Ne pas compter sur le recrutement tardif ou presque quasi limité de l’Etat ; s’engager soi-même dans un projet porteur d’avenir ; se battre pour se réaliser malgré les nombreuses difficultés, sont autant de défis auxquels les jeunes africains sont confrontés. Pour aider à résoudre ces équations liées à l’épineuse problématique d’emploi des jeunes, votre journal a rencontré Ibrahima Théo Lam. Il est consultant formateur et chargé d’enseignement dans le supérieur en France et en Afrique francophone. Auteur de plusieurs livres destinés à la jeunesse du monde en général et à celle de l’Afrique en particulier, il donne, dans cet entretien, un aperçu global sur les comportements que doivent développer les jeunes pour réussir leur petite entreprise sans recevoir d’appuis financiers de quiconque. Entretien !
Educ’Action : En tant qu’enseignant, quelles sont les disciplines que vous enseignez ?
Ibrahim Théo Lam : J’enseigne la créativité, l’innovation, l’analyse financière et les domaines qui sont surtout liés à la vie de l’entreprise. Donc, de l’idée jusqu’à la création et jusqu’au développement de l’entreprise. En un mot, toute la chaine de valeur entrepreneuriale.
D’où est venue l’idée d’écrire des livres ?
J’ai eu l’opportunité de travailler sur plusieurs missions en Afrique. A chaque fois que je suis confronté à une difficulté dans le cadre de mon travail, je réfléchis pour apporter des solutions, des conseils ; des stratégies de mise en œuvre. Et je me suis dit que toutes les solutions sur lesquelles j’ai travaillé en matière d’emploi des jeunes, je veux produire comme base pour permettre aux jeunes, aux femmes d’avoir des expériences avérées pour conduire leurs projets personnels et professionnels dans un but bien déterminé.
Combien d’ouvrages à mettre à votre actif ?
J’ai écrit quatre (04) ouvrages. Le premier ouvrage intitulé ‘‘Entreprendre en Afrique : les clés de la réussite’’ est écrit en 2013. Cet ouvrage a trois dimensions : la découverte de son environnement, la connaissance de soi et l’identification de toutes les possibilités. Quant au ‘‘Comment entreprendre en Afrique ? Balises du porteur de projet de création d’entreprise’’ il est publié en 2014. Il s’agit de mettre les idées en place pour les transformer en projets de création d’entreprise. Le troisième livre est intitulé : ‘‘le plan Sénégal Emergent : opportunités d’auto-emploi pour les femmes et les jeunes’’. Il est publié en 2015. Vous savez au Sénégal, notre président a développé toute une stratégie orientée sur trois points : la stabilité des institutions ; la transformation de l’économie du Sénégal et le droit. Quant au quatrième livre, il concerne ‘‘Lettres à la jeunesse africaine : développement personnel’’. Il est mis sur le marché en 2017. J’étais au Congo. Au cours de ce forum, je me suis permis d’échanger avec les jeunes. Lors de mes contributions, j’ai senti vraiment qu’il y a un réel besoin de développement vis-à-vis des jeunes que j’ai rencontrés. Donc, tous mes ouvrages ont été produits en moyenne 1 an et demi. Ce qui veut dire que sur un espace de cinq (05) ans, j’ai publié quatre ouvrages.
Quelle relation existe-t-il entre développement personnel et la création d’entreprise ?
Aujourd’hui, si vous avez une entreprise et vous n’avez pas un schéma de développement personnel, comment pourriez-vous faire vivre l’entreprise par rapport à votre personne. Par exemple, dans le modèle de l’entreprenariat, j’ai une vision africaine de l’entrepreneuriat. Donc, mon bureau est en Afrique, les expériences partagées de mon entreprise sont réalisées en Afrique. Dans ma philosophie d’entrepreneuriat, il faudrait que l’essentiel des produits sur lesquels je travaille soit conçu en Afrique. Ce qui fait que je suis sur la même ligne de conduite en matière de développement personnel, en matière de création d’entreprise. Car, le développement personnel vient avec le leadership et rime avec l’entrepreneuriat.
Lesquels de vos ouvrages sont plus vendus sur le marché ?
Sur le marché, les jeunes ont beaucoup aimé les ‘‘Entreprendre en Afrique : les clés de la réussite’’. Parce que ce livre motive et donne de la persévérance. Le dernier livre : ‘‘Lettres à la jeunesse africaine : développement personnel’’ est également bien vendu sur le marché. Car, plusieurs acteurs l’ont beaucoup apprécié.
Pensez-vous que les jeunes peuvent trouver solutions à leurs problèmes de chômage à travers vos parutions ?
Mais bien sûr. Je suis jeune, il faut que je regarde dans mon environnement immédiat. Si je le regarde qu’est-ce que je peux alors y développer comme opportunités pour m’en sortir. Il faut que je maîtrise mon environnement immédiat pour développer mon projet de création d’entreprise. Comment développer un projet à partir de nos orientations locales ? Comment je peux aujourd’hui m’organiser à être un citoyen averti qui développe les projets et qui ose l’impact au niveau de notre écosystème ? Ce sont autant de questions qui trouvent réponses dans mes ouvrages. J’ai dit aux jeunes s’ils veulent développer leur capacité entrepreneuriale, ils doivent regarder autour d’eux. Par exemple, si vous voyez une femme qui produit du savon, regardez ce savon-là et étudiez-le en y apportant une valeur dans la mise en place de la fabrication, dans la mise en place de la qualité, dans la mise en place de l’emballage, c’est-à-dire de façon réelle. Pas dans les rêves. C’est pourquoi, je leur dis s’ils ont un projet, ils ne doivent pas attendre.
Aujourd’hui, les jeunes espèrent le soutien inconditionnel de l’Etat pour financer leur projet. Quel message avez-vous à adresser à ces jeunes qui sont toujours dans l’attentisme ?
Je dis à ces jeunes que le gouvernement c’est moi-même d’abord. Pourquoi moi-même ? Je crée l’entreprise, je paie les taxes, les impôts. Cet argent-là est versé dans les caisses de l’administration fiscale de mon pays. Cet argent permet de construire des infrastructures. Ce qui veut dire qu’on ne doit pas attendre que l’Etat nous propose des choses. Alors, en tant que jeune avant de penser à ce que l’Etat va mettre à ma disposition, est-ce que je me suis aidé à développer des choses ? Par exemple, j’ai un projet de cent mille francs Cfa. Je demande de l’aide à l’Etat. L’Etat me dit qu’il n’a pas cent mille francs Cfa. Il faut que je trouve un projet de vingt mille francs. Donc, petit-à-petit, je peux aller vers le projet de cent mille francs et développer ce que je veux faire.
Comment pensez-vous apporter de solutions à la désaffection que les jeunes africains ont pour la lecture alors que le savoir se trouve bien loti dans les livres ?
Ce que vous dites est vrai. Nous ne lisons pas en Afrique. Je donne un exemple que j’ai mis en pratique dans mon école. Dans mon école, nous avons toutes les semaines des séances de lecture et d’écriture pour inciter les jeunes à lire les livres et à faire des fiches de lecture. Je me suis permis de mettre dans l’agenda de travail des jeunes, une obligation de lecture et d’analyse de texte, de commentaires. Je l’ai imposé dans le programme de mon école pour permettre aux jeunes de découvrir les acquis des auteurs qui ont persévéré dans les domaines qui les intéressent. J’ai fait exprès d’acheter dans un premier temps que des livres africains pour que les jeunes comprennent que dans mon pays, nous avons des intellectuels qui ont déjà apporté de fortes contributions pour améliorer les acquis des citoyens qui y vivent. Je serai ravi qu’un jour que mes livres soient exposés à travers d’autres continents pour que ces jeunes-là y bénéficient. Quand je présente mes livres à Paris, les blancs courent pour les acheter. Mais en Afrique, vous présentez des livres, seules les personnes qui ont déjà entendu parler de vous s’y intéressent.
Que diriez-vous pour conclure cet entretien ?
Pour les jeunes qui ne lisent pas, je les invite à lire. Pour ça, il n’y a pas de solutions et il n’y pas de miracles. Je peux trouver le temps d’aller en boîtes de nuit, à la piscine. Donc, je peux trouver le temps de lire. La lecture nourrit nos capacités intellectuelles, la lecture nourrit nos réflexions intellectuelles. Pour les gens qui ont envie d’entreprendre, la première chose que je dois leur dire est la maîtrise de l’environnement. Prenez le temps de comprendre l’environnement dans lequel vous évoluez. En comprenant l’environnement, vous allez décrire votre projet en forces et faiblesses et sur chaque point vous allez tirer des expériences pour définir de façon précise ce que vous voulez développer comme opportunités.
Propos recueillis par Hermann Maurice SAGBOHAN