Au moment où la ville de Cotonou s’anime de la célébration de la Journée Internationale des droits des Femmes, le 8 mars 2025, un groupe de femmes et de jeunes filles ont troqué les festivités contre une formation immersive dans l’univers fascinant du textile africain. Aux commandes de cet apprentissage, Loraine Yaovi Nato, la présidente de Luxury African Fashion Fabrics (LAFFA).
Grande et imposante, Loraine Yaovi Nato a tout d’une amazone béninoise. Son regard perçant et ses gestes assurés témoignent de sa maîtrise du métier. Depuis plus d’une décennie, elle s’investit dans la promotion et la transmission du savoir-faire du textile africain. LAFFA, qu’elle a fondée en 2022, est aujourd’hui une référence dans la confection et la valorisation du pagne teinté.
« J’ai toujours été fascinée par les textiles africains. Pendant mes études, je faisais déjà des formations parallèles en artisanat textile. C’était d’abord un moyen d’avoir un revenu complémentaire, puis c’est devenu une véritable passion », raconte-t-elle. Depuis 2012, elle affine sa technique et son expertise, puisant dans les traditions béninoises et burkinabée tout en y apportant une touche de modernité.
C’est avec l’esprit de transmission de son savoir-faire qui la caractérise, qu’elle a répondu à l’appel de la Jeune Chambre Internationale (JCI) Cotonou Zénith pour animer la deuxième édition du « Projet Free Woman ». L’objectif de ce projet est d’offrir aux femmes et jeunes filles, une compétence qui pourrait les aider à générer des revenus et à accéder à l’autonomie financière. « Aujourd’hui, on ne peut plus compter sur une seule source de revenus. Avoir un savoir-faire comme celui-ci peut changer une vie. Je suis vraiment heureuse de voir ces femmes et jeunes filles qui sont venues apprendre de façon pratique comment fabriquer des tissus en Batik et en Bogolan », a confié Loukéyatou Séibou, la présidente de la JCI Cotonou Zénith.
La formation, qui a débuté par une phase théorique en ligne, s’est étendue par une immersion pratique le 8 mars 2025. A 9h45 minutes, les participantes passent à l’inventaire des matières premières et des équipements disposés sous la bâche qui couvre la cour du 10e arrondissement de Cotonou. Seaux d’eau, teintures, solutions chimiques, peintures, tissus, etc., sont tous réunis. Réparties en deux groupes, les apprenantes suivent avec attention, les explications de leur formatrice.
Des apprenantes en plein atelier de fabrication du bogolan
Du savoir-faire à l’entrepreneuriat
Patiente et méthodique, Loraine Yaovi Nato guide ses apprenantes dans la maîtrise des différentes étapes de la teinture. Elle explique la fixation des couleurs, l’oxydation et la composition des solutions chimiques. « L’harmonie des couleurs est essentielle. Un bon pagne teinté doit non seulement être beau, mais aussi durable », explique-t-elle aux participantes attentives. Avec ses deux assistantes, elle corrige, ajuste et encourage.
Clémentine Awesso, vendeuse de divers produits alimentaires et participante, ne cache pas son enthousiasme : « Je voyais ces pagnes sans savoir comment ils étaient fabriqués. Aujourd’hui, je comprends tout le processus et je me sens capable de me lancer si on m’accompagne. »
Le batik et le bogolan sont encore moins valorisés au Bénin certes, mais Loraine Yaovi Nato est convaincue qu’ils peuvent connaître un essor similaire à ce qui s’observe au Burkina Faso. « Là-bas, il n’y a pas une rue sans pagne teinté, pas un événement sans tenue en bogolan. Il faut qu’on en arrive là aussi au Bénin. C’est une question de volonté et d’organisation », affirme-t-elle avant d’évoquer les défis liés à son métier. « Beaucoup pensent que c’est difficile, mais c’est une question de passion et de persévérance. Avec le bon encadrement, on peut en faire une industrie florissante », martèle-t-elle. C’est dans cette optique qu’elle rêve d’ouvrir un centre de formation spécialisé et de nouer des partenariats pour accompagner les aspirants artisans. « Le manque de main-d’œuvre qualifiée est un frein. Si on a le soutien nécessaire, on pourra former plus de personnes et structurer le secteur », espère-t-elle.
Une apprenante s’exerçant à la fabrication de la teinture
Une vision ancrée dans la tradition et l’innovation
Pour Loraine Yaovi Nato, l’enjeu est aussi culturel : « Nos textiles sont une part de notre identité. Ce n’est pas qu’un métier, c’est une mission, celle de préserver, de moderniser et de transmettre un héritage. » En alliant techniques ancestrales et tendances contemporaines, elle veut positionner LAFFA comme une marque incontournable du textile africain.
Entrepreneure, formatrice et militante du textile, Loraine Yaovi Nato incarne cette nouvelle génération d’artisans qui façonnent l’avenir. Avec elle, le batik et le bogolan ne sont pas seulement des tissus, mais des vecteurs d’émancipation et de développement. Une leçon précieuse pour toutes les femmes qui, comme ses apprenantes du jour, ont choisi d’écrire leur avenir en couleurs.
Edouard KATCHIKPE