Grâce aux efforts des enseignants et chercheurs du Laboratoire Pierre Pagney Climat, Eau, Ecosystèmes et Développement (LACEEDE) de l’Université d’Abomey-Calavi (UAC), le Bénin a son mot à dire en matière de recherche sur le climat. Malheureusement, leurs résultats n’ont pas toujours voix au chapitre. Voici l’acte 2 de notre publication consacrée au laboratoire Pierre Pagney.
C’est l’une des fiertés de l’UAC, et plus encore pour les acteurs du laboratoire Pierre Pagney Climat, Eau, Ecosystèmes et Développement (LACEEDE). Logée à l’abri des regards, dans l’un des endroits les moins visités de l’université, la station agro-météorologique SAM-LACEEDE est un joyau scientifique. Elle a, depuis peu, le statut de station synoptique. Et pour cause !
Station synoptique, une mine d’informations au service de la science
« En réalité, on était parti d’une station agro-météorologique. Aujourd’hui, avec les équipements que nous avons, on est au-delà d’une station agro-météorologique », informe le docteur Gervais Atchadé, environnementaliste et hydroclimatologue, collaborateur au laboratoire Pierre Pagney. Dans le même sens, le professeur Expédit Wilfried Vissin, directeur adjoint du laboratoire, ajoute que ce sont de nouveaux équipements d’enregistrement qui ont été acquis au profit de la station pour en faire une station synoptique. Elle occupe un espace de 30 m de long sur 30 m de large, conformément aux normes de l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM).
Dans sa tenue décontractée, le Dr Atchadé décrit les appareils et équipements installés sur le site. Tout d’abord, le pluviomètre qui permet de mésurer les données de pluie. « Nous avons, des données de hauteur de pluie à différents pas de temps : à l’échelle horaire, à l’échelle journalière et à l’échelle mensuelle. Ces hauteurs de pluie sont mesurées en millimètres », informe le chercheur. C’est aussi grâce à cet outil que l’équipe détermine les évènements pluvieux et le nombre de jour de pluie. La station dispose aussi d’un capteur d’humidité. Elle permet aussi de recueillir des données de température et détermine le nombre de jour d’ensoleillement grâce aux divers équipements. « Nous avons un capteur ultrasonique du vent qui nous permet de mesurer la vitesse du vent à 2 mètres du sol et à 10 mètres », renchérit le Dr Atchadé. A tout cela, s’est dernièrement ajouté la mesure de la pression. Comme cette station, le laboratoire Pierre Pagney de l’UAC dispose de plusieurs trésors dans les tiroirs.
De nombreuses réalisations mises sous le boisseau
Le laboratoire Pierre Pagney Climat, Eau, Ecosystèmes et Développement (LACEEDE), est bien installé à l’UAC, car il dispose de plusieurs enseignants-chercheurs et de plusieurs sites. Le premier site, ce sont les bureaux des enseignants. C’est le cas du professeur Expédit Vissin, le directeur adjoint du laboratoire. Vêtu d’une tenue locale bleue avec des motifs blancs, c’est le sourire au visage qu’il révèle ses conditions de travail dans son bureau, situé à côté des amphis A750 et B750. Il y a ensuite la salle de travail située au sein du bâtiment de l’ex-FLASH. Puis une autre salle de travail au rez-de-chaussée de l’Ecole Doctorale Pluridisciplinaire Espace-Culture et Développement (EDP-ECD), à côté de laquelle se trouve une salle de documentation. A tout cela s’ajoute la station synoptique qui est une source d’informations
C’est de tous ces espaces que proviennent les résultats des nombreux travaux conduits par chaque acteur. « En agroclimatologie par exemple, la détermination de la date de démarrage des pluies. Ce sont des résultats qui sont là, qui sont applicables », révèle le professeur Vissin. De révélation en révélation, l’enseignant-chercheur sort de l’ombre d’autres résultats de recherche qui restent cachés dans les tiroirs. « Lorsque je fais de l’hydroclimatologie, poursuit le directeur adjoint du LACEEDE, c’est-à-dire l’impact de la dynamique climatique, du dérèglement climatique sur les ressources en eau, et j’évalue les ressources en eau dans ce bassin, ce potentiel, normalement le ministère de l’eau doit être informé, et prendre les dispositions qui s’imposent en ce qui concerne l’alimentation en eau potable ». Le laboratoire dispose de nombreux autres résultats de recherches qui, selon lui, ne sont pas mis à contribution pour le développement du Bénin. Ce constat relance l’éternelle question de la valorisation des résultats de recherche, une des nombreuses difficultés des laboratoires du Bénin.
Difficultés persistantes, freins du développement
La première difficulté du Laboratoire Pierre Pagney Climat, Eau, Ecosystèmes et Développement (LACEEDE), comme tous les autres laboratoires du Bénin, c’est le manque de financement. « Je peux vous assurer que nos laboratoires ne bénéficient d’aucune subvention, d’aucune aide, ni de l’entité, ni de l’école doctorale qui l’abrite, ni du rectorat, encore moins du ministère. Les laboratoires de l’université, pour la plupart, se débrouillent. Ils vont eux-mêmes à la recherche de financement. Ils le font à travers des projets, des accords, etc », informe le professeur Expédit Vissin, un brin de découragement sur le visage. Puisque le principal outil de travail est l’ordinateur, les financements sont nécessaires pour les rendre plus performants et pour acquérir les logiciels de traitement des différentes données recueillies sur le terrain et celles fournies par la station synoptique, car ces logiciels coûtent excessivement chers.
La station synoptique, principale source d’information pour les chercheurs a aussi besoin d’un entretien régulier. « L’accessibilité pose problème parce que nous avons des données de vapo-transpiration. Raison pour laquelle on ne peut cimenter le sol ou mettre du pavé. Il faut donc du gazon mais nous n’avons pas encore les moyens pour cela. Nous nous contentons de tailler les herbes à chaque fois », fait savoir le Dr Atchadé. Le grillage de sécurité de la station a aussi pris de l’âge. Pour ce qui concerne les données, le chercheur renseigne que les grands arbres qui poussent à côté de la station peuvent créer des interférences. Visiblement inquiet de la situation, le Dr Atchadé ajoute : « Normalement, il ne doit pas y avoir de grands arbres. Sinon, avec le temps, cela risque, par exemple, de modifier les données que nous recueillons. »
Les résultats issus des recherches qui ont nécessité la collecte de ces données ont aussi besoin d’être vulgarisés et valorisés. Sur ce plan, le tableau peint par le professeur Vissin est sombre. « Malheureusement, l’autorité en charge de la recherche n’a pas mis en place des outils de vulgarisation de ces résultats de recherche », se désole l’enseignant-chercheur, directeur adjoint du LACEEDE. Se faisant insistant, il a martelé l’importance de faire connaître ces résultats au grand nombre et de trouver les moyens de valoriser les résultats par des usages pratiques, qui contribuent au développement effectif.
Sur ce plan, il ne manque pas de lever un coin de voile sur la difficile collaboration entre chercheur et fonctionnaires de l’administration publique. Se redressant dans son fauteuil, le professeur Expédit Vissin est formel : « Je peux vous assurer que moi, il y a quelques années, à chaque début de rentrée universitaire, j’allais à la Direction Générale de l’Eau (DGE), et je questionnais chaque directeur pour m’enquérir de leurs besoins. » Gestes à l’appui, l’attitude nostalgique des nombreux efforts fournis, il replonge dans cet exercice, selon lui un devoir patriotique. « Je demande au directeur : de quoi avez-vous besoin, de quels résultats de recherche avez-vous besoin pour le développement de votre secteur. Moi j’ai la main-d’œuvre, j’ai l’intelligence qu’il faut pour vous accompagner », explique le directeur adjoint du LACEEDE. Cela s’est toujours soldé par un échec se plaint-il. Avec le recul imposé par le temps, selon l’enseignant-chercheur, ces interlocuteurs n’avaient pas de vision, et c’est à croire aussi que « dans l’administration, les gens ont peur des universitaires ». En somme, un manque de synergie d’action préjudiciable au développement du Bénin.
Adjéi KPONON