– Tiendra-t-il les espoirs ?
– L’optimisme des ministres et personnalités de l’éducation
L’accouchement n’aura pas été des plus prompts. Mais hâté par les défis pressants, l’enfant prodige, le Conseil National de l’Éducation (CNE – Nouvelle génération), puisque c’est de lui qu’il s’agit, est enfin né, et semble prêt à accomplir sa prophétie. Le mardi 21 janvier 2020 au palais des congrès de Cotonou, son paternel, le chef de l’Etat du Bénin, Patrice Talon, a, en effet, procédé à l’installation des 29 membres qui le composent. La cérémonie a eu lieu en présence des ministres du Gouvernement, des cadres et acteurs de l’éducation, et des partenaires techniques et financiers du système. Votre journal spécialisé Educ’Action a également pris part à ce rendez-vous majeur qui marque le début d’une nouvelle page dans l’histoire de l’Éducation au Bénin.
Cette foule dans la salle du palais des congrès de Cotonou, qui plus est, la présence du chef de l’Etat, témoigne à suffire, non seulement de la prééminence de l’Éducation, mais aussi de l’impatience que nourrissaient tous les acteurs du système éducatif. Les premiers propos du Président Patrice Talon lors de l’ouverture de la cérémonie d’installation des membres du CNE, en disent d’ailleurs long à ce propos. « C’est avec un sentiment de satisfaction, d’enthousiasme et d’espérance que je voudrais, avec chacun ici présent, consacrer l’aboutissement d’un long processus de diagnostic, d’étude, de conception et de mise en œuvre du nouveau cadre de gouvernance de l’école au Bénin[…] les personnalités les plus unanimement réputées expertes dans les divers domaines de l’éducation…qui présideront aux destins de l’école. » Un long processus, dont la durée vaudrait la chandelle, car il est question d’un CNE rénové, ou du moins, nouvelle formule, ou encore nouvelle génération, comme se plait à marteler avec foi ses géniteurs. Au total, le CNE est composé de 29 membres dont 4 désignés par le président de la République, 13 recrutés par appels à candidatures suivant les profils définis, 6 élus par les organisations socioprofessionnelles du secteur, et 6 désignés par les ministres en charge de l’éducation et le ministre en charge des affaires sociales. Il est présidé par le Professeur Noël Gbaguidi, précédemment titulaire de la Chaire UNESCO des Droits de la Personne Humaine et de la Démocratie (DPHD). Les conseillers du CNE jouissent d’un mandat d’une durée de 4 ans, tandis que la durée du mandat du secrétaire exécutif est de 5 ans.
De la mission du CNE…
Désormais, le CNE nouvelle formule créé par Décret N° 2018-395 du 29 Août 2018, et rattaché à la Présidence de la République, n’aura plus en effet un simple avis consultatif, mais plutôt décisionnel. Tout comme le précise le président Patrice Talon dans son allocution, « qu’il s’agisse des programmes d’études, du déploiement du personnel enseignant, de la carte scolaire ou universitaire, des affectations budgétaires, des accréditations ou des contrôles des établissements publics ou privés, plus rien ne sera décidé et mis en œuvre par qui que ce soit, sans les sachants de ce conseil ». Le CNE a ainsi pour mission, de veiller au respect des grandes options éducatives de l’Etat, à la mise en œuvre de la loi portant orientation de l’Éducation en République du Bénin et à la coordination de tout le système éducatif en République du Benin. A ce titre, il est l’organe supérieur d’orientation, de coordination, de suivi-évaluation et de prise de décisions afférentes au secteur de l’éducation.
De la superbe puissance…
Qu’en sera-t-il des ministères de l’éducation, dont les prérogatives semblent presque réduites à néant ? L’avenir ne nous réserve-t-il pas des conflits de leadership ? Autant de questions nourries par certains acteurs de l’éducation et qui restent pour l’instant en suspens. Toujours est-il qu’il ne demeure pas moins, que les attentes envers cette institution juridiquement autonome, sont bien grandes. Raison pour laquelle, le Président Patrice Talon a exhorté ses nouveaux membres, à « faire preuve de sagesse et de discernement, afin de prouver aux enfants du Bénin, à l’affût d’une école au diapason de leurs rêves, et à la hauteur des exigences et défis de leur temps, que l’Éducation est vraiment le seul moyen de construire l’Homme, matière première de toutes les épopées. » Suite à cet appel poignant, le nouveau président du CNE, Noël Gbaguidi a réitéré au gouvernement son engagement, ainsi que celui de ses membres, à reconstruire le système éducatif, en phase avec les ambitions socioéconomiques du Bénin.
Par ailleurs, le chef de l’Etat, en marge de son discours, a insisté sur la dépolitisation du CNE en décrétant publiquement que son avènement annonçait la fin des interventions politiciennes dans les affectations et la promotion des enseignants. Une déclaration qui, de toute évidence, pourrait paraître « politiquement incorrecte », du fait que le CNE soit directement rattaché à la présidence, et que certains de ses membres, en l’occurrence son président, aient été nommés par le président de la République.
Avis des ministres et personnalités de l’éducation du Bénin
Salimane Karimou, Ministre des Enseignements Maternel et Primaire
« Les ministères de l’éducation doivent être plus à l’opérationnel… il y aura en rien un conflit d’attributions »
«L’installation du CNE qui est l’aboutissement d’un long processus, nous permet de nous conformer aux dispositions légales et réglementaires puisque c’est prévu que le système éducatif béninois soit coordonné par un conseil qui s’appelle Conseil National de l’Éducation. Depuis plusieurs années, on a travaillé sur le dossier et aujourd’hui, nous sommes parvenus à installer officiellement le CNE, qui rentre de plain-pied dans ses droits. La collaboration entre le CNE et mon département ministériel doit être franche et ouverte, parce qu’entre le CNE et les ministères de l’éducation, c’est un peu comme des bébés siamois même s’il y a un décalage des responsabilités. Les ministères en charge de l’éducation doivent être beaucoup plus à l’opérationnel même s’il y a quelques éléments de stratégies dedans. Quelle que soit la stratégie, quel que soit l’opérationnel, c’est d’abord l’organe suprême qu’est le CNE qui doit pouvoir orienter lorsque l’Etat a fini de définir la politique éducative. Dans le pays, c’est le CNE qui veille à ce que cette politique puisse être respectée. Les ministères en charge de l’éducation sont les organes susceptibles de pouvoir mettre en œuvre cette politique. Nous ne craignons point que nos attributions soient érodées. Pas du tout, parce que nous avons travaillé ensemble, nous étions en amont du processus, nous avons lu et relu, nous avons parcouru tous les contours du dossier et donc, il y aura en rien un conflit d’attributions. Le CNE sera dans la stratégie. Le CNE sincèrement veillera à la mise en œuvre de la politique de l’Etat. Toutefois, il y a des organes et des structures qui sont chargés de travailler pour ça, de mettre effectivement en œuvre les interventions. Le CNE est comme un organe régulateur. »
Mahougnon Kakpo, Ministre des Enseignements Secondaire, Technique et de la Formation Professionnelle
« …C’est une nouvelle façon d’orienter le système éducatif et de le rendre conforme aux aspirations de notre économie »
«C’est un sentiment de joie, d’espérance et de beaucoup de fierté qui m’anime parce que le gouvernement a pris la décision et a réalisé l’installation du Conseil National de l’Education. Cet organe qui est l’organe supérieur va permettre de gouverner notre système éducatif. C’est un organe d’orientation, d’application des grandes options du gouvernement ; un organe qui prend les grandes décisions devant régir notre système éducatif. A partir de ce moment-là, vous comprenez que c’est une nouvelle façon de piloter notre système éducatif, c’est une nouvelle façon d’orienter le système éducatif et de le rendre conforme aux aspirations de notre économie nationale. Je peux vous dire que j’en suis fier. Le CNE devra absolument, et cela je n’en doute point, coordonner les activités du système éducatif en partant des orientations, des options et aussi en prenant les vraies décisions pour guider notre système éducatif. »
Eléonore Yayi Ladékan, Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique
« Tout est structuré, il n’y aura pas d’interférence. Chacun sera dans son couloir »
«Le plus grand défi, c’est la restructuration du système. Faire en sorte que ce système qui est important à tout développement puisse véritablement prendre son envol. Donc, ces défis, c’est déjà la question de la gouvernance, comment faire en sorte que les mouvements soient un peu plus coordonnés, que les ressources soient mieux utilisées, mieux rationalisées, pour produire de meilleurs effets. Ce n’est pas plus compliqué que ça. Le monde des enseignants attend beaucoup de choses de ce CNE parce qu’il croit en la mission du CNE : mission d’orientation, mission de suivi, parce que, lorsque nous prenons des décisions et donnons des orientations, il faut voir la mise en œuvre et justement faire le suivi. Vous savez que le suivi est souvent le maillon assez faible et c’est ce qui fait que les effets escomptés ne sont pas souvent au rendez-vous. Cette attente, nous y croyons, sera fortement comblée. Vous voyez un peu la qualité des conseillers. Moi, je ne doute aucunement que ces attentes soient satisfaites. Ils vont définir les priorités, et ils connaissent les priorités. Tout est structuré, il n’y aura pas d’interférence. Chacun sera dans son couloir. Chacun va pouvoir opérer dans son secteur, chacun aura une bonne compréhension de ses missions et il n’y aura pas d’amalgame. Je crois que cela est déjà une grande avancée. Les dossiers sont déjà là, ils sont déjà à leur niveau et je voudrais leur laisser la primeur de bien vouloir vous les dévoiler. »
Avis des ministres et personnalités de l’éducation du Bénin
Prof Noël Gbaguidi, Président du CNE
« A la fin du mandat du CNE, le visage de l’école béninoise sera transformé dans le sens du développement social et économique de notre pays »
«Je dois dire que je suis plein d’émotions ; je suis en même temps convaincu qu’avec les conseillers que nous avons, avec la variabilité des compétences, nous pouvons réussir. Il n’y a pas un management particulier ; lorsqu’on veut réussir, il faut nécessairement se fixer des objectifs et mobiliser sa troupe vers l’atteinte de ces objectifs. Maintenant, selon le contexte, on peut adapter et faire une sorte de leadership situationnel. Nous savons que les attentes sont fortes, mais nous sommes déterminés à réussir, à relever ce défi. Tous ceux qui sont avec moi, hommes et femmes, nous sommes tous convaincus qu’il faut nécessairement transformer radicalement notre système éducatif parce que sans la transformation de ce système, toutes les réformes ne peuvent pas être durables. Je vous donne au moins 6 mois pour une évaluation de nos actions, parce qu’il faut du temps pour nous installer, faire notre programme d’activités, et programmer les interventions. En termes de projection, à la fin du mandat du CNE, le visage de l’école béninoise sera transformé dans le sens du développement social et économique de notre pays. »
Christian Adékou Raoul, Conseiller au CNE
« …ils vont officiellement rentrer dans leurs fonctions et prendre connaissance de ces nombreux défis »
«Le président de la République vient d’installer les membres du CNE, dont je fais partie. Les défis sont énormes, et il y a certains qui sont déjà énumérés dans le Plan Sectoriel de l’Education. Les membres du CNE étant installés, ils vont officiellement rentrer dans leurs fonctions et prendre connaissance de ces nombreux défis au nombre desquels nous comptons la qualité de l’éducation, la professionnalisation de la fonction enseignante, la formation des enseignants, le recrutement et bien d’autres choses qu’il faudra gérer. »
Gervais Kissèzounon, Conseiller au CNE
« En ce qui concerne les défis, nous n’avons pas encore démarré les plénières »
«Les sentiments qui m’animent, pour faire très court, sont des sentiments de satisfaction, de fierté, mais aussi et surtout d’engagement pour honorer la confiance que le chef de l’Etat a placé en nous, et pour satisfaire les attentes du peuple béninois à travers ce CNE nouvelle formule. En ce qui concerne les défis, nous n’avons pas encore démarré les plénières. Prière nous laisser le temps de démarrer pour voir par rapport aux attentes du chef de l’Etat, ses instructions par rapport au PAG et puis aux orientations, surtout en adéquation avec les fonctions qui sont les nôtres en termes d’attributions. »
Rémi Guèdègbé, Conseiller au CNE
« Ce que je souhaite, c’est une école performante, des enfants bien formés, des enseignants motivés, plus à l’aise dans leur travail »
«Vous imaginez bien quels sont mes sentiments. Ce sont des sentiments de grand soulagement et de grande satisfaction parce qu’on attendait ce jour, donc on est vraiment satisfait. Je n’ai pas de priorités personnelles, j’attends désormais mes collègues, il y a tellement de chantiers que je n’ose pas me prononcer à titre individuel et dès qu’on se retrouvera en plénière, vous saurez bientôt les priorités. Personnellement, ce que je souhaite, c’est une école performante, des enfants bien formés, des enseignants motivés, plus à l’aise dans leur travail. »
Prof Paulin Hountondji, ancien Président du CNE
« C’est au bout de l’ancienne corde qu’on tisse la nouvelle. Si on pouvait s’en souvenir de temps en temps, ça nous ferait gagner énormément de temps »
«Je souhaite bonne chance au CNE Nouveau Départ, rebaptisé CNE Nouvelle Génération. Et ça, c’est une chose que nous avons à réapprendre, je crois. C’est au bout de l’ancienne corde qu’on tisse la nouvelle. Si on pouvait s’en souvenir de temps en temps, ça nous ferait gagner énormément de temps. »
Théophile Gbèyinou, Acteur de l’éducation
« Il faut que ce Conseil, avec les hautes personnalités qui y figurent, arrive à redonner aux EPES, aux promoteurs, la grandeur de leurs établissements »
«Mes impressions sont très bonnes. C’est une très bonne initiative. Nous avons participé à toutes les étapes parce que le représentant des Etablissements Privés d’Enseignement Supérieur est là, l’ingénieur Théophane Ayi. Nous l’avions élu et il nous représente. Je crois que c’est une bonne chose pour la bonne performance et la qualité de l’enseignement supérieur, secondaire, technique et professionnel, maternel et primaire au Bénin. Donc tous les ordres se retrouvent dans ce Conseil qui est un Conseil de décisions d’orientation, de planifications et de conseils. Les établissements privés d’enseignement supérieur souffrent et il faut que ce Conseil, avec les hautes personnalités qui y figurent, arrive à redonner aux EPES, aux promoteurs, la grandeur de leurs établissements. »
La Rédaction