Le coupe-coupe miraculeux

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Je me souvins de mon grand-père paternel, homme plein de bon sens et surtout père d’une multitude d’enfants essaimée au fur et à mesure de ses pérégrinations d’instituteur du temps de la colonisation. Il avait toujours clamé qu’il avait été « donné » aux colons venus chercher quelques enfants à instruire. Ainsi, un bon à rien au champ, avait réussi à s’instruire et à devenir instituteur !
J’évoque cet homme glorieux pour en arriver à mon fils, qui ne me servait à rien dans mes champs. Je le mis donc à l’école du village et ensuite au collège communal me disant qu’il était l’incarnation de son arrière-grand-père. Ce fut l’une des entreprises les plus difficiles de ma vie car cet enfant, se jouait de nous en progressant au prix d’efforts surhumains de notre part, fait de cartons de cahier et de magasins de bics sans oublier les innombrables frais de scolarité. Ajouté à tout ceci, son rare talent pour la paresse et l’inutilité. Il avait même réussi à avoir un de ces engins de déperdition appelé portable grâce à sa mère. Il expliqua que les professeurs envoyaient les cours par-là !
Cet enfant était pourtant le chéri de sa maman qui était plus qu’indulgente avec lui. Moi, je ne suis pas longtemps allé à l’école ; mon père avait décelé en moi un bon travailleur au champ. J’en avais gardé un souvenir contrasté qui me donnait l’impression d’avoir raté quelque chose d’important. C’est pourquoi, je souhaitais que mon fils allât à l’école. Mais cela ne semblait pas l’intéresser. Mais qu’est-ce qui intéresse ce gamin ? Je suis sûr que ce ne sont pas vraiment les cahiers. Je me résolu à aller dans son collège où on me reçut à la fois avec gentillesse et condescendance mêlées d’étonnement ! Qu’est-ce qu’un vieux plouc quasi illettré du village, voulait savoir sur son fils élève ?
J’avais eu la chance de tomber sur un de ses enseignants qui m’expliqua que mon fils était plein de potentiels, mais paresseux. Il alternait le bon, le mieux et le mauvais, sinon le pire. En cette année d’examen, il était dans sa période pire. Je remerciai et alla ensuite prendre conseil chez un de mes frères, instituteur vivant dans cette ville communale. Il me reçut avec une attitude compassée de clerc et anxieux de pingre qui s’inquiétait de ma visite curieuse en ces temps difficiles. J’évoquais mon problème. Il commença à pérorer m’expliquant qu’au village, nous ne savons pas élever les enfants car nous faisons l’élevage et non l’élévation. Vous leur donnez trop à manger : toujours une grosse pate accompagnée de crin crin dans ces moments difficiles. Mettez-le à la diète et parlez à son esprit !
Je compris que cet homme vivait péniblement et fantasmait sur mon maïs et mes tubercules d’ignames. Je devrais raisonner mon fils. Je changeais de stratégie discutant et mangeant avec mon enfant, en lui distillant des paroles vertueuses. Mais je compris un jour, alors qu’il se levait en rotant d’aise, que ce fils assidu à mes sermons de déjeuner, ne s’intéressait qu’aux plats savoureux et généreux de sa mère. Il me fallait un électrochoc pour cet enfant qui s’est retrouvé en classe d’examen en touriste et qui était prêt à échouer.
Je m’en allais chez le forgeron à qui je demandai de me confectionner un coupe-coupe surdimensionné ou était inscrit l’initial de mon fils. Je le mis en évidence dans mon salon et écris au-dessus sur un carton : ça passe ou ça casse ! Je réunis ma famille et leur dis : un de vous me manque de respect. S’il ne se ressaisit pas, je finirai avec lui ! A partir de ce jour, mon fils vint à tout moment contempler le dangereux instrument se disant à l’évidence que c’est de lui qu’il s’agissait. Il perdit sa désinvolture et même son appétit. Il venait étudier dans mon salon sous le regard du saint coupe-coupe que je mettais un grand soin à aiguiser chaque jour. Il s’étonnait de mon visage fermé et surtout de l’attitude de sa mère qui ne répondait pas à ses questions. Il se résolut à travailler et obtint brillamment son examen.
Ne vous inquiétez pas ; c’était juste un élément persuasif concocté par nous les parents. Avouez qu’on avait fait mieux : cet épée de Damoclès était sur une armoire et non au-dessus de la tête !

Maoudi Comlanvi JOHNSON,
Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe

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