La mentalité du couteau

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Pour une fois, j’énoncerai d’emblée et clairement le problème qui me préoccupe : qu’est-ce qui manque à notre éducation pour être efficace, c’est-à-dire former des générations compétentes et entreprenantes ? En ce moment, et alors que les examens ont été globalement satisfaisants pour les parents en termes d’investissements avec des pourcentages élevés de réussite, il importe de se poser la question clé : Que ferons-nous de tous ces enfants qui évoluent dans leurs cursus scolaires en rêvant, comme leurs ascendants, de bureaux climatisés et de vestes sur mesure ?
Précisons d’abord que l’éducation est un éternel recommencement dans le sens où les évolutions diverses demandent des adaptations nouvelles. Il s’agit pour les décideurs d’être vigilants et de corriger le cap au fur et à mesure. En même temps, entre le diagnostic et le traitement, il reste toujours des étapes difficiles à franchir en termes surtout de moyens et de gouvernance. Par-dessus tout, deux volets essentiels devront guider la refonte de notre éducation : la réforme systémique et systématique des curricula et l’éducation du caractère.
Automatiquement, le spécialiste (notamment le pédagogue) dira que cette proposition n’est qu’un truisme : nos curricula sont régulièrement réformés et en train de l’être au Primaire par exemple ! Justement, c’est là que le bât blesse. Finissons-en avec les réformettes compartimentées de ces curricula. Comme l’a proposé la Politique Nationale Enseignante (PNE) qui a été élaborée depuis 2019 et dont les différentes validations ne mesurent pas l’urgence et l’utilité, il s’agira de créer une structure nationale et unique couvrant tous les ordres d’enseignement, qui travaille à la formation de tous les enseignants et à l’élaboration des principes éducatifs. Ainsi, chaque sous-secteur répondra harmonieusement au suivant, avec une refonte des séries plus cohérentes et simplifiées. La priorité donnée par le Gouvernement au sous-secteur de l’Enseignement Technique et la Formation Professionnelle ( ETFP) traduit un principe directeur important qui doit s’insérer et s’intégrer dans tout le dispositif de l’éducation depuis la Maternelle jusqu’au Supérieur. Il faut y penser et c’est en réalité le premier travail de l’Agence de Développement de l’Enseignement Technique (ADET). Il faudrait faire court et simple avec d’abord les acteurs et techniciens nationaux qui sont de qualité. La tâche suivante sera d’identifier et de structurer le mécanisme de formation et d’accompagnement des enseignants de tous les ordres afin qu’ils éduquent nos enfants à savoir acquérir des compétences dans l’apprentissage et la recherche. Pour illustrer mes dires, je rapporterai une situation tragique pendant le BAC 2021. Une série littéraire a eu à se retrouver devant une épreuve bien pensée au demeurant, car faisant appel plus à l’information et aux préoccupations actuelles qu’au cours, à savoir la problématique de l’intelligence artificielle. La plupart des candidats ont eu des notes désastreuses données par des enseignants qui n’en ont jamais parlé au cours et qui au demeurant n’en savaient pas grand-chose jusqu’à la lecture du corrigé-type distribué dont ils se sont inspiré ! Vous voyez ? Il y a encore du chemin à faire.
Le second élément qui nous préoccupe est ce que nous avions appelé l’éducation du caractère. Nous l’avions déjà évoquée dans une autre chronique. Jusqu’ici, nous avions parlé d’éducation et non, en réalité d’enseignement alors que l’école devrait enseigner et la maison, la famille devrait éduquer. Mais, de nos jours, la charge de l’école est devenue plus grande car les parents qui devraient s’occuper d’éduquer le caractère de l’enfant en fondant ses qualités morales et son enracinement dans sa culture semblent ne plus avoir le temps pour le faire. La vérité est plus complexe : s’il est vrai que notre société éclatée à tous les niveaux ne permet plus la communion des enfants et des parents, il est aussi vrai que beaucoup de parents, absorbés par un quotidien épuisant se livrent à des évasions solitaires à travers leurs feuilletons préférés, la rencontre entre copines ; les matchs de football, prétextes à des consommations excessives d’alcool. Il n’y a donc que peu, sinon plus de place au dialogue avec les enfants qui semblent déjà occupés par d’autres activités après leurs cours ou formations payés chèrement. Erreur ; c’est une démission. Car, les enfants attendent, observent et ne voient rien venir en termes d’attention, d’amour et de conseils. Dans des familles encore plus modestes, la difficulté de subvenir à tous les besoins de l’enfant amène à des abandons préjudiciables de responsabilité surtout lorsqu’on constate que la fille se débrouille bien avec ses atouts et atours tandis que le garçon a son club d’affaires ou de gaymen. Comment résoudre cette situation ?
En attendant de remettre les parents face à leurs responsabilités, on essaiera en fait d’instituer plus que de l’éducation civique à l’école, mais un programme conséquent qui apprenne à nos élèves notre culture et ses potentialités à travers l’environnement (histoire, géographie, SVT etc.). Ils peuvent alors s’intéresser à la transformation de leur milieu.
Cette éducation cessera aussi de juste insister sur la morale comme la connaissance du permis. Il faudra désormais aussi insister sur la compréhension et l’utilisation à bon escient du défendu de telle façon qu’il puisse se forger une identité complète et apprendre à combattre les malfaisants. Ainsi, il s’agira de lui donner la mentalité du couteau plutôt que celle de la brebis : le couteau a deux facettes à la fois utile et dangereuse ; la brebis n’a qu’une solution à savoir l’abattoir !

Maoudi Comlanvi JOHNSON, Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe

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