, au nom d’une vision nouvelle du monde, notre éducation est sacrifiée !
De l’autre côté, on vitupère sans comprendre l’historicité de nos traditions matrimoniales qui acceptaient la polygamie et le mariage de quasi pucelles. Dans certaines de nos contrées, la fille qui avait ses premières règles devrait rejoindre un mari pour ne pas commettre l’irréparable sans les liens sacrés du mariage. On a tôt fait de condamner ces faits sans les replacer dans leur contexte historique afin de mieux les règlementer. Mais très tôt les pratiques LGBT, les PACS voire les trouples sont venus se présenter comme l’expression de la liberté dépassant et obérant nos morales de la solidarité et de l’humanité !
Oui la morale actuelle a une géographie qui peut se comprendre ; mais ce sont les chemins sans cesse escarpés et falsifiés jusqu’au tréfonds de nos êtres par son histoire immédiate qui interpellent.
Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe