J’accuse !

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Bonjour ! Je m’appelle Juliette A. Juste ce prénom sur mon acte de naissance et je ne l’aime pas car il ne me parle pas, il ne me dit rien à moi qui ai à peine 16 ans. Pourquoi un seul prénom plaqué et qui ne me donne aucun statut. Mes tantes, quand elles nous rendent visite, m’appellent Houéfa et j’aime bien car, cela a un sens et me donne l’air de servir à quelque chose ! Je suis en quatrième au collège. Péniblement d’ailleurs. Quand je dis cela, vous pensez que les études sont difficiles ? Pas du tout ! J’aime les études et j’aurais déjà gravi les échelons du second cycle si tout autour de moi ne me mettait pas les bâtons dans les roues. Qu’est-ce qui est difficile dans une école où tout est prévisible ! Surtout les professeurs qui se contentent de répéter les mêmes cours accompagnés des mêmes devoirs sur des années. Beaucoup de choses autour de moi me donnent du souci et réagissent sur mes chères études que je ne laisserai jamais, car je me dis que c’est la seule voie de ma liberté.
Je vais essayer de vous expliquer, de manière peut-être désordonnée, juste quelques-unes de ces choses qui me dérangent et que les parents autour de moi ne semblent pas comprendre. En fait, ils comprennent très bien mais réagissent très mal, pensant que nous ne sommes pas des êtres humains doués d’intelligence. Ainsi, on contourne, on détourne et en définitive, on nous tourne en rond comme des toupies.
Ne pensez pas que l’argent est la préoccupation principale de ces choses qui me dérangent. Même pas ! Je sais qu’on n’en a pas beaucoup à la maison mais, en réalité le peu que nous avons, on l’utilise mal. Mon père est un pistoléro. Il tire sur toutes les femmes qui passent dans le rayon de son atelier tandis que ma mère s’échine à faire un commerce qui la sort du lit tôt et la ramène tard pour peu, harassée et obligée de préparer pour cet homme qui a fini de dilapider la grande partie de son éco de la journée dans les béninoises (en pagnes et en bouteille).
Ma mère s’énerve beaucoup contre nous les enfants qui ne l’aidions pas assez, revenant en rang dispersé de l’école. Le maître de maison, parangon de vertu, rentre et ordonne pour beaucoup de petits rien en tonnant et s’affale dans un fauteuil après avoir invectivé à souhait, mangé et bu. Je ne l’ai jamais vu avoir un mot gentil pour quelqu’un dans cette sorte de maison qu’il a achetée et construite et qui constitue son titre de gloire.
L’autre chose qui me dérange énormément, c’est que, avec le temps, j’ai poussé des fesses et un bassin des plus attrayants, semble-t-il. Et rentrer dans mon kaki est devenu depuis quelques temps périlleux. A chaque fois, j’ai voulu élargir le tissu au niveau du bassin. Mais le sort s’acharne à redessiner les contours. Ce que les femmes souhaitent, je l’ai et cela a commencé à me causer des problèmes. Mon père qui ne rate jamais une occasion de m’invectiver rentre un certain jour, abruptement semble-t-il, dans la douche et le souffle court et le gosier sec me demande, pourquoi je ne fais pas vite, pourquoi je cherche à cacher mon intimité ; ce qui signifie que je faute déjà ! Vous avez compris : ce n’est pas mon vrai père, c’est plutôt le second époux de ma mère et je me demande où me mènera ce nouveau jeu qu’il a commencé car, depuis quelques temps, il insiste pour donner mon argent de poche que j’attends indéfiniment jusqu’à être en retard. Je demande, il ricane et tente de m’attraper pour je ne sais quoi. J’ai pris l’habitude de partir le ventre et la poche vides.
A qui puis-je me plaindre ? A l’école, je commence à arriver en retard. Le surveillant ne me croyant pas, a décidé de me punir tout en insistant sur la protection qu’il pourrait me donner.
C’est le tour des professeurs. Celui d’une de mes matières principales fait des allusions que je fais semblant de ne pas comprendre. Je me suis retrouvée avec quelques mauvaises notes. Je me suis rapprochée d’une dame professeure. Elle m’a rabrouée avec une méchanceté que je n’ai jamais vue de ma vie, estimant que je suis une allumeuse et que je ferai mieux d’aller apprendre la couture ou me marier ! Ce fut le jour-là que je pleurais sur mon sort, sur ce destin que quelqu’un, quelque part dans le ciel, m’a tracé et qui, pour ma part, ne devrait pas être une fatalité si les plus grands, la société nous donnait un peu d’attention. Une camarade s’approcha de moi et me demanda pourquoi je ne me prêtais pas au jeu ; je ne rentrai pas dans le système avec ses avantages : argent, androïde, points faciles pour servir une chose qui ne finit pas.
Oh Seigneur ! Encore une qui va tomber ? Dans certains pays, il semble qu’il existe des conseillers d’orientation dans les écoles ? Jusqu’à quand je résisterai avant de commencer à servir toute la vicieuse chaîne : à l’école, dans la rue et même à la maison…

Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe

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