Nous sommes en train d’écrire un roman policier. Mais ce qui est terrible, c’est que personne ne se rend compte que je suis le meurtrier, car j’avance masqué, posant patiemment mes pions. L’enjeu en vaut la peine. En effet, j’ai attrapé mes gens de la diaspora et aujourd’hui, à force de patience et de manœuvres diverses, ils me mangent dans la main.
Tout le monde sait que c’est souvent une femme du pays qui rentre dans la vie de l’homme qui commence à revenir de plus en plus sans sa blanche femme jusqu’à ce que l’irréparable se commette. Il fonde une nouvelle famille en Afrique avec une gent dame, honnêtement plus épicée et plus soumise mais particulièrement dépensière. Cela finit souvent très mal.
En réalité, moi, j’ai décidé de tenter quelque chose à la fois de plus osé, de plus subtil : isoler un couple de leur famille à savoir mère, frères et sœurs, voire enfants. Je suis devenu le seul référent ; l’être qu’il aime par-dessus toutes, tous et tout ! Honnêtement, ce n’est pas facile, mais il faudrait se baser sur deux choses essentielles : les petits gris-gris ou grandes astuces traditionnelles et la mentalité de ces expatriés, inconsciemment ou consciemment imbus de leurs personnes.
Au fond, leur impression d’être supérieurs n’est même pas liée à quelques individus. Tous nos frères à l’extérieur, pensent qu’ils sont complètement importants et que leurs compatriotes à l’intérieur sont indignes de toute confiance. Le paradoxe, c’est qu’eux-mêmes demandent des raccourcis pour vite résoudre les problèmes administratifs et sociaux, mais sont les premiers à s’étonner qu’on leur demande un remerciement ! Ils concluent que les africains sont tous corrompus, oubliant qu’ils viennent d’un occident certifié iso en corruption !
En réalité, la famille que je côtoie et manipule est vraiment l’expression de la réussite en Europe et le couple est véritablement de bon conseil. Mais, il se retrouve au pays avec des parents qui, à l’évidence, ont une toute autre manière de vivre. Et, au lieu de comprendre voire d’apprécier, ils passent le temps à repérer les travers du quotidien, à critiquer les attitudes et même les aptitudes qu’ils trouvent dérisoires et ils ont vite conclu qu’ils sont des ratés.
Alors, moi, boy au départ, je suis parvenu au rang de maître, d’ami fidèle, sinon de confident indispensable, construisant leur maison, où, j’ai goûté à l’ivresse de gérer des millions et d’en disposer pour mon compte. Puisque la famille ne valait rien, on ne pouvait rien leur confier : ils passaient le temps à leur donner des leçons de manière péremptoire, à les critiquer partout et toujours. D’ailleurs, l’homme évolué, avait toujours raison et tout le monde avait cessé de lui répondre. Alors, cet homme qui avait eu le bon sens de revenir chaque année dans son pays, s’isolait dans un tourbillon d’activités incessantes et superflues, retrouvait tout sauf sa véritable famille et son pays. Ils gâchaient ainsi tout cet effort de retour salutaire au pays et repartaient avec un large goût d’inachevé, s’étant un peu plus éloigné des siens.
Moi, j’ai réussi. Je suis devenu un homme important, mangeant à leur table et le premier à compter leur argent et l’incontournable par lequel passe toutes les opérations financières, même les dons ou dépenses envers les frères, les sœurs, voire les fils qui doivent d’abord s’adresser à moi ; suprême humiliation ! Je suis maintenant sûr et certain d’une chose. Possédant tous les rouages des maisons, connaissant les comptes bancaires et d’autres intérêts au Bénin, je les conduis à un seul piège auquel ils n’échapperont pas : je serai leur héritier !
Bien sûr, il y a un facteur x constitué par un vague vieux cousin perspicace, qui semble comprendre mon stratagème ; qu’on écoute toujours assez, mais qu’on entend et comprend de moins en moins. Je suis trop fort : appelez-moi tout simplement l’héritier !
Maoudi Comlanvi JOHNSON,
Planificateur de l’Education, Sociologue, Philosophe